1 Université populaire de Caen Basse-Normandie – Année 2013-2014 Contre-histoir

1 Université populaire de Caen Basse-Normandie – Année 2013-2014 Contre-histoire de la philosophie par Michel Onfray – Conférence N° 244 # 11 : Lundi 10 février 2014 « JONAS, UN ENFANT JUIF DE HEIDEGGER » 1./ L’ENFANT JUIF DE HEIDEGGER a) Comme Arendt, Marcuse, Horkheimer, Strauss, Levinas, Löwith, Anders, • Jonas fait partie des enfants (juifs) de Heidegger. b) Troublés par le nazisme de Heidegger et son absence de regrets jusqu’en 1976 c) Dans ses Souvenirs, Jonas explique : • Après guerre il a renoncé à la philosophie heideggérienne de l’existentialisme • Pour élaborer sa philosophie de la vie • Thèse sur la Gnose abordée avec le matériel conceptuel de Heidegger • Jonas tient pour une étroite liaison entre théorie et pratique du philosophe • Le nazi a tué le philosophe chez Heidegger. 2./ LA VIE PHILOSOPHIQUE DE JONAS Juif engagé : • Dans la lutte antinazie : • Brigade de volontaires Juifs associés aux Alliés entre 1943 et 1944 • Dans son combat pour la vie : • Les rapports de l’homme à la technique • La préservation de la planète • La mort dans les hôpitaux • L’euthanasie • La bioéthique • La théologie – Dieu après Auschwitz. 3./ LA METHODE PHILOSOPHIQUE a) Suit les cours de Husserl sur la philosophie moderne • Sa méthode répétitive l’ennuie • Husserl la présente comme la panacée • Qui permet de résoudre tous les problèmes en suspens avant lui b) Mme Husserl est dans la salle • Elle dénonce les étudiants qui parlent entre eux… c) A cette occasion, Jonas rencontre Arendt qui devient son amie. 4./ LA FASCINATION DE HEIDEGGER a) Jonas s’inscrit au séminaire de Heidegger en 1924 (21 ans) • L’enseignement lui paraît aussi difficile que celui de Husserl • Avoue que Heidegger est « un brillant pédagogue » (57). • Ecrit tout de même : « Je me rappelle que je ne comprenais à peu près rien de ses commentaires (…). Je le suivais un moment, puis je perdais le fil et ne savais plus exactement ce qu’il voulait dire. Mais ce que je ne perdais pas, c’était le sentiment que tout cela était d’une extrême importance, même si je ne comprenais pas » (58). b) Suppose qu’il en est ainsi aussi pour les autres étudiants 2 « Cependant l’impression se répandait alors que cela était d’une très grande importance. Heidegger avait atteint dès avant Etre et temps une sorte de crypto- célébrité, et parmi les initiés le bruit circulait qu’un philosophe s’avançait ici sur de nouveaux chemins : ‘ C’est là qu’il faut aller apprendre la philosophie ! ‘ » (59). c) Incompréhensible mais majeur… d) Löwith décrit Heidegger : • Surnommé « le petit magicien de Messkirch » (Ettinger, 18), son village natal. • Ne regardait jamais longtemps quelqu’un en face • Fronce des sourcils songeurs • yeux baissés • Visage impénétrable • Jette parfois un regard dans l’assemblée mais le reprend aussi vite • Méfiant, prudent, rusé • Knickerbockers avec un manteau de paysan de la Forêt-Noire • Taillé dans un tissu sombre, col militaire, revers large • Teint mat, cheveux noirs • « C’était un petit homme sombre qui savait ensorceler (…). La technique de ses cours consistait à échafauder une structure complexe rassemblant ses idées, pour la démanteler par la suite et laisser l’étudiant stupéfait et désorienté face à une énigme. Cet art d’apprenti sorcier comportait des risques : il attirait des esprits plus ou moins dérangés et une étudiante se suicida après trois ans d’énigme » (Ettinger, 19). 5./ HEIDEGGER : UN « RABBIN MIRACULEUX » ? a) Jonas, Souvenirs : • Chapitre intitulé « Marbourg : sous l’emprise de Heidegger et de la Gnose » b) Séminaire sur : • Le commentaire effectué par un scolastique sur L’être et l’essence de Thomas d’Aquin • Jonas lit les textes pour se mettre à niveau c) « J’eus vite fait de renouer avec l’état de la discussion, mais j’avais du mal à supporter la chapelle heideggérienne des étudiants en philosophie, avec son attitude bigote et hautaine et sa tendance à s’attribuer la possession de la vérité divine. Ce n’était plus de la philosophie mais une affaire de secte, presque une nouvelle croyance qui me répugnait profondément. Beaucoup de ces jeunes adorateurs de Heidegger, qui venaient de loin, certains de Königsberg, étaient de jeunes juifs – et ce ne pouvait relever d’un pur hasard, bien que je n’aie pas d’explication à fournir. Mais cette affinité était plutôt unilatérale. J’ignore si Heidegger trouvait à son goût de voir ainsi affluer vers lui de jeunes juifs, mais il était en soi totalement apolitique. (…) Il se développait alors à Marbourg une atmosphère qui n’était pas saine, et relevait plutôt de la relation que les croyants entretiennent avec le loubavitch, comme si Heidegger était un tsaddiq, un rabbin miraculeux ou un gourou » (78-79). d) Jonas et Arendt résistaient à cette fascination – écrit Jonas • Jonas parle d’« une sainte vénération » ou d’« une sorte de dévouement prétentieux et exclusif à Heidegger » (79). e) Or ce qui est dit, écrit, professé, publié prouve le contraire : • Jonas et Arendt étaient fascinés. • Lé dénonciation de la fascination accompagne la fascination. 6./ HEIDEGGER A GENOUX DEVANT ARENDT a) Jonas et Arendt ont été très amis • Mais jamais amants 3 b) Raconte la rencontre Heidegger / Arendt : • Dans son bureau envahi par le crépuscule • Heidegger accompagne Arendt à la porte et : • Hannah Arendt raconte : « Tout à coup, il se mit à genoux devant moi. Je m’inclinais et de sa position il leva les bras vers moi et je pris sa tête entre mes mains ; il me donna un baiser que je lui rendis » (83). c) Jonas commente : • Pas une banale histoire professeur / élève • Mais relation exceptionnelle • Puis Jonas donne une information qui, comme souvent avec Heidegger, contredit la précédente : « Heidegger avait jeté son regard sur elle. Elle n’était point la seule, car de temps à autre, je ne l’appris que plus tard, il s’intéressait aux étudiantes, et je n’ai pas entendu dire qu’une d’entre elles lui eût jamais résisté. Mais ces liaisons étaient d’une autre nature – elles ne commençaient sûrement pas par un agenouillement et n’eurent sans doute pas non plus ces répercussions pour toute la durée de la vie. Au contraire, ici est né quelque chose dont les deux partenaires ne se sont, au fond, plus jamais affranchis. Quand plus tard quelqu’un, après un cours, me demanda comment j’expliquais qu’au lendemain de la guerre Hannah ait si vite pardonné à Heidegger son national-socialisme, je lui répondis : ‘Je peux répondre d’un mot : l’amour. Il pardonne bien des choses’ » (83). 7./ LE BAISER DE JONAS A ARENDT a) Hannah Arendt raconte cette histoire à Hans Jonas pour éviter d’avoir une histoire avec Hans Jonas… • Jonas (21 ans) et Arendt (18 ans) se rencontrent en 1924 • Au séminaire de Bultmann sur le Nouveau Testament • Deviennent amis • Lui la trouve fascinante, captivante, exceptionnelle, attirante, séduisante – ses mots • Il lui semble qu’elle n’est pas insensible à ses charmes • Elle attirait les hommes ; il dit avoir été sensible au charme des femmes • Mais dit n’avoir jamais eu de relations sexuelles avec elle. b) Commence une longue amitié interrompue par la mort • Déjeunent régulièrement, • Demande l’autorisation de fumer avant la fin du repas • Il la protège des importunités masculines • Elle le protège de la brutalité du monde : « Elle avait l’âme robuste et pouvait regarder en face les horreurs du monde, cela d’une manière dont elle ne me croyait pas capable. Elle savait que les choses profondément perturbantes me déséquilibraient par trop et qu’il fallait m’en préserver » (82). • Elle se confie, raconte son intimité • Ce qui, pour Jonas, interdit l’amour ou l’érotisme. c) Hannah Arendt raconte son histoire d’amour avec Heidegger dans une situation particulière : • Malade, fiévreuse, Jonas la visite dans sa chambre « Il se produisait ce qui est presque inévitable entre individus de sexe différent éprouvant un penchant mutuel. Hannah était belle, je n’étais pas repoussant non plus. Le résultat fut que nous avons échangé un baiser, que je l’ai tenue un peu dans mes bras. Elle allongée dans son lit, moi assis sur le bord, elle en chemise de nuit – mais alors je pris congé. Il y eut entre nous de la tendresse et, en dehors de 4 cette tendresse, une note clairement érotique qui pouvait être comprise comme un commencement de modification de notre amitié dans le sens d’une relation amoureuse. Mais j’eus alors assez d’honnêteté ou d’élégance pour ne pas vouloir abuser d’une telle situation au moment de nous quitter » (84). • Il se lève, quitte la pièce, elle le rappelle, puis lui raconte l’histoire « Dès cet instant-là, il fut évident qu’il ne pouvait y avoir de relation érotique entre Hannah et uploads/Philosophie/ 13-jonas-un-enfant-juif-de-heidegger.pdf

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