AINSI PENSAIT MICHEL ONFRAY par Michael Paraire réflexions sur une imposture in
AINSI PENSAIT MICHEL ONFRAY par Michael Paraire réflexions sur une imposture intellectuelle INTRODUCTION Docteur Jekyll et Mister Hyde Il y a deux Michel Onfray, le rebelle et le consensuel, l’iconoclaste et le dévot, le critique de Freud et l’apologiste de Nietzsche, le défenseur de Pierre Bourdieu 1 et l’admirateur de Jünger 2, l’homme qui ne pardonne rien à Jean- Paul Sartre mais passe tout à Albert Camus. Lire Michel Onfray, est-ce lire le copain de Siné 3 ou l’ami de Franz-Olivier Giesbert 4 ? L’homme simple d’Argentan ou l’homme complexe qui a ses entrées dans le Tout-Paris médiatique ? Le soutien des petits éditeurs ou l’enfant chéri des éditions Grasset ? Qui faut-il croire de l’anticolonialiste convaincu ou du sioniste déclaré ? Du pourfendeur de l’ultra-libéralisme ou du prophète d’un improbable capitalisme libertaire ? Du héraut de l’amour libre et de l’émancipation féminine ou du chroniqueur favorable au voile islamique 5 ? De l’anarchiste vitupérant contre l’ordre social ou du délateur hostile à l’insurrection qui vient et au petit groupe de Tarnac ? Docteur Jekyll, donc, ou Mr. Hyde ? C’est cette schizophrénie philosophique, cette dualité politique que ce livre dénonce. Il n’est plus supportable de s’entendre donner tant de leçons de la part d’un homme traversé par autant de contradictions. Certes, nous sommes aujourd’hui dans une période où l’on aime faire l’éloge de la folie et de la division d’avec soi-même. C’est à celui qui sera le plus déconstruit, fragmenté, désorienté. A celui-là d’ailleurs, on tressera des lauriers ou des couronnes de fleurs. Et malheur à l’individu un tant soit peu cohérent, à l’intellectuel qui refuse de se métamorphoser en girouette ou en caméléon politique, au militant qui continue de tracer son sillon contre vents et marées. Michel Onfray réserve d’ailleurs quelques amabilités à ce dernier. Il l’invite, sans rire, à déposer le mégaphone et à ranger les drapeaux, à cesser de manifester et d’arpenter le bitume 6 pour réaliser la révolution libertaire ici et maintenant. Ici ? Mais où exactement ? Dans le salon médiatique où Michael Onfray a élu domicile ? Dans l’une de ces jolies universités populaires qu’il a créées, apparemment pour son plus grand plaisir, et pour celui de ses auditeurs, gentils, cultivés et paisibles ? Croire que les gigantesques intérêts particuliers des possédants de ce pays comme de ce monde se laisseront faire et passeront gentiment la main, terrifiés par le surgissement d’une multitude de cénacles hédonistes, relève de la naïveté. Le faire croire, c’est trahir consciemment les chances des exploités de se débarrasser du système de domination. « La révolution n’est pas un dîner de gala », Mao Zedong avait au moins raison sur ce point, et aucun historien sérieux ne le contredira. Onfray & co Écrire contre le « philosophe » Onfray, chouchou des médias, prestidigitateur politique qui met tout le monde dans sa poche, cela peut paraître bien sévère. N’est-il pas brillant, de gauche, ne se dit-il pas « libertaire » ? N’y aurait-il pas plus à dire sur la « galaxie » des philosophes contemporains que sur l’aimable auteur des Formes du temps ? Dans un ouvrage intitulé La Philosophie française en questions, Sébastien Charles avait eu l’idée, il y a une quinzaine d’années, de brosser un tableau des penseurs qui constituent l’essentiel du paysage philosophique français. D’André Comte-Sponville à Clément Rosset en passant par Luc Ferry, Gilles Lipovetsky et Michel Onfray, on faisait, en quelque sorte, le tour de l’agora philosophique. Or, quinze ans après, le bilan est clair. André Comte-Sponville, l’ancien élève d’Althusser, a découvert que le capitalisme n’était pas moral dans un ouvrage 7 qui enfonce à grands coups d’épaules des portes largement ouvertes. Luc Ferry, l’émule de Fichte, devenu nietzschéen-ministre, restera surtout célèbre pour avoir cru mettre à jour les fondements nazis de l’écologie 8 (au pays de René Dumont et de l’écologie politique, il fallait oser le faire). Gilles Lipovetsky, le sociologue qui célébrait les valeurs de l’individualisme conquérant, continue de le faire en pleine crise du modèle néo-libéral. Quant à Clément Rosset, ses pseudo-analyses sur le camembert 9, en écho aux réflexions de Descartes sur le morceau de cire dans les Méditations métaphysiques, ne sont propres qu’à séduire de beaux esprits désorientés, réincarnations vivantes des trissotins du temps de Molière. Seul reste en piste Michel Onfray. De lui au moins on ne peut pas dire qu’il n’a pas conservé un certain style rebelle, un goût pour les philosophes résistants et récalcitrants. Par ailleurs, avec sa très documentée Contre-histoire de la philosophie, celui qui continue de se dire anarchiste a complété une œuvre d’historien de la philosophie « iconoclaste » qui fera sans doute date. Mais, c’est justement ce qui rend sa position inacceptable ! Car, qu’attendait- on, au fond, d’un Luc Ferry ou d’un André Comte-Sponville ? Rien. Certainement pas, évidemment, qu’ils fassent l’apologie de la révolution, du grand changement ou du grand soir, dans un pays, pourtant, où huit millions de personnes sont sous le seuil de pauvreté 10, où la jeunesse est sacrifiée, où la vieillesse est maltraitée, mais où les aristocraties et les féodalités de tous ordres se sont reconstituées et ne se sont même jamais autant gavées. Mais de Michel Onfray, on attendait autre chose que la condamnation de la Révolution française et de ses prétendues « figures noires », l’opprobre jetée sur la lutte des nationalistes algériens du FLN pendant la guerre d’Algérie, la dénonciation du mouvement libertaire et de ses « Églises », remplies d’anarchistes dits de « ressentiment » et, de manière plus générale, la condamnation de toute radicalité politique, de tout changement révolutionnaire collectif. Comme si l’histoire n’avait pas montré que la violence des dominants finit toujours par produire celle des dominés, comme si celle de la révolution n’était pas proportionnelle à celle de la contre- révolution. Avec Michel Onfray, donc, la déception est plus grande, plus forte, le désamour plus intense et, par conséquent, la critique plus virulente. Michel et Onfray La méthode employée pour le comprendre et pour le réfuter n’a cependant rien à voir avec la « psychanalyse existentielle » dont Onfray se réclame comme de sa méthode spécifique en matière d’études d’histoire de la philosophie. On ne recherchera aucun détail croustillant sur ses bacchanales nocturnes, ni de scoop sur la manière dont il boit son café au lait le matin ou sur sa façon d’enfiler ses chaussettes. Porte-t-il à droite ou bien à gauche ? Jeans serrés ou pantalons larges ? Tongs ou espadrilles ? Autant de questions sans intérêt, au niveau desquelles on se refusera de descendre par principe. Ce portrait n’est pas un portrait à la Sainte-Beuve mais à la Proust. Non pas, d’ailleurs, que les détails biographiques - dont l’homme n’est pas avare - ne nous intéressent pas, mais nous nous contenterons des anecdotes et autres morceaux de vie qu’il a bien voulu livrer dans ses ouvrages, ses films, ses interviews. En tout cas, rien de privé qui relève, dans ce manuel anti-Onfray, de la méthode « flic ou curé » : pas d’enquête à la Philippe Marlowe au petit pied, pas de question posée sur le mode inquisitorial, mais le recours à la lecture des textes et des œuvres publiques. Les textes, rien que les textes, encore les textes, toujours les textes, et les actes politiques concrets que ces écrits parfois expliquent ou tentent de justifier : voilà notre seule boussole, notre seul guide pour nous conduire dans les méandres de la pensée onfrayenne. Pas d’attaque non plus contre l’individu et cela même si nous ne nous interdisons pas d’utiliser une langue piquante ou des jugements politiques sévères, conséquences logiques de positions théoriques et pratiques invraisemblables ou intenables. D’abord, parce que, comme le signale Arthur Schopenhauer dans son Art d’avoir toujours raison, l’argument ad personam 11, contre la personne, est le stratagème le plus faible, celui que l’on ne doit utiliser qu’en dernier recours, lorsque l’on n’a plus rien à dire, parce que l’on manque soi-même d’arguments. Ensuite, et surtout, parce que nous n’avons pas de griefs personnels contre l’individu, mais de lourds reproches contre ses idées. Pour le dire autrement, ce n’est pas Michel qui nous intéresse, l’ancien boursier, le fils de pauvres, le gamin victime de sévices à l’orphelinat de Giel, le gars qui aime ses parents malgré tout, le prof qui prend le temps de répondre gentiment aux questions qu’on lui pose, ou le mec sympa qui vous fait un grand sourire lorsque vous partagez avec lui un verre de Sauternes par une belle soirée d’été. Non, celui que nous prenons pour objet de cette étude, c’est Onfray, l’intellectuel autoritaire, le personnage public cassant, l’auteur de la Contre- histoire de la philosophie, l’historien qui révise l’histoire de la Révolution française et de la guerre d’Algérie, le zélateur de cette canaille de Nietzsche, l’anarchiste de salon qui se proclame avec son postanarchisme plus anarchiste que les anarchistes eux-mêmes, l’idiot utile d’un système médiatique en recherche de figures radicales, en un mot ce que Robespierre qualifiant Danton dans un discours du 11 germinal an II, avait appelé uploads/Philosophie/ ainsi-pensait-michel-onfray-reflexions-sur-une-imposture-intellectuelle-french-edition.pdf
Documents similaires










-
24
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mar 04, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
- Taille du fichier 1.1765MB