Commentaire d’arrêt CJUE, 26 avril 2012, ANETT, affaire C-456/10 Le principe de
Commentaire d’arrêt CJUE, 26 avril 2012, ANETT, affaire C-456/10 Le principe de la libre circulation des marchandises, principe consubstantiel au droit originaire de l’Union, sonne la consécration d’un principe régulateur du marché intérieur. En ce sens, il peut s’analyser comme une composante indéfectible du contrôle prétorien de la CJUE, encline à statuer sur la violation de l’article 34 TFUE, lequel cristallise l’abolition des restrictions quantitatives à l’importation et des mesures d’effet équivalent à ces restrictions quantitatives (MEERQ). Cela étant, la jurisprudence de la Cour reste parfois éminemment absconse quant à la conceptualisation juridique de ces MEERQ. C’est du reste ce que semble souligne l’arrêt ANETT, rendu en date du 26 avril 2012, par la CJUE. En l’espèce, les faits étaient simples : une réglementation espagnole interdisait aux titulaires de débits de tabac et de timbres d’importer des produits de tabac à partir d’autres Etats membres de l’Union. L’ANETT – l’association nationale des détaillants de tabac – saisit alors le T ribunal Suprême espagnol au motif que cette réglementation est constitutive d’une MEERQ qui violerait la libre circulation des marchandises telle qu’elle est prévue dans l’article 34 TFUE. Sursoyant à statuer, le T ribunal étatique saisit alors la CJUE d’une question préjudicielle relative à l’interprétation de l’article 34 TFUE. Si l’ANETT estime qu’une telle mesure est contraire à la libre circulation des marchandises en ce qu’elle ferait échec à l’importation de produits de tabac manufacturés dans d’autres Etats membres, l’Etat espagnol, soutenu en cela par l’Etat italien, prétend que la mesure ne saurait constituer une violation de l’article précité. En effet, la réglementation litigieuse serait d’une part fondée sur la nécessité de garantir un contrôle fiscal et douanier des produits de tabac. D’autre part, cette mesure nationale s’originerait dans les dérogations prévues dans l’article 36 TFUE, lequel prévoit notamment qu’une mesure justifiée par l’objectif de protection des consommateurs peut échapper à l’application de l’article 34 TFUE. Par ailleurs, le gouvernement espagnol allègue qu’une telle réglementation permet d’obvier à l’octroi d’un avantage compétitif excessif aux détaillants de tabac, cependant que la suppression d’une telle mesure n’entrainerait aucun bénéfice pour le consommateur en ce que le tabac est un produit monopolisé vendu à des prix fixes. Il convient d’évoquer ici l’écartement, par la Cour, de l’application de l’article 37 TFUE au cas d’espèce : si la Commission européenne et le gouvernement espagnol estimaient que la réglementation nationale devait s’apprécier à l’aune de l’article 37 TFUE en ce qu’elle est relative au fonctionnement d’un monopole à caractère commercial, la Cour ostracise cet argument, en concluant que la mesure se détache ici d’une règle relative au fonctionnement du monopole. Cette question étant subsidiaire, il s’ensuit une application au litige de l’article 34 TFUE. Le problème de droit auquel la Cour était confrontée en l’espèce semble alors s’esquisser : une réglementation nationale interdisant aux détaillants de tabac et de timbres d’exercer une activité d’importation de produits de tabac à partir d’autres Etats membres est-elle constitutive d’une MEERQ au sens de l’article 34 TFUE ? Si tel est le cas, cela signifierait en substance que la mesure nationale serait attentatoire à l’article 34 TFUE, violant par là-même le principe de la libre circulation des marchandises. L’étude de la jurisprudence et de ses vicissitudes dessine en creux un contrôle souvent ambivalent, voire paradoxal de la Cour, qui semble alors perfectible : en effet, en dépit d’indéniables efforts de la jurisprudence dans la conceptualisation des MEERQ, il appert que l’arrêt commenté s’inscrive dans une ligne jurisprudentielle nouvelle qui tente de clarifier la notion. Si le contrôle de la Cour n’est pas voué à être structurellement inopérant dans l’identification des MEERQ, loin s’en faut, il semblerait qu’une conception réaliste plus que légaliste de la notion triomphe dans cet arrêt. C’est dire en filigrane que le contrôle du juge européen en l’espèce permet d’assimiler la mesure nationale à une MEERQ, inscrivant l’arrêt dans une ligne de jurisprudence apparemment classique (I). Pourtant, si le contrôle est effectif en l’espèce, son efficacité mérité d’être étudiée (II). I – L ’effectivité du contrôle prétorien: une mesure nationale constitutive d’une MEERQ La Cour de Justice confirme dans cet arrêt les prodromes de la construction prétorienne consubstantielle à la conceptualisation des MEERQ. Ainsi confirme-t-elle d’une part les critères classiques de la MEERQ (A), ce qui lui permet, d’autre part, de constater une violation de l’article 34 TFUE (B). A. La corroboration des critères classiques de la MEERQ L’arrêt s’inscrit dans une ligne de jurisprudence classique : s’il ne semble pas évoquer la définition des marchandises telle qu’elle a été établie dans l’arrêt Commission c/ Italie en date du 10 décembre 1968, c’est parce qu’elle semble bien établie et reprise par une jurisprudence constante. Ainsi le tabac est-il une marchandise au sens du T raité en ce qu’il s’agit d’un produit appréciable en argent et susceptible comme tel de former l’objet d’une transaction commerciale. § 32 de l’arrêt : là encore, transcription d’une jurisprudence classique, qui propose une acception lato sensu des MEERQ au sens de la jurisprudence Dassonville en date du 11 juillet 1974. § 33 : évocation implicite de la jurisprudence Cassis de Dijon qui consacre le principe de reconnaissance mutuelle : si un produit de tabac est légalement fabriqué et commercialisé dans un Etat membre, il n’a aucune raison d’être écarté du marché espagnol. Cette application des critères classiques issus de la jurisprudence de la Cour permet d’identifier une violation de l’article 34 TFUE. B. La corroboration prétorienne de la violation de l’article 34 TFUE Analyse du raisonnement en diptyque de la Cour qui irrigue l’arrêt. La Cour dissémine dans son raisonnement la notion de « consommateur », qui s’entend d’un consommateur virtuel ou potentiel selon le Professeur Berlin : le consommateur comme clé de la libre circulation des marchandises, son incapacité à bénéficier des marchandises d’un autre Etat membre préjuge de la violation de l’article 34, en témoigne le § 39 de l’arrêt. Partant, une forme d’extension de l’exégèse de l’article 34 dont l’application semble conditionnée à la demande des clients du marché intérieur : il s’agit de dire qu’une mesure a d’autant plus de chance d’être qualifiée de MEERQ qu’elle prive le consommateur du bénéfice d’une « produit précis » (§ 39). En l’espèce, l’impossible importation de produits de tabac en provenance d’autres Etats membres prive le consommateur dudit produit : établissement d’un rapport de causalité qui structure le raisonnement de la Cour. Ainsi la mesure nationale est-elle examinée à l’aune d’une jurisprudence classique qui ébauche en substance l’effectivité du contrôle de la Cour. Nonobstant l’assimilation de la mesure à une MEERQ, force est de constater que l’efficacité du contrôle de la Cour en l’espèce mérite d’être analysée. II – L ’efficacité du contrôle prétorien de la mesure nationale constitutive d’une MEERQ L’efficacité du contrôle de la Cour, si elle est certaine en l’espèce, inscrit cependant l’arrêt dans une ligne jurisprudentielle sibylline (A). Cette efficacité est par ailleurs inféodée à un test de la proportionnalité de la mesure espagnole qui est, dans l’arrêt, rigoureux (B). A. Une efficacité certaine relativisée par des vicissitudes jurisprudentielles La Cour, sans jeter le discrédit sur les critères consacrés par les jurisprudences Dassonville ou Cassis, semble cependant souligner leur obsolescence (§ 36) en ce qu’elle corrobore l’application du critère de l’accès au marché, qui semble devenir le critère cardinal dans l’arrêt : si le critère n’est pas nouveau, il semble oblitérer en l’espèce les autres critères que la Cour écarte sèchement. S’agit-il du nouveau critère dominant ? Se substitue-il aux deux autres ou est-il une alternative aux deux critères écartés au paragraphe 36 ? Les § 38 et 39 de l’arrêt mettent en exergue l’analyse très factuelle de l’arrêt, presque casuistique, la Cour procédant dans son raisonnement par présomptions remontantes. Une analyse in concreto très marquée ici, et qui renforce la part de subjectivité du contrôle de la Cour. La Cour semble ici se départir de la jurisprudence Keck et Mithouard du 24 novembre 1993 : dans cet arrêt, la Cour avait affirmé que les mesures interdisant ou limitant certaines modalités de vente échappaient au champ d’application de l’article 34 TFUE. Or en l’espèce, la mesure espagnole semble fortement s’apparenter à une mesure réglementant les modalités de vente et de distribution des produits de tabac : l’arrêt commenté semble donc prendre acte de la distinction jugée artificielle (CJCE, 6 juillet 1995, Mars) entre les règles nationales qui déterminent les conditions auxquelles un produit doit répondre et ses modalités de vente. Cela étant, l’arrêt ne résout pas la ligne de démarcation fragile et parcellaire entre les deux notions. La Cour reprend ici en substance l’apport de la jurisprudence De Agostini en date du 9 juillet 1997 : la qualification d’une mesure en tant que MEERQ est inféodée à une logique plus économique que juridique : les nationaux espagnols connaissant indubitablement mieux les produits de tabac espagnol que les produits des autres Etats membres, si leur importation est rendue impossible, la mesure affecte davantage l’accès au marché de uploads/Marketing/ plan-de-commentaire-d-x27-arret.pdf
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- Publié le Nov 10, 2022
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