La négation, comme l’interrogation, est un carrefour où convergent les recherch
La négation, comme l’interrogation, est un carrefour où convergent les recherches en syntaxe, pragmatique, sémantique logique, psycholinguistique, voire la pathologie Pierre Attal 1. L`énoncé négatif Opérations négatives et marqueurs Catégorie universelle, la négation repose sur deux opérations fondamentales (A.CULIOLI, 1988: 18 sqq.): une opération axiologique, de nature qualitative, de rejet de ce qui est considéré comme mauvais, comme inadéquat (Cette solution n’est pas correcte), et une opération ontologique qui comporte un vide, une absence, une lacune. (Il n’y a pas de solution). Le trait spécifique de la négation française est sa structure à deux temps, nécessitant un formant discontinu dont le premier élément ne engage l’énoncé dans la voie de la négativité qui sera, dans un second temps confirmée ou infirmée par un deuxième indice. Damourette et Pichon ont désigné le premier élément par le terme de discordantiel parce qu’il marque 1 LA NÉGATION Modalités d`énonciation une discordance entre l’ordre de la réalité et la subjectivité, par le terme de forclusif (pas, point, jamais etc.) l’élément destiné à confirmer la négativité en rejetant l’énoncé en dehors de la réalité et par uniceptif (que) celui qui restreint le champ de l’affirmation: Il ne viendra pas. Il ne comprend rien. Nous ne partirons que demain. Il ne viendra plus jamais. Niveaux d’incidence négative Les phrases négatives ainsi constituées se laissent caractériser et classifier d’après l’incidence (ou la portée) de la négation, par le statut du constituant frappé de négation. On distingue ainsi: une négation prédicative (ou nucléaire) qui affecte le prédicat en son ensemble, en focalisant le dernier élément du G Préd: Il ne travaille pas = NÉG (il viendra) Il ne viendra pas aujourd’hui. = NÉG (aujourd’hui (il viendra)) une négation non prédicative (non nucléaire) qui affecte un constituant autre que le G Préd: Il a travaillé pour rien. une négation lexicale : - préfixale (morpho-lexicale): inconnu, desceller, malhabile... - interne: refuser, oublier, ignorer, rarement... (lexèmes définis dans les dictionnaires par la négation de l’antonyme ignorer “ne pas savoir”, etc.) La négation Le schéma suivant rend compte de ces types de négation: Négation grammaticale lexicale nucléaire non nucléaire préfixale interne pour rien inconnu refuser desceller oublier pleine restrictive malhabile ignorer ne...que rarement simple associative ne ne ... personne ne ... pas ne ... rien ne ... point ne ... jamais ne ... guére La négation prédicative La négation prédicative englobe non seulement le verbe mais le G Préd en son ensemble en conférant à la phrase le statut de phrase négative, mais c’est le dernier constituant du groupe qui est focalisé. Par la négation prédicative on n’annule pas le procès en général mais le procès actualisé par les morphèmes de temps, d’aspect, de personne, de nombre etc. Dans la phrase Pierre ne travaille pas aujourd’hui la négation annule l’action de travailler exécutée par l’agent Paul à un moment donné (aujourd’hui). Dans la phrase Pierre ne travaillait pas ce jour-là, la négation est limitée par les morphèmes intrinsèques au verbe et par le déterminant ce jour-là. Elle atteint l’extensité maximum lorsque le verbe est au présent généralisé et que les actants et les circonstants sont des totalitaires négatifs: Personne ne dit jamais rien nulle part. La preuve qu’il en est ainsi nous est Modalités d`énonciation fournie par la négation du totalitaire tout : quand on nie le totalitaire positif, on ne nie pas la totalité mais le partiel : Certes, tout n’était pas gagné, nous avions encore beaucoup à faire. (de Beauvoir) La négation prédicative peut se présenter ▪ comme une négation simple: Il ne lit pas. ▪ comme une négation associative : Il ne travaille jamais la nuit. ▪ comme une négation discontinue (coordination négative) Il ne lit ni n’écrit. Madeleine n’était pas là, ni Paul. (de Beauvoir) Je ne l’adore pas non plus. (Camus) La négation prédicative à formant unique L’expression de la négation prédicative par le seul formant ne antéposé au Vf est considérée comme une construction marquée stylistiquement, d’une part elle appartient à la nuance littéraire de la langue, d’autre part elle est caractéristique de certaines structures figées qui reproduisent d’anciens moules syntaxiques. Ne apparaît donc dans deux types généraux de contextes: des structures automatisées, bloquées dans tous leurs constituants: À Dieu ne plaise ! Qu’à cela ne tienne ! Ne vous en déplaise: N’ayez crainte. N’ayez garde. N’empêche que... La négation Il n’y a (il n’est) si bon cheval qui ne bronche. De même, ne s’emploie dans certaines locutions verbales qui n`ont pas de corrélat affirmatif: n’avoir cure, n’avoir de cesse, n’avoir que faire de, ne dire / ne souffler mot: Il n’a soufflé mot de cette affaire. Je n’aurai de cesse avant de savoir la vérité. La science moderne n’a que faire de cette vieille notion. des structures marquées stylistiquement comme appartenant à la seule langue littéraire, le plus souvent en concurrence avec la négation discontinue: ▪ ne peut servir de négation aux verbes pouvoir, savoir, cesser, oser, bouger, consentir suivis d’un infinitif: - le verbe pouvoir est négativé par ne lorsqu’il est suivi par un infinitif mais ce ne entre en concurrence avec ne... pas : Je ne pouvais (pas) me faire à cette idée. Avec la vieille forme de la première personne du présent, puis, le simple ne est obligatoire : Je ne puis apparemment juger les autres . (Camus) La double négation est obligatoire avec un infinitif négatif : Elle ne pouvait pas ne pas penser à cette rencontre. - le verbe savoir peut être suivi non seulement d’un infinitif mais aussi d’un interrogatif ou de si: Il ne savait où trouver mille dollars. (Simenon) Vous ne saurez quoi répondre. (Maurois) Il était parvenu là on ne sait comment. (Camus) Elle a fait je ne sais quel rêve. (Simenon) Je ne sais si cela est simple. Modalités d`énonciation (Camus) Au conditionnel, le verbe savoir suivi d’un infinitif appartient exclusivement à la langue littéraire et il a dans ce cas un sens proche du verbe pouvoir : Je ne saurais trop vous approuver. (Camus) Je ne saurais vous répondre. Les autres verbes mentionnés présentent les mêmes particularités d’emploi : Il n’osait se laisser aller. (Calef) Il ne cesse, lui, sinon de travailler, au moins de produire. (Barthes) ▪ les hypothétiques introduites par si et négativées par le simple ne; le plus souvent elles sont régies par une négative ou une interrogative: Elle y serait encore si elle n’était morte à son tour. (Camus) Nul n’entre ici s’il n’est géomètre. Pasteur, Fleming Einstein, auraient-ils découvert des lois ignorées si leur attention n’avait été concentrée sans se lasser sur un même point? (Maurois) Dans toutes ces interrogatives il y a présomption en faveur de la réponse négative. Dans les hypothétiques inversives, on peut avoir un ne négatif, dans ces conditions cumulées: le transfert négatif de la condition non réelle exprimée par la subordonnée à la conséquence annulée exprimée par la principale: On se serait cru dans quelque foyer populaire, n’était ce décor autour de nous. (de Beauvoir) La négation ▪ dans une proposition dépendant d’un centre contenant il y a (et var.) voici,voilà et un nom de division temporelle, ne peut à lui seul négativer la phrase: Il y avait deux ans qu’on ne s’était vus. (de Beauvoir) Il y a longtemps que je ne suis allé en France. Cette construction est en variation avec la structure négative à formant discontinu : Il y avait des années qu’ils n’avaient pas communiqué ensemble de vive voix. (Simenon) ▪ dans les énoncés où apparaît une séquence temporelle introduite par un de explétif : Je n’ai de ma vie éprouvé le moindre sentiment passionné. (Sagan) Paul, si tu fais ça, je ne te revois de ma vie. (de Beauvoir) La construction se trouve en variation libre avec le formant discontinu: Je ne dormis pas de toute la nuit. (Camus) ▪ dans la proposition qui contient autre suivi d’un comparatif de non identité : Je n’ai d’autre ami que vous. Dans les structures qui sont en variation avec le formant discontinu, ne exprime une négation atténuée, teintée de subjectivité Ne explétif L’analyse contextuelle révèle trois emplois de la particule ne: comme unique formant de la négativité (v.ci-dessus La question directe totale): Il n’ose lui parler. Modalités d`énonciation en combinaison avec un forclusif ou un restrictif: Il ne travaille pas demain. Il n’y a qu’à lui parler. dans des structures où elle ne modifie pas la valeur de vérité de la phrase: J’ai peur qu’elle ne soit partie = “j’ai peur qu’elle soit partie” En grammaire traditionnelle on désigne cette particule, «dont l’emploi tient du paradoxe » par le terme de ne explétif parce qu’elle n’a pas de valeur négative. Certains auteurs ont tout de même fait remarquer que même si l’idée que l’on vise est positive, ce ne introduit une vision différente de celle exprimée par la phrase affirmative correspondante, ce qui conduit à la conclusion qu’il n’est pas aussi superflu que la vieille dénomination le laissait croire. Aussi, le terme de ne modal adopté par F.Brunot ou celui de dicordantiel dû à Damourette et Pichon semblent-ils plus appropriés. R.MARTIN uploads/Philosophie/ cristea-teodora-stoean-carmen-stefania-la-negation 1 .pdf
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- Publié le Nov 22, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
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