Union des Fédérations des Associations de Parents de l'Enseignement Catholique

Union des Fédérations des Associations de Parents de l'Enseignement Catholique  Rue Belliard, 23A - 1040 Bruxelles 02/230.75.25  avenue des Combattants, 24, 1340 Ottignies 010.42.00.50  Compte 210-0678220-48 - www.ufapec.be. - E-mail : info@ufapec.be Les jeux à l’école : chimère culturelle ou réalité? France Baie Analyse UFAPEC 2009 N°5 Introduction Depuis que le monde est monde, les hommes et certains animaux jouent. A travers l’histoire, les jeux évoluent. La fonction qu’endossent les jeux dans notre société n’est pas anodine. Elle est l’expression de notre manière de vivre et révélatrice de bien des choses. Des osselets aux jeux informatiques, les jeux sont toujours des symboles et nous parlent du monde dans lequel nous vivons. Pour Odile Périno1, les nouvelles conditions de vie liées à l’évolution sociologique rapide contribuent à expliquer le piètre état du jeu aujourd’hui. Pour cette directrice du centre du jeu et du jouet de Lyon « Quai des ludes » (la plus ancienne ludothèque de France devenue une référence internationale en la matière), la famille n’a plus le temps ni le goût du jeu. Selon cette spécialiste des jeux, l’urbanité moderne, la société consumériste qui transforme les jouets en supports marketing et les médias télévisuels qui remplissent leurs écrans de jeux d’argent n’insistent pas ou plus assez sur l’importance des jeux dans l’épanouissement de l’enfant (apprentissage, découvertes, relations à autrui). Les questions que soulève Odile Périno entre en résonnance avec les grandes interrogations sociologiques du moment : isolement des individus, échec scolaire, violence chez les plus jeunes, débat autour de l’éducation… Comme s’interroge encore Odile Périno, « La société moderne n’est-elle pas en train de perdre un de ses vecteurs essentiels pour inventer et initier les rencontres et les partages ? ». Si ce n’est plus du côté des familles prises dans la tourmente de notre société stressée qu’il faut se tourner pour initier le goût du jeu, est-ce alors l’école qui prendrait le relais en utilisant le jeu comme levier dans ses apprentissages ? Le programme intégré prévoit-il un espace pour utiliser les jeux et développer les apprentissages des enfants par cet outil? Les jeux à l’école sont-ils une chimère culturelle ou une réalité ? Dans notre analyse , nous commencerons par définir le concept du « jeu » en tentant de le classer en différentes catégories. Ensuite, nous survolerons l’histoire pour mieux comprendre l’intérêt ou le désintérêt donné aux jeux dans notre société au fil du temps. A travers les siècles, nous verrons les « enjeux » de garder cet outil aujourd’hui. Nous interrogerons une pédagogue pour savoir si le programme intégré prévoit réellement une place pour le jeu à l’école. Enfin, nous examinerons en quoi le jeu peut devenir un « atout » dans les méthodes d’apprentissages de notre société actuelle. 1 PERINO O., Des espaces pour jouer, Ed. Erès, 2006, p.9 Les jeux à l’école : chimère culturelle ou réalité? p.2 Analyse UFAPEC 2009 n°5 Le « jeu » : définition d’un concept Selon le Petit Larousse 2008, le jeu (du latin : jocus, plaisanterie) est « l’activité non imposée , à laquelle on s’adonne pour se divertir, en tirer un plaisir » Pour J. Huizinga, « Le jeu est une action ou une activité volontaire, accomplie dans certaines limites fixées de temps et de lieu, suivant une règle librement consentie mais complètement impérieuse, pourvue d’une fin en soi ; accompagnée d’un sentiment de tension ou de joie, et d’une conscience d’être autrement que dans la vie courante » 2. Au-delà de ces quelques caractéristiques (liberté de jouer, limites spatiotemporelles, activité réglée et fictive, plaisir des joueurs, créativité, gratuité) que l’on retrouve également décrites chez Caillois3 et De Grandmont4, le jeu peut être également considéré comme un fait social car il noue des liens entre les individus et rapproche ceux-ci. Le jeu est un moyen d'exploration et d'invention permettant à l'enfant d'aller sans risque coûteux à la découverte de ses propres compétences mais aussi à la découverte des autres. Un des grands textes de notre humanisme, la « Déclaration des droits de l’enfant »5 aborde également cette notion de « jeu » en l’inscrivant comme septième droit fondamental : « L’enfant doit avoir toutes possibilités de se livrer à des jeux et à des activités récréatives (…) la société et les pouvoirs publics doivent s’efforcer de favoriser la jouissance de ce droit ». Ce droit indispensable nous est à nouveau décrit par Sabine De Graeve6 : « Il convient donc non seulement de respecter son besoin de jeu, de lui laisser le temps, de lui procurer l’occasion , mais encore de s’y intéresser ». Pour nous y convaincre, elle cite un passage de Friedrich Fröbel, en 1838 : « C’est dans le jeu des enfants que germe la vie adulte ; le soin que l’on accorde à l’enfance et à ses jeux sera déterminant. Y porter atteinte, c’est inévitablement entraver son développement intellectuel ». Selon le psychologue suisse Edouard Claparède7, le jeu doit tenir un rôle central dans l'activité et l'initiative de l'enfant : « L'enfant pour se développer doit agir. D'où la place importante donnée par les nouvelles méthodes aux exercices physiques et aux jeux : ceux-ci ne sont pas considérés comme un simple délassement ou une détente ; ils ont une véritable valeur éducative » 2 HUIZINGA J, Homo ludens, Poitier, Ed.Gallimard, 1976 3 CAILLOIS R., Les jeux et les hommes, Paris, Ed. Gallimard, 1958 4 DE GRANDMONT N., La pédagogie du jeu, Montréal, Ed. Logiques, 1995 5 Déclaration des droits de l’enfant, proclamée par l’assemblée générale de l’Organisation des Nations unies, le 20 novembre 1959 6 DE GRAEVE S., Apprendre par les jeux, Bruxelles, Ed. De Boeck, 1996, P9 et 125 7 CLARAPEDE E., L’Ecole sur mesure, 1920 Les jeux à l’école : chimère culturelle ou réalité? p.3 Analyse UFAPEC 2009 n°5 Classification des jeux De nombreux auteurs ont tenté de classer les jeux. Pour Jean Piaget8, psychologue, biologiste, logicien et épistémologue suisse connu pour ses travaux sur le processus de développement de l’enfant, les jeux se rangent dans trois grandes catégories : les jeux d’exercice, les jeux symboliques ou dramatiques et les jeux de règles. Les jeux de construction faisant la transition entre les trois précédents. Pour Piaget, l’enfant est alors perçu comme un petit scientifique qui, à travers ses jeux, expérimente le monde et construit ainsi son intelligence. Ses travaux influenceront fortement la pédagogie des écoles maternelles et primaires. Pour Sabine De Graeve9, la classification est la suivante : les jeux corporels et sensoriels ; les jeux symboliques ; les jeux d’assemblage ; les jeux de règles et de coopération ; les jeux d’expérimentation ; les jeux de communication. Nicole De Grandmont10, quant à elle, classe les jeux en fonction de trois caratéristiques. Le jeu peut être, en effet, ludique, éducatif ou pédagogique. Le jeu ludique est libre, spontané, gratuit, imaginatif et créatif et ne présente pas de règles fixes. Le plaisir constitue le moteur du jeu ludique. Le jeu éducatif permet de développer de nouvelles connaissances. Il sait agréablement occuper son sujet, le temps nécessaire pour favoriser l’apprentissage (ex :le jeu d’ échecs, le jeu de dames…). Le jeu pédagogique permet de vérifier si l’enfant à bien mémorisé l’information. Il permet de tester les apprentissages, de renforcer les acquis. Le jeu pédagogique est donc une sorte de « testing » des apprentissages (ex :trivial Poursuite). « Le jeu pédagogique est un jeu qui met à l’épreuve nos connaissances : c’est aussi un jeu qui implique de la performance et de la compétition. Ce sont là des valeurs grandement valorisées par la société d’aujourd’hui »11 Frédérique Krings, professeur d’activités corporelles et de psychomotricité à l’Ecole Normale Catholique du Brabant Wallon – Institut d’enseignement supérieur pédagogique de Louvain- la-Neuve, que nous avons interviewée, prolonge cette classification en faisant la différence entre le jeu spontané ou libre initié par l'enfant, le jeu suscité par l'adulte dont la situation de départ et le but sont précisés, qui permet de multiples réponses (créativité) et le jeu dirigé ou défi qui spécifie la situation de départ, le but et les modalités. Elle précise qu’à l’école : « Les jeux perdent une partie de leurs caractéristiques de gratuité (puisqu'ils servent à apprendre et sont évalués), de liberté (puisqu'on doit tous y participer), de créativité (puisque les règles sont très définies) et de plaisir (puisque ce n'est pas le but premier)...ce qui n'exclut pas qu'on s'y amuse... La différence est ténue mais réelle ». 8 LERBERT G, Piaget, Paris, ED. Universitaires, 1970 9 DE GRAEVE S., Apprendre par les jeux, Bruxelles, Ed. De Boeck, 1996, P29 10 DE GRANDMONT N., La pédagogie du jeu, Montréal, Ed. Logiques, 1995 11 GHILISSEN V et DIEGAS V. Les participes passés par le jeu – travail de fin d’études présenté en vue de l’obtention du titre d’agrégé de l’enseignement secondaire inférieur –Ecole Normale Catholique du Brabant Wallon – LLN-2000, p42 Les jeux à l’école : chimère culturelle ou réalité? p.4 Analyse UFAPEC 2009 n°5 Revenir au jeu libre ! Cette idée de Frédérique Krings rejoint celle d’Odile Périno12 qui uploads/Philosophie/ 5-analyse-les-jeux.pdf

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