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Rൾඇඣ Tඁඈආ ൾඍ අൺ උඣඁൺൻංඅංඍൺඍංඈඇ ൽൾඌ ൿඈඋආൾඌ ඌඎൻඌඍൺඇඍංൾඅඅൾඌ Morier Clément 1 (Faculté de Droit, Université Jean Moulin Lyon III) Bruno Pinchard 2 (Directeur de l’école doctorale de philosophie de la région Rhone-Alpes-France) Introduction Réfl échir philosophiquement sur la notion de nature aujourd’hui nous oriente vers l’œuvre d’un des penseurs majeurs du XXe siècle fran- çais, pour qui la forme est le maître mot. Le trait spécifi que de la pensée de René Thom est de tenir ensemble science et philosophie pour interro- ger les propriétés géométriques des morphologies naturelles. Notre étude soulève la question suivante : pouvons-nous redécouvrir les modalités philosophiques de sa pensée des formes, afi n de poser à nouveau frais la fécondité d’un savoir qualitatif de la nature pour notre temps ? L’hypo- thèse de ce travail vise à établir qu’une réhabilitation de la notion de forme substantielle est le creuset d’un questionnement actuel sur le concept de nature, à rebours du tournant réductionniste de la mécanique cartésienne et de ses prolongements contemporains. D’abord, nous tâcherons de montrer que l’évènement représenté par l’entrée de Thom en philosophie a eu un précédent central inscrit au cœur de l’œuvre de Leibniz. Cette mise au point eff ectuée, nous serons à même d’interroger les enjeux du néo-aristotélisme thomien, dans l’appréhension 1 clementmorier@yahoo.fr 2 pinchard.bruno@gmail.com Philosophica, 47, Lisboa, 2016, pp. 125-140. 126 scientifi que de la nature. Nous présenterons ses grands gestes intellec- tuels, dont nous tenterons d’évaluer la signifi cation non seulement philo- sophique, mais proprement métaphysique. Entendons par là un discours qui essaie de défi nir les formes pures qui gouvernent le monde naturel : il ne serait pas simplement le développement d’une suite de chocs, mais ce monde, en se déployant précisément, développerait des germes qui eux- mêmes répondraient à des formes primordiales. En ce sens, les métaphy- siciens tels Thom recherchent des principes, c’est-à-dire la façon dont le réel répond à des déploiements de concentration d’énergie et de puissance informative initiales gouvernant les développements temporels. Au terme de quoi, nous aurons une vue suffi samment organisée sur la réhabilitation thomienne des formes substantielles, pour illustrer la néces- sité de restituer à la nature un de ses concepts fondateurs. Leibniz ou l’histoire d’une erreur mémorable de M. Descartes L’œuvre de Leibniz nous permet de saisir dans quels champs les dispositifs intellectuels de Thom se présentent. La révolution scientifi que constituée par l’œuvre de Descartes et de Galilée a consisté à mesurer le réel à partir d’une conception mécanique de la matière : en le réduisant à des chocs de quantités maitrisables par les mathématiques, des séries numériques permettent de paramétrer l’évolution de leurs trajectoires. Ce n’est pas seulement la virtuosité de l’Occident en mathématiques qui s’exprime dans ces victoires, c’est véritablement une explosion du monde naturel connu par les hommes jusque-là. Ce qui sombre dans cet évène- ment est l’appréhension magique du monde des infl uences : l’idée que par un certain nombre de gestes, de paroles et de conceptions techniques, les hommes peuvent agir à distance sur les objets. Or, l’évènement écra- sant de cette révolution démontre que désormais, le contact entre les ob- jets ne dispose d’aucun moteur ou matrice spirituelle et explique seul la métamorphose, réduite à une question d’enchainement de forces. Tout le siècle ayant précédé cet évènement s’est vu sombré dans la découverte géniale de ces deux hommes. Prend fi n le siècle de la Renaissance, qui est toute d’astrologie, de magies amoureuses, de conceptions vivantes de la nature et de fl uidité des formes répondant à la main créatrice d’artistes, qui ne disposent pas d’une loi mathématique, mais obéissent à une tradition qui les précèdent et dans laquelle ils innovent. Ce monde que Giordano Bruno, Marcil Ficin ou Rabelais incarnaient, en un instant, par la seule puissance du premier livre de Descartes, les règles pour la direction de Morier Clément et Bruno Pinchard 127 l’esprit3, s’est eff ondré. A commencé un monde qui certes aujourd’hui a pris la forme du contrôle informatique, mais elle est elle-même la fi lle de ce que Descartes dès sa première heure, a nommé de façon prémonitoire une mathesis generalis ou universalis : un savoir qui établit dans l’espace un contrôle de tous les mouvements. Seuls quatre penseurs furent véri- tablement capables d’entendre la nouveauté de ces découvertes : Pascal, Spinoza, Malebranche et Leibniz. Ce dernier écrira un premier discours d’une perfection surprenante, Le discours de métaphysique4, dans lequel il dresse à sa façon le bilan de cette nouvelle philosophie. Or, ses paragraphes 10 et 11 engagent ce que Thom répètera en son temps. Leibniz enregistre avec brio la toute puissance des explications du mécanisme, étant le mathématicien ayant su d’emblée identifi er une faute dans l’équation du mouvement de Descartes5. Il reprit le mécanisme du choc qui comprenait la séquence de rencontre et d’interaction des corps analysée par cet auteur et l’équation qu’il en avait tiré, mais Descartes n’avait pas enregistré un autre phénomène faisant partie intégrante des chocs. Il s’agit du ressort des corps dans leurs interactions : l’énergie emmagasinée dans l’interaction – appelée en physique l’action – est le véritable moteur de la propulsion. Leibniz comprenait l’enjeu exact de ces découvertes parce que, pré- cisément, il en avait une maitrise tellement admirable qu’il va les révolu- tionner en proposant de passer d’une mécanique simple à une dynamique. La dynamique est cette théorie mathématisable, grâce à son invention du calcul diff érentiel, permettant non seulement de paramétrer les eff ets de ressort qu’une entité subie lorsqu’elle est compressée dans un choc, mais aussi d’enregistrer une plus grande précision dans le calcul des trajec- toires. Le calcul diff érentiel signera certes la supériorité de Leibniz sur le mécanisme cartésien, mais, loin d’être aveugle, il se rend bien compte que le changement du monde qui vient de s’eff ectuer est irréversible. Il n’a nullement l’intention de modifi er le concept de mathesis univer- salis. Le monde a perdu ses infl uences, ses qualités et ses illusions de pouvoir introduire des sentiments dans les choses. Les destins humains évolueront désormais dans un monde de trajectoires, se calculeront et se 3 Descartes, Règles pour la direction de l’esprit, (trad. J. Sirven), Paris : Vrin, 1997. 4 Leibniz, Discours de métaphysique et correspondance avec Arnauld, (trad. G. Le Roy), Paris : Vrin, 1993. 5 Voir la courte démonstration traduite en septembre 1686 dans la revue Nouvelles de la République des Lettres. Texte consulté en ligne le 01 février 2016 sur le lien : http:// www.philo-bernard.fr/images/QFV/QFV_sep1686.pdf René Thom et la réhabilitation des formes substantielles 128 modéliseront à partir des algorithmes mathématiques disponibles pour la communauté scientifi que. Cependant, Descartes faisait une erreur. Leibniz formulera alors une remarque, capitale pour l’histoire de Thom. Ce qu’il manque au cartésia- nisme, souligne-t-il, est la considération du fait suivant : si nous voulons que deux corps soient dans un eff et de choc et de ressort, il faut que ces corps disposent d’une solidité et d’une structure. S’ils ne veulent pas voler en éclat et se pulvériser mais emmagasiner l’énergie du choc et la ren- voyer, les corps doivent avoir une consistance, afi n que le monde ne soit pas simplement un amas de poussière issu de ces frottements – depuis le temps que les chocs s’eff ectuaient, le monde aurait poudroyé. Leibniz pose alors la question de savoir ce qui fait la consistance des corps. Est-ce que le monde est un agrégat, une pulvérulence, dont seul l’atomisme serait le moteur profond et l’organisateur ? Les lois de ressort montrent bien que les corps ont des forces de cohésion d’une tout autre réalité que le simple atomisme, n’expliquant rien de leur énergétique. Ad- mettons même que le fracas des pierres ne soit qu’une pulvérulence qui s’entrechoque selon des lois de cohésion hasardeuse, de toute façon, les corps vivants et leurs interactions biologiques ne peuvent répondre à des lois simplement mécaniques. Il est impératif de restituer l’unité de l’orga- nisme pour ne pas le réduire à un bricolage futuriste de pièces extérieures les unes aux autres. Or, le geste philosophique leibnizien concède à la physique une ex- plication mécaniste du monde, mais pose comme fondamentalement né- cessaire d’ajouter sur un plan métaphysique des germes ou principes, uni- fi cateurs des formes et des phénomènes qui apparaissent dans le monde. Leibniz donnera plusieurs noms à cette entité organisatrice, ayant pour fonction principale de conférer de l’unité au réel, c’est-à-dire de sauver les entités d’une pure pluie d’atomes et faire en sorte que le monde naturel ait un visage organique. Il élaborera des hypothèses nombreuses mais toute convergentes, dont nous retiendrons ici quatre aspects. Leibniz va s’appuyer sur l’intuition des Renaissants, foudroyée par le système cartésien alors qu’ils touchaient l’idée d’un principe vivant derrière le mécanisme des corps. Cette juste intuition métaphysique les faisait échouer dans leur physique, car ne disposant pas des mathéma- tiques permettant de sérier l’état de la matière, ils introduisaient des prin- cipes métaphysiques dans une explication de la physique qui trouvait là son moment magique. Leibniz choisit comme exemple Paracelse, magi- cien de uploads/Philosophie/ 47-clement-pinchard-125-140.pdf
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- Publié le Jul 28, 2022
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