Anthropos Institut is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend
Anthropos Institut is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Anthropos. http://www.jstor.org Mawu, l'insurpassable chez les Evé du Togo Author(s): Claude Rivière Source: Anthropos, Bd. 74, H. 1./2. (1979), pp. 25-39 Published by: Anthropos Institut Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40459951 Accessed: 24-02-2016 19:28 UTC Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://www.jstor.org/page/ info/about/policies/terms.jsp JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. This content downloaded from 130.113.111.210 on Wed, 24 Feb 2016 19:28:53 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions Mawu, l'insurpassable chez les Eve du Togo Claude Rivière Sommaire: 1. Etymologie et traditions 2. Le tout-puissant, l'originel et l'omniprésent 3. Mawu et les tro 4. Conclusion Démarche initiale de la philosophie, l'étonnement se place aussi au commencement de la religion; moins l'étonnement face à l'existence stable des êtres qu'à l'égard de leur dynamisme. Acquise par la voie d'impressions empiri- ques, l'idée d'une puissance animatrice des personnes et des choses, nommée ici mana, là orenda ou wakan, a semblé constituer pour beaucoup de sociologues le fondement même des croyances religieuses. Aussi vulnérables que soient de telles spéculations sur l'origine, on reconnaîtra cependant que beaucoup de peuples conçoivent l'existence d'un centre émetteur de force originelle. Selon les régions, ce foyer de force, plus ou moins anthropomorphisé par les mythes, prend l'aspect de ce que la philosophie occidentale nomme Dieu, l'être suprême et la cause première, ou bien se représente à travers une diversité de puissances spirituelles fonctionnellement spécialisées. Les deux attitudes ne se contre- disent pas et la pluralité des dieux africains se conçoit la plupart du temps comme étant sous la dépendance d'un créateur initial des mondes matériels et spirituels. La notion d'un Dieu, sinon unique, du moins suprême, invisible, peu anthropomorphisé, sans sexe défini, apparaît chez les Eve, sous des traits assez semblables à ceux du Dieu supérieur de leurs voisins ashanti, fon et yoruba. Mais au lieu de concevoir Mawu principalement comme le générateur du cosmos en ce qu'il a de matériel, les Eve ordonnent son existence d'abord à ce que la vie humaine comporte de bonheur et d'aléas. En quête d'un sens à donner à leur destin, ils réfèrent les événements de leur vie courante à celui qu'ils prennent pour l'animateur mystique de toute vie spirituelle et la source énergétique qui alimente tout un circuit de forces partant de lui et revenant à lui. Point besoin de système métaphysique pour justifier l'existence de Dieu, This content downloaded from 130.113.111.210 on Wed, 24 Feb 2016 19:28:53 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions 26 Claude Rivière Anthropos 74. 1979 s'il n'est point de négateur de cette existence. Néanmoins, tout un corps de croyances se traduit à travers le langage et les attitudes. Sans préjuger du degré d'intégration logique de ces croyances, ni supposer qu'elles font l'objet d'un consensus absolument général, il est cependant possible d'appréhender par l'observation et l'information ethnologique, les représentations que se fait l'Eve de Mawu, tout en veillant à nous prémunir contre cette naïveté qui nous ferait attribuer à Mawu les notions communes que nous avons de Dieu (néan- moins nous serons obligés de traduire certaines idées par des mots philosophi- ques) et à prévenir les risques de distorsion de l'information en la recueillant auprès des gardiens des traditions les moins marqués par l'influence chrétienne assez générale en milieu évé. Il nous faut dire combien, dans cette recherche, nous sommes redevable au pasteur Nomenyo, dont le mémoire de licence de théologie (cf. bibliographie) nous a été d'un secours essentiel. Il nous arrivera souvent de réexprimer, en les réorganisant parfois, ses propres informations, notamment à propos de l'étymologie et des diverses traditions concernant Mawu. On trouvera dans son travail un intéressant commentaire du document trouvé à Agbetiko où il a mené ses enquêtes, de même qu'une critique pertinente de l'hypothèse d'un monothéisme primitif émise par Spieth. Cependant certaines de ses thèses se révèlent fort fragiles, notamment l'idée que Mawu aurait été initialement un tro (divinité secondaire), qu'il y aurait eu décadence de la religion du Dieu créateur en tant que religion de la collectivité, ce qui semble exact pour la région d'Agu mais ne saurait être étendu à tous les rameaux évé. En filigrane est lisible une sorte de recherche (mythique) des origines de la notion de Mawu dont il semble supposer sans le dire qu'elle viendrait du terrain de recherche qu'il a privilégié. 1. Etymologie et traditions L'analyse étymologique révèle quatre possibilités d'interprétation selon l'accentuation et les différences tonales des deux syllabes du mot Mawu (No- menyo 1968: 23), la langue évé étant particulièrement riche en homonymes. 1) Mawu viendrait de la négation ma «ne pas», et du verbe wu «tuer». Dieu ne tue pas. Il est celui qui ne fait pas mourir ou ne laisse pas mourir sa créature. L'Eve confesse ainsi sa foi en un Dieu qui, ayant donné la vie à l'homme l'entretient en lui assurant nourriture, boisson et vêtement, et en ne le laissant pas manquer du nécessaire. Par cette interprétation qui sous-entend l'idée de providence, de bonté, de soutien de l'existence humaine appelant la confiance, est suggérée la différence entre Mawu et les autres dieux, les tro qui inspirent la crainte et sont réputés donner la mort à qui leur manque d'égards. 2) A partir de la même étymologie, on pourrait supposer que: Mawu est celui qu'on ne peut pas tuer, l'immortel, l'éternel. Certes l'idée de la mort de Dieu est inconcevable, mais cette interprétation paraît peu probable car aucun Evé n'a jamais pensé qu'on puisse tuer Dieu, dans la mesure où sa mort entraî- nerait l'anéantissement du monde. This content downloaded from 130.113.111.210 on Wed, 24 Feb 2016 19:28:53 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions Mawu, l'insurpassable chez les Eve du Togo 27 3) Mawu serait une image symbolique construite à partir d'un rite. Ma (ou ama) est une plante utilisée soit en macération, soit comme goupillon, dans les rites de réconciliation et de purification. Quant au verbe wu, il peut signifier: répandre, faire pleuvoir, faire tomber par aspersion. Dieu serait alors le réconciliateur, celui qui bénit, qui fait la paix, qui répand une eau dans la- quelle a été plongée une plante. Les prêtres, qui répètent tous le geste de Dieu, insistent sur cette interprétation. Elle suppose cependant une elision, car la forme parfaite serait Amawula, de ama et de wula «répandeur». 4) Wu a aussi le sens de «dépasser, surpasser». Accolé à la négation ma dans Mawu y il indiquerait l'idée d'un Dieu suprême et insurpassable ; celui à qui rien ni personne ne peut être supérieur. Cette dernière interprétation, la plus communément admise, englobe en fait plus ou moins toutes les autres: Dieu est au-delà de la mort et dispose de tous les biens matériels et moraux, la paix y compris, dans leur plénitude. A consulter non plus les anciens et les prêtres à prétention de linguistes, mais les gens du peuple, il apparaît que l'idée de Mawu est associée à des tra- ditions relativement différentes, susceptibles de recoupements et de confusions, mais qui toutes méritent d'être prises en compte sans que l'on puisse se per- mettre d'en rejeter une au nom d'une orthodoxie qui ne saurait se référer ni à un document écrit, ni à une révélation particulière. 1) Tradition Dzito (Père du ciel). - II existe une tendance à identifier Mawu avec le ciel atmosphérique et à le confondre avec Dzia, la divinisation de ce ciel, ou Dzingbe (de dzi «haut», nu «face», gbe «étendue»), face de l'étendue qui est en haut, ou voûte céleste. Mais Dzia (le dieu ciel) est seulement un tro qui a son prêtre dziasi, et pour parèdre Anyia (la déesse terre) tandis que Mawu comme tel n'a ni représentation ni organisation religieuse propre. En fait, Dzingbe n'est pas «à la tête du panthéon polythéiste de la population Ewe» comme le prétend Mircea Eliade à partir de documents erronés, même si le terme de Mawu est utilisé parfois pour désigner le firmament et la pluie. L'erreur de M. Eliade pourrait provenir de la lecture de J. Spieth, lequel écrit : «Mawu est utilisé ailleurs comme terme pour désigner le firmament et la pluie. L'azur du firmament est le voile dont Mawu se couvre le visage; les nuages sont ses vêtements et sa parure; le bleu et le blanc ses couleurs favorites. La lumière est l'huile avec laquelle Mawu oint son corps démesuré. Il envoie la pluie et est omniscient» (Spieth 1911: 519). La désignation de Mawu dzifovito, Dieu du très haut ciel, indique seule- ment une résidence supposée, non l'identification avec un phénomène de la nature, comme le montre la simultanéité d'existence des autres traditions. 2) Tradition Borne. - Comme la précédente, la tradition Borne est géné- rale chez les Eve. uploads/Philosophie/ mawu-pdf.pdf
Documents similaires










-
54
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Sep 06, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
- Taille du fichier 1.4829MB