OHADATA D-05-27 LE DROIT DE LA CONCURRENCE DE L’UNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE O
OHADATA D-05-27 LE DROIT DE LA CONCURRENCE DE L’UNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE OUEST AFRICAINE PAR COULIBALY Abou Saïb, Docteur en droit, maître-assistant, Unité de formation et de recherche en Sciences juridiques et politiques, Université de Ouagadougou. Revue burkinabbé de droit, n° 43-44, 1er et 2ème semestres 2003 Introduction Créée le 10 janvier 1994 par le Traité de Dakar, l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) se fixe un certain nombre d’objectifs fondamentaux dont en particulier le renforcement de la compétitivité des activités économiques et financières de ses États membres1 dans le cadre d’un marché ouvert et concurrentiel et d’un environnement juridique rationalisé et harmonisé2. Cet objectif est poursuivi en relation avec la création d’un marché commun basé entre autres sur la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux entre les États membres et sur l’institution d’un tarif extérieur commun (TEC) et d’une politique commerciale commune dans les rapports avec les pays tiers3. Ainsi, la concurrence apparaît d’entrée de jeu comme l’un des principes clés du processus d’intégration enclenché par l’UEMOA. Dans la suite logique des objectifs proclamés, ledit Traité indique également que, pour la mise en place du marché commun, l’Union œuvre pour l’institution de règles communes de concurrence applicables aux entreprises publiques et privées ainsi qu’aux aides publiques4. Ces règles de concurrence retiendront l’attention, en raison notamment de la place capitale qu’elles occupent dans le schéma d’intégration mis en chantier par l’UEMOA, et du grand intérêt qu’elles revêtent en cette époque de mondialisation et de libéralisation où la survie des acteurs économiques dépend en grande partie de leur capacité à résister à la concurrence. De surcroît, du fait qu’elles sont destinées à orienter et à façonner profondément les actions des États et des entreprises qui déterminent l’environnement économique et social de tous les acteurs de la région concernée, ces règles de concurrence ont de lourdes répercussions sur la vie quotidienne de ces derniers. Le concept de concurrence auquel fait allusion le Traité de l’UEMOA a surtout vu le jour à partir du 18e siècle avec l’avènement du libéralisme économique, cette doctrine qui prône en matière économique la libre entreprise et la libre concurrence et qui est fondée sur la conviction qu’il existe un ordre naturel réalisé par des mécanismes d’ajustement qui ne peuvent jouer que dans un contexte de libre jeu des initiatives individuelles5. En ce sens, la concurrence se présente comme un des principes fondamentaux des économies libérales. Sous un tel angle, la concurrence peut être sommairement définie comme la compétition entre entreprises ou commerçants qui se disputent une clientèle6. Dans cette optique, la libre concurrence est le régime qui laisse à 1 Au nombre actuel de huit, ces Etats membres comprennent les sept Etats fondateurs de l’UEMOA, à savoir le Bénin, le Burkina Faso, la Côte-d’Ivoire, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo qui seront rejoint par la Guinée-Bissau le 2 mai 1997. 2 Article 4 du Traité de l’UEMOA du 10 janvier 1994. Ce traité a été publié dans le Bulletin Officiel de l’UEMOA, n° 5, édition spéciale, p. 2-14. 3 Article 4 du Traité de l’UEMOA du 10 janvier 1994. Les autres objectifs définis par le même article dudit Traité sont : la convergence des performances et des politiques économiques des Etats membres (par l’institution d’une procédure de surveillance multilatérale), la coordination des politiques sectorielles nationales (dans le domaine des ressources humaines, de l’aménagement du territoire, des transports et télécommunications, de l’environnement, de l’agriculture, de l’énergie, de l’industrie et des mines), l’harmonisation des législations des Etats membres dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché commun. Pour une vue générale sur l’UEMOA, voir notamment Etienne CEREXHE et Louis le HARDY de BEAULIEU, « Introduction à l’union économique ouest africaine », CEEI-De Boeck, Bruxelles, 1997, 157 p. 4 Article 76 alinéa c) du Traité de l’UEMOA. 5 Voir notamment : - Ahmed SILEM et Jean-Marie ALBERTINI (sous la direction de), « Lexique. Economie », Dalloz, Paris, 1995, 5e éd., p. 345 ; - Didier LINOTTE, « Principes d’égalité, de liberté, de commerce et de l’industrie et droit de la concurrence », in Jean-Marie RAINAUD et René CRISTINI (sous la direction de), « Droit public de la concurrence », Economica, Paris, 1987, p. 9-20 ; - Bernard ASSO, « Inégalité compensatrice et droit de la concurrence », in Jean-Marie RAINAUD et René CRISTINI (sous la direction de), « Droit public de la concurrence », op. cit., p. 21-47. 6 Pour cette définition, voir notamment : - Paul ROBERT et alii, « Le Petit Robert (Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française) », Dictionnaires Robert, Paris, 1976, 30e éd., p. 322 ; - Jean-Marc MOUSSERON et Véronique SELINSKY, « Le droit français nouveau de la concurrence », Litec, Paris, 1988, 2e éd., p. 7-8 ; - Yves SERRA, « Le droit français de la concurrence », Dalloz, Paris, 1993, p. 1-2. chacun des acteurs économiques la possibilité de produire, de vendre ce qu’il veut, aux conditions qu’il choisit. Plus précisément, dans leur effort de conceptualisation, les économistes distinguent entre plusieurs types de concurrence dont, d’une part, la concurrence pure et parfaite, et d’autre part, la concurrence imparfaite, praticable et réaliste7. La concurrence pure et parfaite apparaît comme un modèle de référence, une notion d’économie construite pour les besoins de l’analyse. Ce type de concurrence impliquerait l’atomicité et l’autonomie des différents vendeurs et acheteurs, la transparence totale du marché caractérisé par l’information constante et parfaite de tous les agents économiques (producteurs et consommateurs), l’homogénéité des produits et la fluidité, c'est-à-dire la possibilité immédiate pour les acheteurs et les vendeurs d'entrer librement en rapport les uns avec les autres8. Mais une telle concurrence n'existe pas dans la pratique. En effet, la concurrence que l’on retrouve au quotidien ou en d’autres termes la concurrence effective et praticable est une concurrence imparfaite, une concurrence à laquelle manque une ou plusieurs conditions de la perfection caractéristiques de la notion de concurrence pure et parfaite, telle que l’atomicité des offreurs et des demandeurs ou l’homogénéité des produits9. La concurrence réaliste est plutôt fondée sur les trois concepts que sont la liberté, l’égalité et la loyauté. Ce type de concurrence est d’abord conçue pour que la liberté soit garantie à tous les niveaux de la production, de la circulation et de la consommation des biens et des services, notamment par la présence d’une pluralité d’offreurs et de demandeurs de tailles différentes avec des produits hétérogènes pour la satisfaction du même besoin. Ensuite, cette concurrence nécessite que les entreprises se trouvent dans des conditions de concurrence plus ou moins égales. Ainsi, la situation de certaines de ces entreprises ne doit pas être favorisée de manière artificielle, notamment par des aides d’État ou par une législation nettement plus avantageuse. Enfin, cette concurrence réaliste implique que la loyauté ou, en d’autres mots, l’honnêteté et la bonne foi existent entre les différents professionnels et que, par conséquent, certains d’entre eux n’aient pas recours à des procédés déloyaux pour prospérer au détriment des autres. C’est également à cette concurrence réaliste que font allusion la plupart des juristes lorsqu’ils parlent de concurrence. Pour les partisans de la politique de concurrence, la compétition entre les entreprises pour s’attirer le plus grand nombre de clients entraîne un certain dynamisme et la recherche de l’innovation technique et de la nouveauté afin d’offrir aux consommateurs des produits compétitifs, c’est-à-dire des produits de qualité et à moindre coût10. De la sorte, aux dires de ces partisans, la concurrence entraîne une allocation maximale des moyens mis en œuvre par les entreprises et contribue à la satisfaction optimale des besoins de l’individu et de la collectivité, et permet en définitive de meilleurs résultats sur le plan économique. Seulement, dans les faits, on observe que les choses ne se passent pas souvent aussi bien que prévues théoriquement, et que bon nombre de pratiques tendent à fausser le jeu de la concurrence, qu’il s’agisse des pratiques anticoncurrentielles ou des pratiques restrictives de concurrence, qu’il s’agisse des pratiques illicites ou des pratiques déloyales11. Les pratiques anticoncurrentielles sont généralement considérées comme des comportements souvent durables d’entreprises qui cherchent à organiser les marchés sur lesquels elles interviennent, à faire régner dans les relations qu’elles nouent avec leurs partenaires un ordre qui favorise leurs intérêts particuliers, en bloquant ou en faussant gravement la concurrence12. Les ententes et les abus de position dominante sont des exemples typiques de pratiques anticoncurrentielles auxquelles sont fréquemment rattachées les aides d’État et la création de monopoles et d’entreprises publiques13. 7 Voir notamment : - Bernard CLEMENT, « La libre concurrence », P.U.F., Coll. Que Sais-Je ?, Paris, 1977, 1e éd., p. 3-8 ; - Yves SERRA, « Le droit français de la concurrence », op. cit., p. 1-2. 8 Pour plus de précisions, voir notamment Ahmed SILEM et Jean-Marie ALBERTINI (dir.), « Lexique. Economie », op. cit., p. 148-150. 9 Idem. 10 Voir notamment : - Yves SERRA, « Le droit français de la concurrence », op. cit., p. 4-5 ; - Commission de l’UEMOA, « L’Union économique et monétaire ouest-africaine uploads/Marketing/ droit-del-a-concurrence-u-emo-a.pdf
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