L’ « autre » dans les Lettres persanes de Montesquieu Depuis les grandes découv

L’ « autre » dans les Lettres persanes de Montesquieu Depuis les grandes découvertes de la Renaissance, les hommes ont développé une réflexion sur la place de l’homme dans le monde par rapport à l’autre, notamment Montaigne à travers des Essais. Des Cannibales notamment remettent en question l’ethnocentrisme et nous invite à la reconnaissance de l’autre et à la tolérance. Ce regard sur l’autre a permis une réflexion sur soi ce que reprit Descartes plus tard. Le cogito cartésien exprime la conscience de soi-même, du sujet pensant. Cependant, se définissant par lui seul, l’ego manque d’alter ego. Réfléchir à l’autre revient à se poser la question de l’altérité. Le terme est emprunté au bas latin alteritas (différence) puis au latin alter (autre.) En philosophie, l’altérité est le caractère de ce qui est autre, c’est aussi la reconnaissance de l’autre, un concept qui interroge les rapports de soi à autrui. Le 18° siècle a développé le mythe du « bon sauvage » et les récits philosophiques adoptant la technique de l’œil nouveau, déjà en germe depuis le 16° siècle. Au 18° siècle, l’Orient nourrit le travail des artistes .L’exploration de nouveaux territoires se poursuit proposant ainsi une nouvelle matière et un nouveau regard. Les auteurs français lisent ou entendent dans les salons les récits des voyages de Tavernier en Inde ou découvrent la traduction des Mille et une nuits d’Antoine Galland. Cette ouverture permettra d’alimenter la réflexion philosophique en proposant un regard extérieur sur les sociétés occidentales, comme en témoigneront Zadig ou l’Ingénu de Voltaire. Dans cet élan orientaliste, Montesquieu a lu les récits de voyage de ceux qui ont parcouru l’Orient entre 1670 et 1700 : Chardin, Bernier, les voyageurs, les historiens Hyde, Rycaut, Antoine Galland, le célèbre traducteur des Mille et une nuits, ou Du Ryer, traducteur du Coran en 1647. Lorsqu’il écrit les Lettres persanes en 1721 suit en quelque sorte la mode qui règne à Paris. La tendance est au cosmopolitisme et la curiosité s'ouvre aux civilisations exotiques. L’auteur a été en particulier inspiré par une œuvre de 1684, L'Espion dans les cours des princes chrétiens ou L'Espion turc de l'italien Jean-Paul Marana. Dans ce roman que Montesquieu possédait depuis 1717, Méhémet, l'espion turc ou « mahométan » relate et analyse les événements politiques de l'Europe des années 1637 à 1682, et en fait part à des correspondants de divers pays. La figure de Méhémet, le correspondant oriental et observateur critique, se retrouve chez Montesquieu, à travers les personnages d'Usbek et de Rica. Montesquieu avant Voltaire pose le problème de la connaissance de soi, dans son Eloge de la sincérité en 1717 en ces termes : « Les hommes se regardent de trop près pour se voir tels qu’ils sont. » De ce constat, l’auteur conclut au devoir qu’ont les hommes de s’éclairer mutuellement. Les lettres persanes illustrent l’idée que le contact avec l’autre est une condition essentielle à la connaissance de soi. Montesquieu en cédant la parole aux persans, réaffirme la nécessité de se mettre à distance pour effecteur ce que Roger Caillois appelle « une révolution sociologique » c’est-à-dire « une démarche de l’esprit qui consiste à se feindre étranger à la société ou l’on vit, à la regarder du dehors comme si on la voyait pour la première fois. » PB : Nous analyserons donc la manière dont Les lettres persanes permettent de construire une réflexion sur l’altérité par la mise en scène épistolaire de l’autre et de soi. Nous envisagerons tout d’abord le fait que le regard oriental suit une démarche expérimentale de découverte de l’autre. Puis nous observerons que la découverte de l’autre permet une réflexion sur soi et une affirmation de soir. Enfin, nous remarquerons que Montesquieu révèle le caractère indispensable de la reconnaissance de l’autre en même temps que l’impuissance à jamais l’atteindre vraiment. I. La découverte de l’autre 1. Le regard Persan 1. Un regard distancé - Regard exotique, ingénu ; la surprise conduit au questionnement sur l’autre ex Lettre XXV : Rica fait part de son étonnement et développe la métaphore du magicien pour le pape et le roi. - ex : p 37 « comme ils me regardaient comme un homme d’un autre monde, ils ne me cachaient rien » : en intro. Le traducteur fictif, dépositaire les lettres annoncent la sincérité du regard persan - p 82 Découverte par Rica de la comédie, de l’opéra « chose assez singulière » - p116 lettre XLIX « je vis entrer un dervis extraordinairement habillé… le tout me parut si bizarre que ma première idée fut d’envoyer chercher un peintre pour en faire une fantaisie » : l’exotisme se situe pour les Persans du côté occidental + réflexion sur l’orientalisme alors à la mode en Europe. - P 217 Le regard d’Usbek permet de faire redécouvrir « une espèce de livres…fort à la mode : ce sont les journaux. » 2. La comparaison entre l’autre et soi Le regard Persan permet une récurrence des comparaisons entre l’orient et l’occident au point de vue des mœurs, de l’église, des femmes, de la politique : Ex p 74 Lettre XXXIV « Les femmes de Perse sont plus belles que celles de France ; mais celles de France sont plus jolis. » Lettre XXXVIII Rica compare les opinions occidentales et orientales sur la liberté des femmes. Lettre XXXIV Usbek se moque de l’austérité des Persans en la comparant à la gaieté française « Les hommes même n’ont pas en Perse la gaieté qu’ont les Français…on pourrait trouver des familles..ou personne n’a ri depuis la fondation de la monarchie. » Lettre XXXV : Usbek compare les religions chrétienne et musulmane et s’aperçoit de leurs similitudes. Lettre LI, Nargum compare les mœurs musulmanes et moscovites à propos du vin et des femmes et propose une leçon de relativisme en révélant le paradoxe des femmes qui revendiquent le fait d’être battue. + les différents épistoliers permettent des regards comparatifs parfois divergents sur les mêmes thèmes. 2. Un regard critique sur l’autre 2-1 Un rejet de l’autre, l’autre comme une menace - Usbek commence par fuir la cour d’Ispahan qui l’empêche de s’exprimer cf Lettre VIII - Certains Persans ne comprennent d’ailleurs pas ce départ pour rejoindre « des climats inconnus aux Persans » Lettre V et Usbek avoue à Nessir sa peur de quitter la Perse pour entrer « dans le pays de ces profanes » en désignant la Turquie. - Le regard des autres est conçu comme une menace pour les Persans et les femmes du sérail cf p 41, car il peut conduire au désir, à la perte d’un pouvoir , autre ex. lettre XX + p 73 Lettre XXIII à propos des « jalousies » + motif récurrent du regard d’autrui qui souille les femmes du sérail devant lesquelles on doit baisser les yeux + les femmes enfermées pour ne pas être vues. - Rica Lettre C à propos des français « Ils méprisent tout ce qui est étranger » : mise en évidence d’une discrimination liée à l’ignorance et plus loin « comment peut-on être Persan ? » - Les épistoliers se montrent parfois très virulents dans leurs jugements ex :Usbek à Roxanne à propos des femmes européennes dont le désir de plaire « sont autant de taches faites à leur vertu et d’outrages à leur époux. » Ce regard méfiant , parfois intolérant va évoluer avec la connaissance de l’autre et de soi. Le rejet de l’autre est lié à la peur de l’inconnu. 2-2 Un regard satirique sur l’autre - Satire de l’église : Lettre XXIC Rica se moque du pouvoir du roi et du pape. - Lettre XXIX Rica sur le pape « c’est une vieille idole qu’on encense par habitude » + satire des guerres de religion - Satire des cafés mondains et des discussions littéraires stériles Lettre XXXVI : à propos de la 2nd querelle des anciens et des modernes à propos d’Homère. + satire de l’académie Française « ce corps à quarante têtes ». - Satire des caprices de la mode Lettre XCIX - Satire de la vanité et de l’aspect superficiel des français « leurs conversations sont un miroir qui présente toujours leur impertinente figure… que la louange est fade lorsqu’elle réfléchit vers le lieu d’où elle part. » - Satire de la frivolité des femmes et des maris jaloux Lettre LV. - Satire de la science Lettre CXLIII 3. Une démarche expérimentale 3-1 L’observation de l’autre Lettre XXX Rica va observer par une démarche scientifique la curiosité extravagante des parisiens. Lettre XLVIII : Usbek « je passe ma vie à examiner, j’écris le soir ce que j’ai vu… étudier cette foule de gens… qui me présentait toujours quelque chose de nouveau. » + Réflexion sur les ancêtres, l’antiquité et mise en perspective avec le monde contemporain ex p 228 Lettre CXV sur l’esclavage à Rome. Ou Rhédi qui s’intéresse à l’histoire et « l’origine des Républiques. » + Lettre sur la bibliothèque, prise en compte d’un savoir théorique, de l’expérience des autres. 3-2- uploads/Philosophie/ 1-1e-re-montesquieu-l-x27-autre-pdf.pdf

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