l ' «ITINÉRAIRE INTÉRIEUR» DU PERE ANDRÉ MARC Introduction à son œuvre En défin

l ' «ITINÉRAIRE INTÉRIEUR» DU PERE ANDRÉ MARC Introduction à son œuvre En définissant l'homme « un être debout ,, le P. André Marc se définissait un peu lui-même. Ceux qui l'ont connu ont gardé l'impression d'une grande unité, d'une grande possession de soi. La fermeté du maintien, la belie simplicité des traits ~t des attitudes, la lumière -èt l'attention du regard, la cordialité sobre de l'entretien se retrouvaient dans l'enseignement el dans l'œuvre écrite, Tout, en lui, était d'un seul tenant : solidement articulé et vivant d'une vie intense qui avançait toujours. Qu'il éc. rive ou qu'il parle, les mots retrouvaient, po.r lem· ordre et par le mouvement, leur sève et leur sens originels. Pou,; lui appliquer une de ses images, l'expression était « à fleur d'acte ». Elle était acte elle-même, non ce bavardage sérieux qui menace le professeur et que Paul Valéry croyait habituel au prêtre quand il le définissait : « le préposé aux choses vagues ». Cette invasion du mot eût condamné, plus qu'un autre, le P. Marc. L'acte du signe, « l'activité signifiante, « constituait la donnée inépuisa- ble de sa méditation. C'était pour lui comme un lieu mé- taphysique où se joignent et se révèlent Ja profondeur de la personne, l'univers qu'elle assume, et le Verbe qui les sous-tc.nd. Il y avait là pour lui, un véritable carrefour des cho- ses divines et humaines qu'il devait, sur le mode philo- sophique, développer en trilogie : Psychologie Réflexive; Dialectique de l'Affirmatio11, Dialectique de /'Agir. D'où, autom· de ce centre, l'unité du trajet philosophique des- siné par sa vie, reflété par ses ouvrages. Ce trajet, le P. Marc, homme sans mystère et qui s'analysait et se citait Jui-même avec le détachement du spéculatif et l'étonnante simplicité des enfants de Dieu, nous en a donné l'essentiel en des notes encore .inédia 18Z P. FONTAN tea dont vo1c1 quelques extraits ils composent la plus sfire introduction à son œuvre. La rédaction de l'itinéraire Intérieur fut commencée en janvier-février 1947. Le P. Marc avait alors cinquante- cinq ans et se trouvait - après une typhoïde qui fit plu- sieurs victimes autour de lui, le P. Descoqs notamment - en convalescence à Marseille. Le besoin d'écrire. d'une façon détendue, à l'usage de ses intimes, s'alliait à la méditation très sereine et comme impersonnelle de son fond le plus personnel. Après avoir noté, p. 1 (du manuscrit), ce qui, à nos yeux, fut chez lui une vocation effectivement réalisée ... dans le monde des idées construites : c Je rêvais de ma- chines, au point qu'être ingénieur dans les chemins de fer me séduisait >, il démonte son propre mécanisme, s'ex- plique lui-même, p. 2 : u philosophe est en moi le résultat de mon tempérament et de la formation intellectuelle et spirituelle donnée par la Compagnie : il ut la synthè5e de l'homme et du religieux. Ma vocation philosophique ut un développement de ma vocation religieuse ; et j'entends ces mots comme exprimant une vérité de fait aussi bien qu'une néce5$ité logi- que ( ... ) Ma philosophie est la conséquence de ma foi et cem foi est à son tour justifiée par ma philosophie, sans que ce! deux formes ,•équivalent, puisqu'elles traduisent deux dimonstrations différentts et complémentaires. Ce texte est intéressant par ce qu'il dit, mais aussi par ce qu'il dénote : un besoin extrême d'unir dans la distinction, et celui h-ès particulièrement de rendre réci- proques, sans le.s, bloquer, le logique et le r éel. Le terrain de cette réciprocité est à ses yeux l'être humain, dont la contingence, étant celle d'une personne, porle en e.lle- même, non sa contradictoire, mais sa justification. Cette personne, Je P. Marc l'atteindra, tout au loug de son existence, dans le Père Marc, puisque la réflexion dont il se pr:-évaut a pour objet propre la compénétration du singulier le plus proche et de l'universel le moins c: sub- jectif >. Cette réflexion était la grande affaire. Sa nécessité, son essence et sa méthode, devaient se faire jour lente- ment et avec effort. Résultat conditionné par un milieu auquel le philosophe rend justice : ITINERAIRE INTERIEUR DU P. MARC 18J Si je n'avais pas orienté ma vie nra la Compagnie de Jésus, il ut aûr que les préoccupations intellectuelles discernées après coup en moi dans mes études secondaires n'auraient jamais affleuré i ma conscience ( ... ) Je serais demeuré tout extérieur à moi. Devenir tant soit peu inté· rieur à moi serait un assez rude travail (p. 28). On songe à Hegel transposant Virgile ~ c Tantae rnolis erat seipsam cognoscere rnentem >. Mais le milieu ignatien ne nourrissait pas un philoso- phe dont le système dévorerait tout. L'homme est d'abord vaincu par Dieu, e( il le reste. Sans écrire les confessions de saint Augustin, notre ami dit ou suggère l'essentiel, sur son enfance et les années décisives. Quant au débat avec Dieu, il fut violent et prolongé ; je n'en veux dire rien de plus (p. 22). ( Le) souci des fins dernières [ qui fut d'un grand poids dans sa décision d'entrer chez lu Jésuites] devait me rester. Je le retrouverais exigeant. une fois devenu professeur. Mon systi :me ne bouclerait qu'avec la morale gén!rale. lorsque j'aurais vu comment toutes les tbiories sur la connaissance, la liberté, l'hre, y permettent à l'homme de se fixer dant l'absolu. c'est .. i .. dir,a en D ieu. Cette tendance de mes réfJex_ iont se compléterait par une auue : définir le sens de la portée de la per· sonne bumano-divine du Cbrin dans notre destinée (p. 27) . .. .Mon élection rédigée [à l'issue de sa retraire de fin d'études] ... je la fis lire au P. Vfoal. .. : « C'est un petit cbef-d'œuvre. , J 'avoue que e<tte remarque me consola en me flattant d'avoir été vaincu par Dieu à force de logique franche. Je cédais à un commandement intérieur. devenu irrésistible, et Dieu me poussait dans la Compagnie de J ésus l'épée dans lu reins. Pourtant, bien qu'il décerminât ma détermination, je la savais et je me savais libre, car je comprenais que, malgré mts répugnances. elle répondait à ma vraie nature, tt que la grâce. en sa puissance. était libératrice de ma liberté très faible. En accomplissant la volonté de Dieu, j'accom· plissais la mienne très certainement. Si plus tard, le P. Marc devait être, en métaphysique, l'homme des antinomies fortement articulées et définiti- vement vaincues, c•est à la faveur d'une victoire inté- rieure, d'ordre spirituel, où notre philosophe a toujours reconnu la libération de la pensée à l'intérieur de la foi et par celle-ci. A l'occasion de ses ,Exercices et de la Méditation du Règne, il écrit, p. 34 : 184 P. FONTAN Je m'applique donc ce texte, qui me convient à la lettre : Fidt• qcuu,ren, intellectum ... Je concluerai d'ailleurs, un jour. que la raison humaine se difinit réciproquement : lntellectu• quaerem fidem. Notons le terme « définir ». Il exprime sinon une c essence > (abstraite) du moins ce qui est, pour le P. Marc, « l'essentiel » de la vie de l'esprit : de la pensée philosophique, telle que sa conscience l'identüie en un sujet lui-même animé et comme accompli par la foi. C'est dans ce contexte spirituel qu'il faut comprendre les études philosophiques, d'abord infructueuses. de ce- lui qui n'est d'abord qu'un élève· dans un « scolastica~ , . J e me disais expressément que toutes ces leçons ne m'apprenaient guèrt ce qui se passe dans ma tête. lorsque je pense, ni ce que cela vaut, ni comment ctl2 fonctionne (p. 46), Exception faite pour le P. Auguste Valeosin (avec lui « j'étais surpris ... de découvrir quelque chose, que ,je comprenais >, p. 47), l'impression, en fin d'études, P.st assez négative : La philosophie ... me semblait ... une pure acrobatie de concepts, tout ~ucrc chose qu'unt vie ioc(:rjeurt (p. '49) . Le trait de lumière, après ce purgatoire assez naturel aux fortes personnalités, vint d'ailleurs. Nommé profes- seur de 3•, le jeune Père est obligé, pour sa classe, d'af- fronter, à même les textes et d'une façon concrète, le problème de la construction et expression de la pensée. Il découvre les Exercices illustrés de Crouzet pour le français et le latin ... Aidés d'ouvrages sur l'art d'écrire, comme ceux d' Alba lat et Lan- son, ils furent pour moi le livre providentiel ou le canot de sauve- tage ... (p. 54). A ce contact, les textes devenaient impensables hors de l'activité de l'auteur qui les avaient élaborés, et au55i bien hors de l'activité do ltcteut, qui à la suite de l'auteur les reconstituait à son compte et devenait capable d'en produire d'aulres personnellement (p. 55). [Cette méthode] fut pour moi le lever do jour parce qu'elle était pleinement réflexive (p. 5 5) . L'enjeu éuit une prise de conscience de soi par la pensée expéri- mentée dans son expression même (p. 55) , J'avais compris que la connaissance n'était pas inenie mais acti- vité constructive puisqu'elle était essentiellement composition uploads/Philosophie/ 1965-o-quot-percurso-interior-quot-do-pe-andre-marc-uma-introducao-a-sua-obra-por-pe-fontan-25p 1 .pdf

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