7 LES ENJEUX DE LA TRANSFORMATION NUMÉRIQUE consommateurs ou encore pour tirer

7 LES ENJEUX DE LA TRANSFORMATION NUMÉRIQUE consommateurs ou encore pour tirer profit des outils technologiques en termes d’innovation ou de productivité, les entreprises sont appe- lées à repenser leurs processus et la façon dont elles interagissent avec leurs parties prenantes. La vitesse et la magnitude de la transformation en cours, portée par la dernière vague de TIC amènent certains auteurs à parler “d’acce- luction” (Bounfour, 2016). Ce néologisme met en exergue d’une part une large extension du champ de la production de valeur par les entreprises, d’autre part l’accélération numérique qui conduit à l’ins- tantanéité des échanges au sein de la société et de l’entreprise. Ces deux éléments nous semblent effectivement caractériser la transfor- mation numérique en cours. Piège de la nouveauté La notion de transformation numérique ou digitale nous questionne sur la nature des évolutions rendues possibles par les derniers dé- veloppements dans le domaine des TIC. Les différentes vagues de développement technologique ont toutes, à des degrés divers, eu un impact profond sur le développement socio-économique et celui des organisations. Garder à l’esprit cette dimension historique est néces- saire pour ne pas tomber dans le piège de la nouveauté. La transfor- mation numérique n’est pas un phénomène nouveau : l’expression (digital transformation) est apparue pour la première fois en 2000 (Patel & McCarthy, 2000) et nous consacrons en fin d’étude plusieurs pages à une revue de littérature sur le sujet (voir infra : Focus “La transformation numérique : un éclairage historique”). Désormais, ce ne sont plus uniquement les processus métier ou macroprocessus qui sont concernés par le développement des TIC (Hammer & Champy, 1993), mais l’ensemble des processus d’affaires, La transformation numérique, également dénommée digitalisation, est un concept en- core protéiforme dont les acceptions diffèrent entre universitaires et praticiens. Parmi les premiers certains la caractérisent comme “les changements induits par les technolo- gies numériques dans tous les aspects de la vie humaine” (Stolterman & Fors, 2004). Les seconds estiment de façon plus provocante que “la transformation digitale, c’est l’exploi- tation radicale des possibilités d’Internet” (Ludovic Cinquin, DG d’Octo France, entre- prise spécialisée dans l’accompagnement des entreprises dans leur transformation di- gitale). Cette définition est proche de celle qui présente la transformation digitale comme “the use of technology to radically improve performance or reach of enterprises” (Wes- terman et al, 2011). Dans les deux derniers cas, ces assertions insistent sur le caractère drastique de la transformation en cours et rendent compte d’une triple radicalité dans : ¬ le changement de dimension temporelle (Internet abolit le temps) ; ¬ l’évolution de la dimension spatiale (les technologies mobiles offrent une ubiquité inédite) ; ¬ l’accès à la multitude (Internet abolit les limites de l’audience). Sous la pression de nouveaux entrants, pour s’adapter aux nouveaux comportements des LES ENJEUX DE LA TRANSFORMATION NUMÉRIQUE E. Baudoin, S. Berger-Douce, M. Besson, I. Boughzala, P.-A. Chardel, G. Dang Nguyen, M. Feki, V. Fernandez, R. Gola, C. Gossart, E. Henriette, T. Isckia, B. Léger, N. Jullien. 8 ENTREPRISE DU FUTUR les processus support et le design organisationnel lui-même. Ces processus étant entièrement dédiés à la création de valeur, c’est naturellement le business model qui va progressivement faire l’objet d’une attention soutenue (business model innovation) ainsi que la relation à l’autre (relational turn) et les stratégies relationnelles. En effet, sous la pression de nouveaux entrants, pour s’adapter aux nouveaux comportements des consommateurs ou encore pour tirer profit des outils technologiques en termes d’innovation ou de productivité, les entreprises sont appelées à repenser leurs processus et la façon dont elles interagissent avec leurs parties prenantes. La transformation numérique redessine la place de l’humain dans les entreprises. Toutes les tâches automatisables sont en passe de l’être. Tous les acteurs s’accordent à considérer que la transformation numérique déplace la valeur au sein des secteurs, qu’il s’agisse de secteurs industriels ou des services, que les entreprises opèrent au- près de clientèles industrielles ou dans les secteurs grand-public. La notion de business model qui avait eu du mal à trouver une place dans le monde académique à la fin des années 1990 est devenue un des concepts les plus étudiés dans la littérature de management. En pa- rallèle, la transformation numérique redessine la place de l’humain dans les entreprises. Toutes les tâches automatisables sont en passe de l’être, passant de la robotisation des opérations sur les chaînes de production automobile à l’automatisation des tâches d’employés de bureau ou d’hôtesses de caisse. La robotisation permet aussi la production à la demande et les possibilités de personnalisation des produits et services. “Progressivement, la valeur ajoutée se déplace de l’effectuation elle-même des tâches vers trois terrains : la formu- lation de la demande du client, la conception de la solution et des automates qui les exécutent, enfin le service, qui consiste à livrer au client.” (Landier, 2014). Nouvelles opportunités, exigences accrues Sur le plan économique, les bénéfices attendus de la transformation numérique ont fait l’objet d’un chiffrage par McKinsey, qui prévoit une augmentation de 3,6 % du PIB d’ici à 2020, (7 % en 2015), avec un marché de 15 Mds € (resp. 23 Mds €) pour l’équipement connecté à ces horizons (McKinsey, 2013). Les entre- prises françaises semblent accuser un cer- tain retard ; selon Roland Berger (2014), si 57 % des entreprises françaises identifient le numérique comme un enjeu stratégique à moyen terme, seules 36% d’entre elles ont un plan pour s’y préparer. C’est un fait : la révolution des usages numériques, issue du grand public, prend plus de temps à faire son chemin dans le monde de l’entreprise. Alors que 54 % des Français achètent sur Internet, seules 11 % des entreprises françaises uti- lisent ce canal de vente. À l’inverse, en France comme dans de nom- breux pays, les clients aujourd’hui plus connectés sont également de plus en plus en plus exigeants. Attendant des entreprises qu’elles s’adaptent de manière rapide et per- sonnalisée à l’évolution de leurs besoins, les consommateurs – et particulièrement les nouvelles générations digitales – ont conduit les entreprises à adapter leurs pra- tiques marketing (Pardo & Etay, 2014). Pour faire face aux nouveaux comportements des consommateurs, les entreprises ont dû re- voir leur manière de capter les tendances de consommation (y compris en intégrant une réflexion sur les producteurs de proximité, les makers), de concevoir leurs services en amont de la production (coconception) et de délivrer des services, enfin de communiquer avec des utilisateurs et de consommateurs intégrés dans des réseaux et des communau- tés. Cette transformation passe entre autres par l’adoption d’outils de CRM (Customer Re- lationship Management) qui intègrent une di- mension sociale forte à travers des modules d’analyse des réseaux sociaux et amorcent ainsi une connexion des données internes à l’entreprise et de données externes sur les clients, annoncée par Davenport et al. (2012). Dans l’industrie, des entreprises tracent la voie en matière d’intégration des technologies de l’information, jouant sur les possibilités d’innovation ouverte avec leurs clients ou leurs collaborateurs, ou en optimisant leur 9 LES ENJEUX DE LA TRANSFORMATION NUMÉRIQUE ¬ La troisième famille, désintermédiation / ré-intermédiation, concerne les effets de réorganisation des chaînes de valeur. L ’ir- ruption de nouveaux acteurs qui se placent entre les entreprises traditionnelles et leurs clients imposent de réinventer les modèles d’affaires et d’intermédiation, notamment à partir du nouveau rôle joué par les personnes et des nouveaux actifs issus des données. La suite de notre étude se compose de trois parties qui présenteront successivement : ¬ les leviers de la transformation numérique ; (p.12) ¬ ses impacts ; (p.14) ¬ et enfin quelques enjeux de recherche regroupés autour des ques- tions économiques, humaines et de responsabilité sociétale pour l’entreprise du futur. (p.16) chaîne de production par l’intégration d’un nombre croissant de capteurs permettant le traitement local des incidents. Des entreprises industrielles peu réputées pour leur proximité avec le numérique comme Air Liquide ou Michelin nomment des directeurs de la transformation numérique, preuve de l’importance que revêt cette évolution aux yeux de leurs dirigeants. Les trois composantes de la transformation numérique En France, au terme d’une quinzaine d’évè- nements de débats et de coconstruction et de l’audition de plus de 500 acteurs, le rapport Lemoine formule une vision des dynamiques à l’œuvre à l’ère numérique et conclut que “la transformation numérique est la chance que la France doit saisir” (Lemoine, 2014). Dans ce rapport, la transformation numé- rique est décrite comme une combinaison de l’automatisation, de la dématérialisation et de la réorganisation des schémas d’inter- médiation. Chacune de ces trois familles d’effets interagit avec les deux autres et se renforce dans cette interaction. ¬ L ’automatisation. Derrière celle-ci se jouent les effets d’accroissement de per- formance dans l’emploi des facteurs de production : productivité du travail, pro- ductivité du capital, productivité de l’éner- gie et des matières premières, mais aussi augmentation des capacités d’individuali- sation de l’offre (production à la demande, dont le mouvement d’impression 3D est le parangon). ¬ La dématérialisation. Elle entraîne l’ap- parition de nouveaux canaux de commu- nication et de distribution qui remplacent ou transforment les réseaux physiques d’agences, de guichets et de uploads/Management/les-enjeux-de-la-transformation-digitale.pdf

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  • Publié le Apv 17, 2021
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