1 Le co-branding de solidarité : une réponse à la résistance des consommateurs?
1 Le co-branding de solidarité : une réponse à la résistance des consommateurs? Isabelle ROBERT Docteur en sciences économiques, Enseignant-chercheur (Département marketing), Membre du laboratoire Lille School of Management Research Center (Université Lille 2), Reims Management School, 59, rue Pierre Taittinger BP 302, 51061 Reims cedex ; Tel: 03.26.77.46.43 ; isabelle.robert@reims-ms.fr Bâtir des alliances avec des organisations non gouvernementales (ONG) est devenu pour les entreprises un véritable enjeu stratégique. L’instauration de nouvelles pratiques relationnelles avec les ONG, parties prenantes de l’entreprise, s’inscrit dans une démarche de responsabilité sociale de l’entreprise mais répond également aux exigences sociales et environnementales des consommateurs. Face aux mouvements de résistance des consom- mateurs, ces nouvelles alliances peuvent être assimilées à des stratégies de légitimation des firmes et de captation des publics. Afin d’étudier l’efficacité de ces nouvelles stratégies partenariales, cet article se propose d’explorer les attitudes des consommateurs à l’égard des nouvelles formes de co-branding de solidarité et plus précisément d’analyser l’efficacité d’une promotion partage versus une promotion conjointe classique sur les attitudes du consommateur envers les marques engagées. Mots clés : Résistance du consommateur, ONG, partenariat, RSE, Co-branding, produit partage ou promotion partage Cause alliance: a response to consumer resistance? Building alliances with non-governmental organizations (NGOs) has become a real strategic issue for compa- nies. The introduction of new relational practices with NGOs, company stakeholders, is an approach to corporate social responsibility but it also meets the social and environmental requirements of consumers. Faced with the resistance movements of consumers, these new alliances can be regarded as strategies of legitimacy and of reco- very. In order to study the effectiveness of these new partnership strategies, this article intends to explore consu- mer attitudes regarding new forms of “solidarity co-branding” and more precisely analyse the effectiveness of campaign Cause Related Marketing (CRM) versus standard coupled promotion between two brands on consumer attitudes toward the brands. Key Words: Consumer resistance, NGOs, Partnership, CSR, Co-branding, Cause related marketing Introduction La résistance du consommateur est aujourd’hui un sujet qui intrigue les marketeurs car les formes et les motifs de résistances deviennent multiples et les actions qui en découlent peuvent impacter de façon durable les activités des entreprises. Le boycott est l’une des formes d’opposition les plus ex- pressives et les plus étudiées. Cependant, sous le vocable de résistance une multitude de pratiques sont aujourd’hui recensées : comportements de sortie de marché par la constitution de réseaux alternatifs d’échanges (Roux 2006), mouvement de déconsommation dont la forme la plus répandue est la simpli- cité volontaire, achat de produits d’occasion, stratégies de fidélité oppositionnelle, ... Alors que les mouvements de résistance ont été happés et déstabilisés durant les années 1980 et 1990 par le dévelop- pement du marketing relationnel et expérientiel (Rémy 2007), nous observons aujourd’hui une résur- gence de ces mouvements dont les principales revendications reposent d’une part sur la critique du matérialisme mais également sur les enjeux environnementaux et sociétaux de notre système mar- chand. Face à méfiance généralisée des consommateurs envers les grandes entreprises et les marques, les entreprises sont aujourd’hui contraintes de bâtir de nouvelles stratégies pour préserver le capital réputationnel de leurs marques. Parmi la panoplie d’actions mises en place, les entreprises s’allient progressivement avec les organisations non gouvernementales (ONG) pour tisser des liens sociaux d’un genre nouveau. La multiplication des alliances entre ces deux acteurs sous des formes très variées – partenariat produit, mécénat de compétence, partenariat stratégique... – sont aujourd’hui le reflet 2 d’un nouveau dialogue qui s’instaure entre les entreprises et leurs parties prenantes. Ces nouvelles stratégies partenariales sont effectivement un puissant levier pour témoigner de l’engagement de l’en- treprise en matière de responsabilité sociétale comme nous le prouvent aujourd’hui les batteries d’indi- cateurs identifiant les actions de mécénat et plus généralement les relations ONG-entreprises dé- ployées par les agences de notation sociétale. Sous le prisme du marketing, ces nouvelles alliances marques-ONG peuvent être aujourd’hui assi- milées aux alliances entre marques et plus précisément aux opérations de co-branding [Igalens 2004]. En effet, de nombreux partenariats sont orchestrés par les départements marketing et communication et s’inscrivent souvent dans une démarche transactionnelle (partenariat produit, promotion partage). La grande majorité de ces alliances répondent à des objectifs marketing analogues aux objectifs des alliances de marques, qu’ils soient de nature stratégique ou tactique. En effet, les alliances de marques ont généralement comme objectifs prioritaires de faire évoluer ou renforcer le positionnement des marques, d’élargir la cible de clientèle, de singulariser la marque en créant un évènement, de stimuler les ventes... [Cegarra et Michel, 2003] et donc d’améliorer l’attitude générale des consommateurs en- vers les marques engagées. Selon Igalens [2004] les nouvelles alliances ONG-marques ont « pour objectif de capter une partie du crédit symbolique dont jouit l’organisation associée ». Ces nouvelles stratégies partenariales entre ONG et marques s’apparentent aux stratégies de légitimation des firmes analysées par Bourgeois et Nizet [1995], aux dispositifs de captation proposés par Cochoy [2004] et plus généralement elles peuvent être assimilées au processus d’endogénéisation de la critique dont se nourrit l’esprit du capitalisme [Boltanski et Chiapello, 1999]. Ainsi en s’adossant aux ONG dans leurs stratégies de communication, les marques tentent de conquérir les consommateurs en se positionnant sur des valeurs sociétales telles que la solidarité et l’altruisme, valeurs actuellement recherchées par les consommateurs. Afin d’étudier l’efficacité de ces nouvelles stratégies de captation ou de récupération qui prennent la forme d’une nouvelle configuration des relations partenariales des entreprises, cet article se propose d’explorer les attitudes des consommateurs à l’égard de cette nouvelle forme de co-branding de solida- rité et plus précisément d’analyser l’effet d’une promotion couplée (marque-ONG) sur les attitudes du consommateur envers les marques partenaires. Ainsi, l’objectif de cet article est de mesurer comment une promotion partage en comparaison avec une promotion conjointe classique (promotion basée sur le couple: marque accueil et marque invitée) peut affecter les attitudes cognitives et affectives des consommateurs envers la marque engagée et l’intention d’achat. I- L’appropriation des mouvements de résistance des consommateurs par les entreprises : un jeu sans cesse renouvelé I-1. Pluralité des formes de résistance du consommateur La conceptualisation de la résistance des consommateurs est un champ de recherche particulière- ment novateur en marketing. En effet, devant la multitude des stratégies de résistance et de contour- nement du marché observées chez les consommateurs amplifiées par des mouvements de réappropria- tion de la sphère micro-économique par les citoyens, les outils traditionnellement utilisés en marketing apparaissent aujourd’hui inadaptés. Comme le souligne Sitz [2007], les consommateurs depuis plu- sieurs décennies se sont familiarisés avec les différentes stratégies marketing déployées par les mar- ques. Or, aujourd’hui, le foisonnement des pratiques marketing tous azimuts engendre chez le consom- mateur de nouvelles réactions attitudinales ou comportementales négatives envers les marques qui se manifestent par le désintérêt, le cynisme, le rejet, la défiance, voire la colère, le dégoût ou le mépris [Perrin-Martinenq et Hussant-Zébian, 2008]. Ces manifestations d’opposition observées depuis une dizaine d’années sont liées au fonctionnement du marché et aux pratiques des firmes et plus précisé- ment découlent de trois comportements émanant des entreprises particulièrement décriés par les con- sommateurs : la recherche d’hégémonie, les comportements non éthiques et l’envahissement publici- taire [Collange 2008]. Ainsi, selon cet auteur, les phénomènes de concentration observés chez les distributeurs ou producteurs, la recherche de situation monopolistique et la standardisation de l’offre au détriment de la diversité procure chez les consommateurs des comportements de résistance. En outre, les pratiques non éthiques et immorales des entreprises ainsi que les techniques de communica- tions intrusives suscitent également des réactions de rejet, de fuite et d’évitement chez le consomma- 3 teur. Bien que ces mouvements puissent constituer de nouvelles menaces pour les entreprises, les recherches empiriques consacrées à ces phénomènes de résistance restent marginales. Cette timidité dans les recherches s’explique, comme le soulignent Roux et Rémy [2008], par l’utilisation d’outils mettant toujours en exergue « une vision positive des relations marchandes » occultant les comporte- ments de résistance des consommateurs et l’avènement des phénomènes « anti », « no » ou « alter ». Par ailleurs, ces nouveaux objets de recherche nécessitent de renoncer à des visions parcellaires ou étroites des relations entre les acteurs du marché [Badot, Bucci et Cova, 2007] et de replacer le con- sommateur dans un cadre plus global en remontant à ses valeurs, son mode de vie, ses aspirations, ses croyances, sa psychologie… ce qui nécessite de faire davantage appel aux sciences humaines et de modifier en profondeur les grilles de lecture traditionnellement utilisées dans les départements marke- ting des entreprises. Les recherches académiques portant sur la conceptualisation des mouvements de résistance des consommateurs se multiplient et constituent à ce jour un nouveau courant de recherche. Cependant, le concept de résistance du consommateur est particulièrement difficile à circonscrire car sa polysémie ne facilite pas la compréhension des nouveaux modes consommatoires [Sitz, 2007]. Généralement, dans les différents champs disciplinaires, le concept de résistance traduit selon Roux [2007] « un état d’opposition – dont découlent des formes de réponses variables – à une force exercée et perçue comme inacceptable en raison des représentations dissonantes uploads/Marketing/ le-co-branding-de-solidatite-une-reponse-a-la-resistance-des-consommateurs 1 .pdf
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- Publié le Jui 07, 2022
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