Argumentation et Analyse du Discours 17 | 2016 La nomination et ses enjeux soci

Argumentation et Analyse du Discours 17 | 2016 La nomination et ses enjeux socio-politiques Ferry, Victor. 2015. Traité de rhétorique à usage des historiens (Paris : Classiques Garnier) Francesco Attruia Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/aad/2283 DOI : 10.4000/aad.2283 ISSN : 1565-8961 Éditeur Université de Tel-Aviv Référence électronique Francesco Attruia, « Ferry, Victor. 2015. Traité de rhétorique à usage des historiens (Paris : Classiques Garnier) », Argumentation et Analyse du Discours [En ligne], 17 | 2016, mis en ligne le 15 octobre 2016, consulté le 23 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/aad/2283 ; DOI : https://doi.org/ 10.4000/aad.2283 Ce document a été généré automatiquement le 23 septembre 2020. Argumentation & analyse du discours est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International. Ferry, Victor. 2015. Traité de rhétorique à usage des historiens (Paris : Classiques Garnier) Francesco Attruia RÉFÉRENCE Ferry, Victor. 2015. Traité de rhétorique à usage des historiens (Paris : Classiques Garnier), ISBN : 978-2-8124-4726-6, 267 pages 1 Paru dans la collection « L’univers rhétorique » aux éditions Classiques Garnier, cet ouvrage de Victor Ferry, docteur en rhétorique de l’Université Libre de Bruxelles et membre du GRAL (Groupe de recherche en rhétorique et en argumentation linguistique), aborde l’épineuse question de la preuve rhétorique en histoire. Que la discipline historique soit un champ fécond pour l’analyse argumentative était déjà un acquis, comme en témoignent les ouvrages collectifs, aux titres fort emblématiques, que Chaïm Perelman dirigea dans les années 1960 : Raisonnements et démarches de l’historien (1963) et Les catégories en histoire (1969). Toujours est-il que ni le Traité de l’argumentation de Perelman et Olbrechts-Tyteca (2008 [1958]) ni les approches qui, au cours de plus d’un demi-siècle, ont mis en avant la centralité de la compétence historique acquise par la pratique, n’ont vraiment équipé les historiens d’un cadre applicatif à la fois réaliste et utile. 2 C’est dans la tentative, fort prometteuse, de renouer les liens entre l’histoire et la rhétorique ancienne que réside la portée heuristique de l’entreprise de Ferry qui, dans son travail, se donne pour but l’élaboration d’un modèle humaniste d’analyse de l’argumentation. Ce modèle va à l’encontre de la conception normative qui ne considère comme valides que les preuves ayant pour vocation de réduire les différends et neutraliser la dichotomisation des points de vue adverses. Plus pertinemment, il s’agit dans cet ouvrage d’appliquer la conception réaliste de la preuve, issue de la Ferry, Victor. 2015. Traité de rhétorique à usage des historiens (Paris : Cla... Argumentation et Analyse du Discours, 17 | 2016 1 Rhétorique aristotélicienne, aux pratiques discursives ordinaires des locuteurs contemporains. Par ailleurs, la faisabilité d’un modèle humaniste de l’argumentation ne peut être évaluée que si l’on s’affranchit d’une vision idéaliste de la rationalité qui, craignant l’incertitude des choses humaines, élude les preuves non-contraignantes et se contente de bâtir un discours argumenté en puisant dans l’univers clos et autoréférentiel de la logique formelle. Aussi l’auteur fait-il preuve d’honnêteté scientifique dans la mesure où, contrairement aux chercheurs qui font souvent abstraction des acquis antécédents dans l’espoir, voire l’illusion, de construire du nouveau, il se tourne vers le passé en faisant l’état de l’art des études antérieures sur l’argumentation en histoire. 3 Mais comment Ferry conçoit-il cette rationalité humaniste qui, comme il tient à préciser, ne saurait se confondre avec une théorie de l’argumentation à proprement parler ? Il la définit « comme une confiance dans la capacité de l’être humain à traduire et à justifier son expérience par un discours argumenté, mais aussi comme une confiance dans les capacités de ses pairs à mettre cette argumentation à l’épreuve » (17). Notion centrale dans une approche argumentative qui se réclame de l’expérience, la confiance met en jeu la capacité de l’historien à la fois de produire les preuves et de les passer au crible de la critique : « Ce lien entre exercice, conscience et confiance, c’est ma thèse, permet de dépasser une conception étroite de la rationalité sans renoncer à établir des critères pour évaluer les arguments. » (18) Une telle démarche serait impensable dans l’approche abstraite de l’argumentation telle qu’elle est défendue par Hayden White, selon laquelle les compétences évaluatives et axiologiques de l’historien sont incompatibles avec la démarche scientifique. Cela explique le fait que, dans ce modèle antihumaniste de l’argumentation, aucune place n’est accordée à l’ambiguïté du langage ordinaire, domaine exclusif de la pragmatique, à l’intérieur duquel l’histoire apparaît comme une pseudo-science inéluctablement éloignée des sciences physiques et naturelles, les seules censées dire quelque chose de vrai sur le monde. 4 Ces balises posées, Ferry propose dans le premier chapitre (« L’approche rhétorique de l’argumentation ») un retour sur les orientations scientifiques qui se sont attachées à cerner la question de la pertinence d’un argument dans une situation argumentative réelle, en confrontant de manière spéculaire la critique adressée par les tenants de la pragma-dialectique à la Nouvelle Rhétorique, d’une part, et les réserves de cette dernière quant à la perspective normative adoptée par la pragma-dialectique, d’autre part. De fait, les deux s’intéressent aux limites de la logique formelle dans l’évaluation des arguments valides, sauf que dans le cas de la pragma-dialectique (van Eemeren et Grootendorst), on cherche à identifier, toujours de manière prescriptive, les « fautes de comportement argumentatif » sur la base d’un rationalisme critique qui devrait réguler la négociation des points de vue dans un conflit d’opinion. C’est par ailleurs contre le relativisme de la Nouvelle Rhétorique à l’égard de la résolution des conflits, que la pragma-dialectique met en place sa critique. Plus précisément, selon van Eemeren et Grootendorst (1996), Perelman et Olbrechts-Tyteca seraient coupables de multiplier indéfiniment les critères de rationalité selon les différents types d’auditoire. Pour sa part, la rhétorique reproche à la pragma-dialectique d’avoir en bonne partie détourné l’attention des chercheurs en argumentation de l’objectif originel de la tradition rhétorique aristotélicienne dont le but n’a jamais été de fournir les moyens aptes à dissoudre le dissensus, mais plutôt de décrire les outils et les techniques censés produire des discours efficaces dans des situations communicatives authentiques et face à des Ferry, Victor. 2015. Traité de rhétorique à usage des historiens (Paris : Cla... Argumentation et Analyse du Discours, 17 | 2016 2 auditoires réels. C’est d’ailleurs en l’absence de toute certitude et au cœur même du dissensus que s’installe la rationalité de l’homme prudent à qui revient finalement de choisir les stratégies pour produire un discours apte à emporter l’adhésion de l’auditoire. 5 Plusieurs approches s’attachent à mettre en doute l’ancrage de l’argumentation sur la logique. Il suffit de penser aux études de Francis Goyet et Christopher Tindale, sans oublier le tournant « ethnographique » de l’argumentation proposé par Marianne Doury ainsi que les réflexions sur la « rationalité stratifiée » d’Emmanuelle Danblon. Sous des angles différents, tous ces auteurs s’accordent sur la nécessité d’une approche plus humaniste de la rationalité qui n’oppose pas la raison aux émotions et aux images que l’orateur donne de soi dans et par son discours, l’enjeu étant prioritairement d’éloigner l’historien de la « dictature » de la vérité et de l’objectivité à tout prix. 6 Le discours sur la rationalité en histoire se poursuit dans II (« Le problème de la preuve en histoire ») où l’auteur réfléchit sur le statut de la rhétorique au sein de la science historique, en insistant notamment sur les préjugés et la méfiance qu’elle suscite chez les historiens. Il affirme que pour les tenants de la rationalité au sens étroit, les certitudes représentent l’unique et véritable objet de la recherche historique, alors que l’expérience et l’intuition sont susceptibles de jouer un rôle aussi important en ce sens. De fait, un modèle de rationalité pratique se doit d’opérer la réconciliation entre le « fantôme » du vrai et du certain qui hante depuis toujours la recherche en histoire à propos de la fiabilité des sources et celui, moins catégorique, du jugement et des évaluations de l’historien quant à cette fiabilité. Un premier pas dans ce sens a été fait par Carlo Ginzburg (1980), dont le mérite est d’avoir inscrit l’histoire dans un paradigme indiciaire permettant de renouer « la connaissance du passé avec une conception plus humaniste de la rationalité » (42). Ferry observe, cependant, que l’historien italien ne s’est jamais préoccupé de soutenir ce tournant épistémologique par un modèle rhétorique pratique. Le problème, chez Ginzburg, ne réside pas tant en la prise de conscience de la nécessité de « revaloriser le savoir conjectural », en donnant droit de cité à l’intuition dans la recherche en histoire, mais plutôt en la difficulté à énoncer le savoir pratique dont les formes seraient « muettes », c’est-à-dire réductibles ni à des axiomes ni à des perceptions clairement explicables. Le problème de la nomination des choses qui relèvent d’un savoir pratique ne se pose pas chez Marc Bloch qui, bien avant Ginzburg, a souligné l’importance pour l’historien-artisan de chercher les mots justes, aptes à décrire son expérience. Toujours est-il que chez Bloch aussi demeurent des paradoxes quant à la nature de uploads/Philosophie/ aad-2283-copie.pdf

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