Le travail social ou l’« Art de l’ordinaire » David Puaud Depuis quelques année

Le travail social ou l’« Art de l’ordinaire » David Puaud Depuis quelques années, les travailleurs sociaux sont confrontés à des transformations de leurs missions notamment liées aux développements de logiques d’expertises sociales. Les mots changent, les pratiques se transforment sous la pression de discours prescriptifs et normatifs sous tendus par des logiques comportementalistes. Or, la vivacité du travail social repose sur des formes multiples de microtraces d’hospitalité, d’attitudes verbales et/ou non verbales, de gestes diffus … Ce livre développe en quoi l’« art de l’ordinaire » participe à une conception alternative de faire société en prônant une politique du « Bien Vivre ». À l’heure du mythe de la croissance, des flux d’informations, du haut débit, le paradigme du « Bien vivre » prône le ralentissement, l’attention aux banalités, l’hospitalité envers autrui, l’attention à l’environnement, à l’écologie des personnes dites «autres». Le travail social ou l’« Art de l’ordinaire » David Puaud yapaka.be David Puaud exerce depuis 2005 comme éducateur en prévention spécialisée. Il est Éducateur-Spécialisé et Moniteur- Éducateur. Actuellement en troisième année de doctorat en anthropologie à l’École des Hautes Études en Science Sociales (EHESS-CEAF) de Paris il enseigne également à Sciences-Po Poitiers, et réalise des vacations dans un Institut régional du Travail social. Il est également rédacteur sur le site « Délinquance, justice et autres question de société » du sociologue Laurent Mucchielli. T e m p s d ’ a r r ê t l e c t u r e s 58 Coordination de l’aide aux victimes de maltraitance Secrétariat général Fédération Wallonie-Bruxelles de Belgique Bd Léopold II, 44 – 1080 Bruxelles yapaka@yapaka.be Le travail social ou l’« Art de l’ordinaire » David Puaud Temps d’Arrêt / Lectures Une collection de textes courts destinés aux professionnels en lien direct avec les familles. Une invitation à marquer une pause dans la course du quotidien, à partager des lectures en équipe, à prolonger la réflexion par d’autres textes. – 8 parutions par an. Directeur de collection : Vincent Magos assisté de Diane Huppert ainsi que de Meggy Allo, Delphine Cordier, Sandrine Hennebert, Philippe Jadin, Christine Lhermitte et Claire-Anne Sevrin. Le programme yapaka Fruit de la collaboration entre plusieurs administrations de la Communauté française de Belgique (Administration générale de l’enseignement et de la recherche scientifique, Direction générale de l’aide à la jeunesse, Direction générale de la santé et ONE), la collection « Temps d’Arrêt / Lectures » est un élément du programme de prévention de la maltraitance yapaka.be Comité de pilotage : Nicole Bruhwyler, Deborah Dewulf, Nathalie Ferrard, Ingrid Godeau, Louis Grippa, Françoise Guillaume, Gérard Hansen, Françoise Hoornaert, Perrine Humblet, Céline Morel, Marie Thonon, Christelle Trifaux. Une initiative de la Fédération Wallonie-Bruxelles de Belgique. Éditeur responsable : Frédéric Delcor – Fédération Wallonie-Bruxelles de Belgique – 44, boulevard Léopold II – 1080 Bruxelles. Juin 2012 Sommaire Le travail social : une activité ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . 5 Malaise chez les travailleurs sociaux . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Les impasses de la logique managériale . . . . . . . . . . . . . . 12 Les mots ont un sens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 Qu’est-ce qu’un éducateur ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 Les limites de la logique comportementaliste . . . . . . . . . . 25 Le travail quotidien auprès des autres : l’« Art de l’ordinaire » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 Le socle de l’« Art de l’ordinaire » : des micro-traces d’hospitalité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 La notion de passeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40 La prise en compte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42 L’« Art de l’ordinaire » comme outil de la politique du « Bien vivre » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46 La politique du « Bien vivre » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51 « Le vif » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51 L’empathie méthodologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54 – 5 – Le travail social : une activité ordinaire « La confiance (silence) ça la confiance cela ne s’achète pas ! », Abdel Yasmin Sellou (2011)1. On dit de nous qu’on a la fibre, une vocation, une éthique, des croyances, des valeurs, ou autres convictions. Nous serions également humanistes, empathiques, bienveillants, ou bien proches des gens. D’ailleurs certains dans notre entourage nous prédes- tinaient à exercer ce métier : « il a toujours eu le sens de l’écoute, déjà tout petit. » Ces mots, expressions en tant qu’entraidants2 que l’on soit travailleur social, bénévole associatif, membre d’un collectif de soutien à des sans-papiers, nous les avons tous entendus maintes fois exprimés par nos proches. Ils nous valo- risent mais paradoxalement nous mettent souvent mal à l’aise. De manière générale, nos interlocuteurs ne perçoivent pas véritablement la teneur de nos activi- tés quotidiennes. On nous demande régulièrement : « mais tu fais quoi au juste avec ces personnes ? Mais vous avez des résultats ? » Nous avons la plupart du temps des difficultés à décrire les raisons de notre pratique. Au final, la conversation se termine sempi- ternellement de manière identique : « Je ne sais pas 1. Ancien aide à domicile dont s’est inspiré l’acteur Omar Sy pour jouer dans le film « Intouchables » (2011). 2. J’utiliserai dans ce livret le terme travailleur social lorsque je me rapporterai aux professionnels de l’action sociale. Quant au terme entraidant, il regroupe de manière beaucoup plus large selon moi toutes les personnes bénévoles et/ou professionnelles qui par conscience d’une solidarité humaine inhérente à l’homme consacre une partie de leur temps à développer des pratiques d’entraides au sens d’une coopération mutuelle diffusée au sein de collectifs for- mels ou informels. Au-delà de la « charité », les entraidants par les dispositions sociales qu’ils diffusent s’opposent à un monde régi par la seule concurrence, et postule pour le développement d’une politique du « Bien vivre » ensemble. (Je réinterprète les réflexions développées par P . Kropotkine dans son ouvrage : « L’Entraide : un facteur de l’évolution » (1902). – 6 – – 7 – retraite, Igor en Centre d’hébergement et de réinser- tion sociale, Brian en maternelle, Franck en Institut de rééducation, Jason en Prévention spécialisée, Iulian dans un Centre d’hébergement d’Emmaüs en Roumanie, Pierre dans un Centre d’adaptation et de redynamisation par le travail. L’objectif est de mettre ici en exergue ces micro-traces d’hospitalité développées par tous les entraidants dans leurs actions éducatives auprès d’un public pris en compte. Ces micro-traces sont bien souvent qua- lifiées de presque rien au quotidien. Et pourtant, les entraidants en font un véritable « Art de l’ordinaire ». L’art est entendu comme une activité humaine qui tend à un partage du sensible, il s’adresse directement au sens, à la perception singulière, aux émotions, à l’intellect des personnes prises en compte3. L’art est compris comme transformation de la pensée en expé- rience sensible de la communauté (Rancière, 2000). Il est composé d’une matière ordinaire liée au travail quotidien, à des activités conformes à l’ordre normal, habituel des choses; sans condition particulière (Le Petit Robert, 2012). C’est à dire qu’il n’est pas forma- lisé, caractérisé voire défini. Cet « Art de l’ordinaire » reste donc difficile à circonscrire, quantifier et donc au final, à évaluer. À l’image de la trace dans le sable que Robinson Crusoé uploads/Philosophie/ 58-travailsocial-puaud-web.pdf

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