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Une nouvelle page pour la publicité Au milieu des années 2010, les agences de publicité étaient confrontées à une série de défis inédits. Les marchés historiques et les méthodes établies, développés pour la plupart en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest suite à l’émergence de la société de consommation au XXe siècle, étaient radicalement remis en cause. L’industrie devait faire face à deux évolutions qui bouleversaient sa dynamique et ses structures. La première était l’irruption de nouveaux acteurs tels que Google et Yahoo!, qui captaient une part croissante des budgets publicitaires. La seconde était un basculement des marchés vers de nouvelles zones géographiques. Ces changements conduisaient à une réduction des budgets publicitaires alloués par les clients aux agences historiques, ce qui attisait leur rivalité concurrentielle. Le modèle économique de la publicité Traditionnellement, la tâche des agences de publicité consistait, au nom de leurs clients (les annonceurs), à cibler une audience spécifique afin de la convaincre de consommer un produit ou un service. Dans cet objectif, les agences communiquaient sur les marques de leurs clients au travers de toute une série de supports. La marque permettait aux consommateurs de différencier les offres, et c’était aux agences de publicité de la positionner de telle manière qu’elle soit associée avec les attributs et les fonctions valorisées par la cible. Il pouvait s’agir de marques grand public (par exemple L’Oréal, Coca-Cola ou Toyota) ou de marques ciblant des entreprises (par exemple Airbus, IBM ou KPMG). Certaines marques s’adressaient à la fois aux consommateurs et aux entreprises (par exemple Apple ou Microsoft). Outre les entreprises privées, la clientèle des agences de publicité comprenait aussi les pouvoirs publics, qui allouaient d’importants budgets pour accompagner leurs politiques de sécurité routière, d’éducation ou de santé (comme le « Moi(s) sans tabac » en France). Le gouvernement britannique avait ainsi dépensé 289 millions de livres en publicité en 2014. Les associations, les partis politiques, les syndicats, voire les églises utilisaient également la publicité pour attirer des donateurs, recruter des adhérents ou véhiculer divers messages. Ces différents clients représentaient environ 3 % des dépenses publicitaires mondiales. Les agences se comportaient effectivement comme des « agents » : c’est au nom de leurs clients qu’elles plaçaient les publicités dans les médias (télévision, presse, radio, Internet, etc.). Les annonceurs faisaient appel aux agences pour bénéficier de leur savoir-faire, de leurs compétences, de leur créativité et de leur expérience. Les agences se rémunéraient généralement au travers d’honoraires proportionnels au temps passé à concevoir les campagnes de publicité, plus une commission sur les services et les médias achetés au nom des clients. Cependant, depuis quelques années, de grands annonceurs tels que Coca-Cola ou Procter & Gamble instauraient un nouveau modèle, dans lequel la rémunération de l’agence était fonction du résultat de la campagne, mesuré par toute une série d’indicateurs (croissance des ventes, part de marché, etc.). La croissance de l’industrie Au cours des deux précédentes décennies, le montant global investi en publicité avait très fortement augmenté. Pour l’année 2015, il était évalué à plus de 180 milliards de dollars rien qu’aux États-Unis et à 569 milliards au niveau mondial. Même si la crise avait provoqué un recul temporaire, notamment en Europe, on estimait que le marché dépasserait les 719 milliards en 2019. En 2015, l’indice Dow Jones spécialisé dans les agences de médias (qui comptait notamment les grandes agences de publicité) avait augmenté 15 % plus vite que la moyenne de la Bourse de New York. Le marché mondial de la publicité avait ainsi connu une croissance de 4,4 % en 2014 et de 4,6 % en 2015, et on s’attendait à une croissance de 4,4 % en 2016 et de 4,5 % en 2017 Au sein de cette croissance générale, l’équilibre du marché publicitaire connaissait cependant de fortes évolutions. Des régions négligeables en termes d’investissement publicitaire à la fin du XXe siècle prenaient une importance croissante, notamment les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), mais aussi le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. On avait ainsi vu apparaître des agences spécialisées dans le marketing islamique, qui veillaient à véhiculer des messages respectueux des convictions des consommateurs musulmans. L’analyse des tendances futures montrait l’émergence de marques de grande consommation dans des régions du monde où les investissements publicitaires étaient encore embryonnaires (voir le tableau 1). On estimait au total que les marchés émergents contribueraient à 38 % de la croissance des investissements publicitaires entre 2016 et 2019, dont 25 % pour la Chine, avec notamment de fortes progressions en Indonésie, en Inde et aux Philippines. En 2016, la Chine et le Brésil faisaient déjà partie des six premiers marchés mondiaux. Tableau 1 : Dépenses publicitaires par région sur les principaux supports : journaux, magazines, télévision, radio, cinéma, affichage, Internet (en millions de dollars américains, conversions au taux moyen de 2011) 2011 2012 2013 2014 2015 Amérique du Nord 164 516 169 277 175 024 183 075 191 130 Europe de l’Ouest 107 520 111 300 114 712 119 531 124 790 Asie-Pacifique 113 345 122 000 130 711 137 639 145 695 Europe de l’Est 29 243 32 284 35 514 36 691 37 305 Amérique latine 31 673 34 082 36 836 38 530 39 226 Afrique Moyen- Orient 24 150 25 941 28 044 29 334 30 625 Monde 470 447 494 884 520 841 544 800 568 771 Source : Zenith, janvier 2016 En termes d’industries, trois des dix plus gros annonceurs mondiaux étaient des constructeurs automobiles. Cependant, les trois entreprises dont les budgets publicitaires étaient les plus élevés étaient Procter & Gamble, Nestlé et L’Oréal. L’automobile, l’agroalimentaire, la santé, les cosmétiques, la distribution, les télécommunications et le divertissement figuraient parmi les 20 principaux clients de la publicité. Les marques globales étaient celles qui dépensaient le plus : les 100 plus gros annonceurs représentaient environ 50 % des dépenses publicitaires mondiales. La concurrence Il existait toutes sortes d’agences publicitaires, depuis de minuscules boutiques d’une ou deux personnes (qui sous- traitaient l’essentiel de leur activité à des créatifs indépendants), jusqu’à des groupes mondiaux rassemblant plus de 190 000 salariés. L’industrie avait connu une phase de concentration qui avait donné naissance à des réseaux d’agences globaux (voir le tableau 2), dont les plus gros avaient leur siège à New York, Londres ou Paris. Ces réseaux multi-agences s’appuyaient sur la créativité de leurs équipes (mesurée par de nombreux classements et trophées), leur pouvoir de négociation dans l’achat d’espaces dans les médias, leur connaissance des marchés et leur présence internationale. Certains groupes s’étaient intégrés verticalement pour proposer toute une gamme de services à leurs clients. Omnicom avait ainsi fait l’acquisition d’imprimeurs et de centres d’appel. Derrière les géants mondiaux, les concurrents de taille moyenne s’appuyaient sur leur connaissance approfondie de certains marchés, se spécialisaient dans certains services comme le numérique, ou construisaient une réputation d’innovation et de créativité grâce à des campagnes particulièrement remarquées. Cependant, ils utilisaient plus souvent des créatifs indépendants que les grands réseaux. Tableau 2 : Les cinq plus gros réseaux mondiaux d’agences publicitaires en 2014 Nom du réseau Chiffre d’affaires Résultat brut Nombre de salariés Agences et marques WPP (Royaume-Uni) 11,5 milliards de livres 1 662 millions de livres 190 000 JWT, Grey, Ogilvy, Young & Rubicam Omnicom (États-Unis) 15,5 milliards de dollars 1 944 millions de dollars 74 000 BBDO, DDB, TBWA Publicis Groupe (France) 7,2 milliards d’euros 829 millions d’euros 77 000 Leo Burnett, Saatchi & Saatchi, Publicis, BBH IPG (États-Unis) 7,5 milliards de dollars 788 millions de dollars 48 700 McCann Erickson, FCB, Lowe & Partners Havas (France) 1,9 milliard d’euros 263 millions d’euros 11 186 Havas Conseil Source : AdAge, Omnicom, WPP, Publicis, IPG, Havas. Beaucoup de petites agences apparaissaient et beaucoup disparaissaient. La plupart étaient fondées par d’anciens salariés des grandes agences, à l’image de Adam+Eve, issue de Young & Rubicam. Réciproquement, les grands réseaux rachetaient fréquemment des petites agences spécialisées afin d’acquérir leurs compétences, de parfaire leurs gammes de services ou de s’adresser à de nouvelles cibles. Publicis avait ainsi acquis Razorfish pour 530 millions de dollars en 2009, alors que WPP avait mis la main sur AKQA pour 540 millions de dollars en 2012. Dans les deux cas, il s’agissait pour ces réseaux historiques d’accompagner le basculement vers la publicité en ligne. Le marché de la publicité était en effet fortement bouleversé par l’irruption des géants d’Internet tels que Google, Yahoo! ou Bing, qui utilisaient les données qu’ils récoltaient sur leurs utilisateurs pour les monétiser auprès des annonceurs. Sir Martin Sorrell, le directeur général de WPP, soulignait que les interactions de son groupe avec Google prenaient une importance croissante, au point de concurrencer les relations historiques avec les chaînes de télévision ou la presse, voire de mettre en cause le partenariat avec certains annonceurs. Le groupe WPP avait ainsi dépensé plus de 4 milliards de dollars avec Google en 2015 (soit un doublement en trois ans) et 1 milliard avec Facebook. Martin Sorrell considérait que Google était à la fois un ami et un ennemi. Google était un ami car uploads/Marketing/ cas-seance-2.pdf
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- Publié le Jan 25, 2022
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