105 LA DOCTRINE DE L’OIKEIOSIS DANS L’ANCIEN STOÏCISME CLARA ACKER* RESUMO Part

105 LA DOCTRINE DE L’OIKEIOSIS DANS L’ANCIEN STOÏCISME CLARA ACKER* RESUMO Partindo da tese de Pembroke, segundo a qual a doutrina da oikeiosis é uma peça essencial da filosofia estóica, procuramos demonstrar que é justamente essa doutrina, que assegura a perfeita coesão entre Física e Ética na Escola estóica. Para os estóicos, virtude é viver segundo a Natureza, ela será o desenvolvimento de um dom natural, a oikeiosis, a capacidade de todo ser vivo de reconhecer a si mesmo e aquilo que lhe é apropriado. Conciliando as interpretações de Pohlenz e de White (que divergem devido à primazia dada, pelo primeiro, à natureza humana e pelo segundo, à natureza cósmica), entendemos com Chrysippo que as duas naturezas se completam e que a ordem racional é interior e exterior ao homem. Não há portanto contradição entre naturalismo e racionalismo no Estoicismo. Palavras-chave: ética, estoicismo, razão, natureza, oikeiosis Resumé Partant de la thèse de Pembroke, selon laquelle la doctrine de l’oikeiosis est une pièce maîtresse de la philosophie stoïcienne, nous essayons de montrer que c’est justement cette doctrine qui assure la parfaite cohésion entre Physique et Ethique dans l’Ecole stoïcienne. Pour les stoïciens, la vertu c’est vivre selon la Nature, elle sera le devéloppement d’un don naturel, l’oikeiosis, la capacité qu’a tout être vivant de se reconnaître et de reconnaître ce que lui est approprié. Conciliant les interprétations de Pohlenz et de White, (qui divergent par la primauté donné par le premier à la nature humaine, par le deuxième à la nature cosmique), nous comprennons avec Chrysippe que les deux natures se complètent et que l’ordre rationnel est intérieur et extérieur à l’homme. Il n’y a donc pas de contradiction entre naturalisme et rationnalisme dans le Stoïcisme. Mots-clefs: éthique, stoïcisme, raison, nature, oikeiosis L’importance du mouvement écologique n’a cessé de croître depuis les années 70 et les conséquences de notre mode de vie moderne, * Doutora em Filosofia pela Université de Paris IV – Sorbonne. E-mail: clara_acker@hotmail.com. 106 ETHICA | RIO DE JANEIRO, V.15, N.1, P.105-135, 2008 de plus en plus friande des ressources non renouvelables de notre planète, justifient largement cette importance. Il serait donc intéressant pour ceux qui se réclament de l’écologie aujourd’hui, de connaître les racines philosophiques du mot grec. Oikos: la maison, logos: parole; mais si la maison signifiait pour les Grecs en général leur maison particulière, pour les philosophes stoïciens cette maison était beaucoup plus large, elle englobait toute la Nature voire tout le Cosmos, elle indique une appartenance, une parenté entre tous les êtres vivants. Si les épicuriens comme les stoïciens ont choisit de mettre la Nature au centre de leur système de pensée, seuls les deuxièmes vont explorer la notion d’oikos pour lui donner un sens et une valeur fondamentales à l’intérieur de leur éthique. Car la doctrine de l’oikeiosis vient répondre à une nécessité de l’éthique grecque au moment où la civilisation hellénistique, s’ouvrant au monde, voit s’effondrer les cadres de la cité. Le stoïcisme a joué un rôle de premier plan dans l’élaboration des nouvelles valeurs. Pour la philosophie attique, l’homme était un être politique, ne pouvant s’accomplir qu’à l’intérieur de la communauté. Bien que l’éthique grecque reste un eudémonisme, une recherche du bonheur, elle le place alors dans la seule perfection individuelle, en lui donnant comme cadre l’univers. Il devint ainsi fondamental de comprendre l’individu dans sa structure d’être vivant. Les épicuriens voyant dans cette structure une première tendance vers le plaisir, ce fut tout aussi bien en réaction à l’hédonisme qu’en réponse à une nécessité historique que les stoïciens créèrent la doctrine de l’oikeiosis. Bien que plusieurs interprètes1 aient cherché à déterminer avec exactitude si la doctrine remontait à Zénon, le fondateur du stoïcisme, nous éviterons cette polémique, convaincus que l’état de nos sources ne permet en aucun cas d’en décider. Aussi, bien que l’authenticité de cette doctrine ait été mise en doute, elle est aujourd’hui amplement reconnue, grâce notamment à la contribution de C. O. Brink2. Ce dernier concluait néanmoins à l’importance limitée de l’oikeiosis dans l’éthique stoïcienne. 1 Pohlenz M., Grundfragen der Stoischen Philosophie, Vandenhoeck und Ruprecht, 1940 ou encore White N. P., “The Basis of Soic Ethics”, in Harvard Studies in Classical Philology, LXXXIII, 1979, Harvard University Press, p. 143-178. 2 Brink C; O., “ Oikeisis and Oikeiosis: Theophrastus and Zeno on Nature in Moral Theory”, in Phronesis, I, 1955-1956, Assen, p. 123-145. RIO DE JANEIRO, V.15, N.1, P.105-135, 2008 | ETHICA 107 Aucun mot ne correspondant en français à la richesse sémantique du terme oikeiosis, nous nous abstiendrons de le traduire. Cependant, nous pouvons essayer de l’approcher dans la langue grecque en général. Oikeiosis est le substantif grec auquel correspond l’adjectif oikeios, celui-ci dérivant du mot oikos, qui désigne la maison et s’applique non seulement à ses membres parents par le sang, mais aussi et plus généralement, à toute association favorable. Dans cette sphère, oikeios couvre tout ce qui appartient à un être dans un sens non économique3. Dans le Stoïcisme, oikeiosis correspond à un rapport unilatéral ainsi qu’à son facteur subjectif, la conscience de ce rapport4. L’oikeiosis non seulement détermine pour tout être vivant sa tendance à l’auto - conservation, mais elle est le fondement même de la vertu de justice5. Ainsi pour les stoïciens, la fin éthique consiste en la seule vertu, définie comme une vie en accord avec la nature6. Nous adopterons alors le point de vue de Chrysippe, selon lequel il s’agit d’un accord avec la nature humaine et avec la nature cosmique7. Il s’agira donc dans cette étude d’indiquer comment l’oikeiosis partant de la reconnaissance de certains objets comme préférables, en arrive à reconnaître le bien dans la seule rectitude morale, fondant ainsi l’identité entre sagesse humaine et sagesse cosmique. Nous allons tenter de montrer que la doctrine de l’oikeiosis, loin de survenir accidentellement dans le système, en est au contraire une pièce maîtresse, qui illustre remarquablement la manière dont les stoïciens concevaient le rapport entre nature et vertu. Nous commencerons par analyser la notion d’oikeiosis chez l’animal en général, dont l’homme. Nous tenterons de montrer comment, dans le but de l’auto conservation, l’oikeiosis articule donnée physiologique et distinction de valeur. En deuxième lieu, nous étudierons le rôle de la raison dans son rapport à l’oikeiosis, en nous demandant comment cette dernière est susceptible de recevoir un contenu supérieur, une signification éthique. 3 Pembroke S. G., “Oikeiosis”, in Problems in Stoicism, ed. A.A. Long, The Athlone Press, 1971, p. 114-149. 4 Idem, p. 116. 5 Arnim H.V., Stoicorum Veterum Fragmenta, I, 197. 6 Diogène Laerce, Vie et Opinions des Philosophes, VII. 7 Idem, p. 89. 108 ETHICA | RIO DE JANEIRO, V.15, N.1, P.105-135, 2008 Enfin, nous tenterons d’analyser cette signification à tous les stades du développement moral de l’homme et particulièrement en ce qui concerne la vertu de justice. I - L’OIKEIOSIS ANIMALE LA PERCEPTION Contrairement à Platon et à Aristote, les stoïciens conçoivent l’âme comme ce qui différencie les animaux des végétaux8. Dans l’embryologie stoïcienne, le fœtus n’est pas encore un animal: son principe vital est semblable à celui du végétal et ne se transforme en âme qu’au moment de la naissance, par l’effet de la rencontre avec l’air, résultant de la respiration9. L’âme est un souffle chaud, mélange de feu et d’air. Ces conceptions s’accordent avec celles de certains des plus illustres représentants de la médecine hellénistique, tels Hippocrate et Hérophile. L’animal diffère ainsi du végétal par la perception et par la tendance10. Celle-ci sera traitée dans un prochain chapitre, mais nous avons grâce à Hieroklès un compte rendu détaillé de la façon dont les stoïciens comprenaient le fonctionnement de la perception. Il semble que le souci majeur de l’auteur des Eléments d’Ethique soit de répondre à ceux qui réfutent un aspect crucial de la conception stoïcienne de l’oikeiosis: la perception qu’a l’animal de lui-même dès sa naissance. La faculté perceptive ayant comme fonction non seulement la perception d’objets extérieurs, mais aussi la perception de soi, est ainsi nécessairement réflexive. Mais quel est le soi à être perçu? Si la tradition dualiste opposait esprit et matière, pour les stoïciens, âmes et corps sont totalement mélangés l’un à l’autre11, dans une parfaite réciprocité. Hieroklès explique cette interaction par des exemples: quand le corps est sujet à une infection, l’âme délire et ne peut utiliser ses facultés, quand celle-ci ressent de la peur, le corps change de couleur ou perd la voix12. Interprétation remarquablement moderne en ce qu’elle annonce déjà certaines 8 Hieroklès, Elementi di Etica, in Corpus dei Papiri Filosofici Greci e Latini, I, Leos, Olschki Editore, 1992, p. 299. 9 Idem, p. 299. 10 Idem, p. 301. 11 Ibid, p. 319. 12 Ibid, p. 321. RIO DE JANEIRO, V.15, N.1, P.105-135, 2008 | ETHICA 109 découvertes psychanalytiques, telle celle qui concerne les paralysies hystériques. Pour les stoïciens seuls les corps sont capables d’action13, mais la corporéité n’est pas conçue comme simple matière, bien qu’elle l’utilise. Ainsi l’âme étant active, doit nécessairement être corporelle. Voici un extrait des Eléments d’Ethique, qui explique le mécanisme de la perception de soi: “L’âme uploads/Philosophie/ acker-la-doctrine-de-l-x27-oikeiosis-dans-l-x27-ancien-stoicisme-la-fr-cn-z121-py-2008.pdf

  • 21
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager