Chapitre 1 : brève histoire de l’acoustique Voici quelques grandes étapes de la
Chapitre 1 : brève histoire de l’acoustique Voici quelques grandes étapes de la découverte de la théorie du son ou acoustique (terme forgé à partir du verbe grec άκοὐω (akouô), qui signifie « écouter » par Joseph Sauveur, vers 1700). « J’ai donc cru qu’il y avait une science supérieure à la musique, que j’ai appelée Acoustique, qui a pour objet le Son en général, au lieu que la musique a pour objet le Son en tant qu’il est agréable à l’ouïe » (Sauveur, en 1701) Mais qu’est ce que le son ? « Le son est une perception de l’âme qui lui est communiquée par le secours de l’oreille ; ou bien c’est un mouvement de vibration dans l’air, qui est porté jusqu’à l’organe de l’ouïe » (Encyclopédie, article Son, en 1765) « On ne connaît bien une science que lorsqu'on en connaît l'histoire » (Auguste Comte, introduction au cours de philosophie positive). 1 Introduction Nous n’abordons pas ici les techniques d’enregistrement du son, ni de sa reproduction par voie mécanique ou électroacoustique, mais seulement l’histoire des notions clés de la théorie de l’acoustique (physique, physiologique et psychoacoustique) et de la théorie musicale. L'acoustique physique étudie la nature et les propriétés des ondes sonores qui arrivent au tympan. L’acoustique physiologique étudie comment elles sont captées par le système auditif et la psychoacoustique s’intéresse à la manière dont elles sont interprétées par le cerveau. 2 Le Son créateur In principium erat verbum. Au commencement était le Verbe. Les Egyptiens l’affirmaient déjà, trois millénaires avant l’Evangile selon Saint-Jean. Les bases de la théorie du son créateur datent en effet de plus de cinq mille ans. Sur toute la surface de la terre, dans toutes les civilisations, le son est associé à la genèse de la création. Pour les Hindous, il est d’origine divine et, par l’effet des vibrations rythmiques du son primordial (nadâ), le verbe (Vâk) produit l’univers. De même, dans l'Égypte pharaonique, le monde et les êtres furent créés par le son originel. Thot et le cri primordial, Ptah et le Verbe divin illustrent la relation entre le son créateur et la genèse du Cosmos. Le son est donc le souffle divin. En Inde, tout ce qui est sonore est shakti, c’est-à-dire Puissance divine. Or, dans la nature, tout émet des sons, que ce soit l’oiseau qui chante, le ruisseau, le vent, ou le feu qui crépite. Tout s’harmonise et tout s’accorde au diapason universel. Le son a une origine cosmique et le cri véhicule une partie de l’énergie divine. C’est pourquoi le son et la musique se retrouvent dans tous les rites initiatiques. Les Dieux accomplissent ce qu’ils désirent en utilisant la puissance génératrice du son, le Logos, or l’homme est fait à leur image : il est doué de parole. Heka, la magie verbale, mise à disposition des humains, conserve un pouvoir sur la marche de l’univers qu’elle a servi à créer. Lorsqu’ils sont prononcés correctement, les phonèmes appartenant au langage mystique ont des pouvoirs illimités, car ils deviennent les objets qu’ils représentent. Le Corpus Hermeticum précise à ce propos que « la particularité même du son et la propre intonation des vocables égyptiens retiennent en elles-mêmes l’énergie des choses qu’on nomme ». Nous accordons l’existence aux êtres en les nommant. Savoir le nom des choses, c’est en être maître. Selon les conceptions égyptiennes, l’intonation d’un nom conférait un grand pouvoir à ceux qui le connaissaient. C’est pourquoi les hommes et les dieux cachaient leur vrai nom. Aussi peut-on lire dans le papyrus magique de Turin : « Formule pour le dieu qui s’est créé lui- même et qui possède des noms multiples que les autres dieux ignorent. » Dans chaque liturgie, il existe différentes appellations de Dieu : chaque nom n’exprime en fait qu’un attribut de la divinité qu’il est impossible de saisir dans sa totalité. Mais, selon Origène, « il faut prononcer les noms sacrés dans leur langue originelle, car c’est le sens lui-même qui opère et la traduction est inefficace et inutile. » Les kabbalistes hébreux reconnaissaient soixante douze génies représentant les manifestations angéliques de l’action divine et ils croyaient, comme les Egyptiens, que les génies étaient obligés d’obéir à l’appel de leur nom. Les esséniens, de même, prêtaient une vertu magique aux noms des anges et faisaient serment de ne pas les révéler. Les « mots de pouvoirs », les vocables sacrés, ne véhiculent le plus souvent aucun sens mais ils possèdent une énergie phonique, généralement développée par la répétition. La répétition est une loi commune à la magie et à la musique ; elle relève en effet de la symbolique du Nombre. Nous allons voir que nombre et musique sont intimement liés. 3 Antiquité et Moyen âge Homère au VIIIème siècle avant notre ère, dans ses deux grands poèmes, l’Iliade et l’Odyssée, distingue déjà les composantes fondamentales du son : l'intensité, la hauteur et le timbre. La guerre (chocs des armes, bruit des cordes des arcs, vols des flèches, etc.), les naufrages de navires ou les courants d’air et le vent lui fournissent l’occasion d’observer et de décrire les conditions environnementales de la formation et de la propagation des sons. Homère présente le son comme « une réalité », qui se déplace dans l'espace, et comme une force capable de frapper les oreilles, voire de déplacer des objets. Il a déjà conscience des liens entre les phénomènes de son, d'écho et de résonance. Il décrit et commente aussi les instruments de musique de ses contemporains, dont beaucoup étaient connus des civilisations du Proche-Orient. Joueur d’aulos (double flûte). Vase cratère à fond noir (vers 430 ANC) Joueur d’aulos (double flûte) et chanteur. Vase cratère à fond rouge (vers 450 ANC) Pythagore (né vers 580 et mort vers 490 av. J.-C.) et ses disciples réalisent en effet les premières expériences sur des cordes vibrantes, et ils remarquent qu'il existe un lien entre la longueur de la corde, sa tension et la note qu'elle produit. La Chine antique considérait la musique comme une harmonie des nombres et du cosmos. De même, pour les pythagoriciens, le nombre était le principe de toute chose : leur conception de la nature repose sur l’observation que les mêmes harmonies musicales et les mêmes formes géométriques dans des milieux différents, avec des grandeurs différentes, peuvent être produites en combinant les mêmes nombres. « Tout est arrangé par le Nombre » dit Pythagore dans l’Ieros Logos (Discours sacré cité par Jamblique). Pythagore et la musique, voussure du Portail royal de la cathédrale de Chartres Les Pythagoriciens avaient remarqué que les vibrations produites par plusieurs cordes produisaient des accords harmonieux quand les rapports des longueurs des cordes pouvaient s'exprimer par des fractions simples (formées avec des petits entiers). Ils définirent ainsi des rapports pour les intervalles entre les notes de musique de la gamme (dite gamme pythagoricienne). Ces manipulations étaient sans doute effectuées à l'aide d'une corde tendue sur une caisse de résonance, et que l'on pouvait partager en deux segments réglables à volonté par l'intermédiaire d'un sillet mobile. La table de l'instrument était graduée. Grace à un chevalet que l'on déplaçait sur ces graduations, on pouvait obtenir les principaux intervalles. La corde de l'instrument était généralement pincée. Mais on a pris l'habitude de la frotter avec un archet. On a donné à ce montage le nom de sonomètre à corde, ce qui n'a absolument rien à voir avec l'instrument de mesure que l'on connaît aujourd'hui, ou plus simplement de monocorde. Monocorde, abbaye de la Madeleine Vezelay (Bourgogne) 1- la corde entière vibre : on obtient la tonique. 2- la moitié de la corde vibre : on obtient l'octave. Décomposition mélodique et harmonie 3- les 2/3 de la corde vibrent : on obtient la quinte. Décomposition mélodique et harmonie 4-les 3/4 de la corde vibrent : on obtient la quarte. Décomposition mélodique et harmonie 5-l'écart entre 2/3 et 3/4, soit 9/8 détermine le ton. Décomposition mélodique et harmonie Les rapports de longueurs simples (1/2, 2/3, 3/4 etc. ... ) déterminent des intervalles musicaux remarquables (octave, quinte, quarte etc. ... ) qui avaient frappé les observateurs de l‘Antiquité. Ils auraient aussi observé que le son causé par un marteau sur une enclume variait suivant le poids de l’outil. Yubal et Pythagore (Tiré du traité « theorica musicae » de F. Gaffurio (1492), on y voit Pythagore menant diverses expériences, et Yubal, père des musiciens, mentionné dans la Genèse, (Gen 4, 21). Tierces L’harmonie de la gamme pythagoricienne est associée au caractère intrinsèquement naturel des nombres entiers. Pythagore et ses disciples en tirèrent la conclusion que la Nature était harmonie, dans le sens où elle se conformait à la rigueur intransigeante des nombres. L'âme humaine est, en quelque sorte, formée d'harmonie et l'on peut rétablir, par le moyen de la musique, cette harmonie existante et primitive de nos facultés intellectuelles, trop souvent troublée par le contact des choses de ce bas monde. Le De musica, traité fondateur de la théorie musicale du Moyen Age, écrit par le philosophe Boèce au début du VIème siècle, considérait uploads/Philosophie/ acoustique-chapitre-1.pdf
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- Publié le Mai 02, 2021
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