Gaston Bachelard, Les intuitions atomistiques. (Essai de classification). (1933
Gaston Bachelard, Les intuitions atomistiques. (Essai de classification). (1933) 6 DU MÊME AUTEUR À LA LIBRAIRIE VRIN : Essai sur la connaissance approchée. Étude sur l’évolution d’un problème de physique : la propagation thermique dans les solides. La valeur inductive de la Relativité. Le Pluralisme cohérent de la Chimie moderne. À LA LIBRAIRIE STOCK : L’Intuition de l’instant. Gaston Bachelard, Les intuitions atomistiques. (Essai de classification). (1933) 7 BIBLIOTHÈQUE DE LA REVUE DES COURS ET CONFÉRENCES GASTON BACHELARD Professeur à l’Université de Dijon Les Intuitions atomistiques (Essai de classification) PARIS ANCIENNE LIBRAIRIE FURNE BOIVIN & Cie, ÉDITEURS 3 ET 5, RUE PALATINE (VIe) Gaston Bachelard, Les intuitions atomistiques. (Essai de classification). (1933) 8 [163] Les intuitions atomistiques (Essai de classification) Table des matières INTRODUCTION. La complexité fondamentale de l’atomistique [1] PREMIÈRE PARTIE CHAPITRE I. — La métaphysique de la poussière [17] CHAPITRE II. — L’atomisme réaliste [41] CHAPITRE III. — Les problèmes de la composition des phénomènes [68] DEUXIÈME PARTIE CHAPITRE IV. — L’atomisme positiviste [83] CHAPITRE V. — L’atomisme criticiste [103] CHAPITRE VI. — L’atomisme axiomatique [132] CONCLUSION [153] INDEX DES NOMS CITÉS [161] Gaston Bachelard, Les intuitions atomistiques. (Essai de classification). (1933) 9 [1] Les intuitions atomistiques (Essai de classification) Introduction La complexité fondamentale de l’atomistique I Retour à la table des matières C’est l’infortune de toutes les grandes doctrines qu’en évoluant elles se contredisent et qu’elles ne puissent s’enrichir sans perdre leur pureté et leur lumière originelles. Les définitions qui sont à leur base s’obscurcissent dans une application répétée. Les mots eux-mêmes quittent leur racine ; l’usage en ternit l’étymologie. Si la convention que ces mots désignaient primitivement est heureuse, elle ne tarde pas à devenir une règle. Autrement dit, le sens restreint, s’il est assez pré- cis pour éclairer une notion réellement utile, appelle, par l’usage même, le sens large. Qu’une notion arrive ainsi, en élargissant son extension, à contredire étymologiquement le terme qui la représente, cela ne saurait donc être une objection décisive contre cette notion. Ce serait plutôt un signe qu’elle est sortie du domaine des simples défini- tions de mots pour devenir un véritable catégorème. M. Brunschvicg 1 montre que, déjà, de Démocrite à Lucrèce, une contradiction s’est installée dans l’hypothèse atomique et [2] que deux grandes doctrines, réunies sous le même signe, mais d’aspirations et de 1 Brunschvicg, L’expérience humaine et la Causalité physique, p. 381. Gaston Bachelard, Les intuitions atomistiques. (Essai de classification). (1933) 10 destins divers, vont de conserve jusqu’aux âges scientifiques. L’atomisme aurait ainsi assimilé son contraire dès le premier effort d’extension. Il serait passé très rapidement du sens réaliste au sens catégorématique. L’atome, pris d’abord comme un objet dans une in- tuition aurait fourni à la pensée l’occasion d’une méthode discursive pour une étude analytique du phénomène. Tout un monde mêlé d’images et de raisons seraient donc déjà en puissance dans les pre- mières doctrines de l’atomisme. Cette apparence mêlée persistera na- turellement quand l’évolution philosophique viendra enrichir les doc- trines. Dans ces conditions, il est peut-être bon de procéder à une analyse, et même à un démembrement, pour bien isoler les éléments disparates des doctrines qui, sous un même nom, cachent des pensées si diverses. Notre but a été de préparer cette analyse et de fournir aux étudiants des moyens ou des prétextes pour classer leurs idées. Sans doute notre travail ne saurait détourner l’esprit de cette compagnie avec les sys- tèmes individuels qui permet d’en comprendre l’unité. Si nos analyses ont un sens, elles ne feront que faciliter la compréhension et surtout la comparaison des doctrines. Quelques éléments clairement détachés peuvent en effet servir de centre d’examen. Toute triangulation ré- clame des points fixes et bien visibles. Si les éléments que nous iso- lons correspondent à des faits saillants, la triangulation que nous pro- posons pourra fournir un plan pour la description minutieuse des sys- tèmes. Voici d’ailleurs tout de suite un trait qui peut aider à rapprocher les chapitres épars de ce petit livre. Ce trait montrera que nous hésiterions nous-même à opposer définitivement les doctrines que nous séparons : Il nous semble en effet que les deux [3] directions dégagées par M. Brunschvicg dans les explications primitives par l’atome sont si exactement inverses qu’elles indiquent plus que des lignes d’analyses mais vraiment un mouvement épistémologique de va-et-vient, égale- ment clair et fécond. Autrement dit, l’antisymétrie des doctrines est si parfaite qu’elle témoigne d’une certaine solidarité dans les solutions plutôt que d’une hétérogénéité des objets de la recherche. En effet, deux systèmes de pensées qui retrouvent les mêmes éléments, dans la même relation, dans le même ordre général, mais seulement en sens inverse, sont au fond réductibles à une forme unique. Ces deux sys- Gaston Bachelard, Les intuitions atomistiques. (Essai de classification). (1933) 11 tèmes suivent en somme les mouvements parallèles mais inverses de l’analyse et de la synthèse. Ils sont plutôt complémentaires qu’opposés. Ils se vérifient l’un par l’autre et c’est en vain qu’on vou- drait en détruire la solidarité, se livrer à 1’un en se délivrant de l’autre. Dans le domaine de l’atomistique, l’analyse et la synthèse ont une signification si précise, si matérielle, si générale qu’il sera peut-être bon d’insister sur 1’allure de preuve réciproque que prennent l’un à l’égard de l’autre ces deux types de pensée, ces deux types d’explication, ces deux types d’expérience. Une des pensées dominantes de cet ouvrage sera de montrer qu’on cherche effectivement l’atome quand on analyse le phénomène, mais qu’en même temps on ne justifie l’atomisme que dans la synthèse, en indiquant comment l’on peut concevoir une composition. La preuve par un élément ultime doué d’une réalité évidente, par un atome qu’au terme d’une analyse on tiendrait au bout du doigt et qui répondrait par sa réalité seule toutes les questions serait définitive. On aurait là une espèce d’analyse absolue qui échapperait à la réciprocité. Cette mé- thode aurait achevé la substitution des « comment » aux « pourquoi ». Et cependant on aurait ainsi oublié une question, dernier refuge du « pourquoi » [4] invincible : en effet, qui nous donnera la raison de la composition ? En méditant le problème, nous nous apercevrons que la raison qui entraîne la simple composition de deux atomes ne peut ré- sider entièrement dans la nature de chacun des deux atomes. Nous sommes alors en face de deux conclusions également nécessaires et cependant divergentes : d’une part, si l’élément composant pouvait accueillir tous les caractères du composé, on serait amené à conclure qu’en réalité il n’y a pas composition. C’est donc une explication toute verbale que celle qui part d’un atome trop riche. D’autre part, il est bien certain que les compositions les plus lâches, les plus simples, comme par exemple la juxtaposition ou le mélange, participent pour le moins à la puissance informatrice de l’espace. On voit bien dans ce cas que l’atome ne se suffit pas à soi-même, qu’on est obligé de lui attribuer un en dehors et que ses relations avec l’extérieur constituent une espèce de réalité de second ordre qui vient tôt ou tard enrichir des atomes qu’on avait cru pouvoir postuler d’une pauvreté extrême. Ain- si, comme nous en aurons maints exemples, ou bien l’atome est trop riche et le problème — pourtant réel — de la composition n’a pas de Gaston Bachelard, Les intuitions atomistiques. (Essai de classification). (1933) 12 sens ; ou bien l’atome est trop pauvre et la composition est incompré- hensible. Il est donc inutile de chercher une analyse absolue. Il faudra tou- jours juger l’analyse par la synthèse qu’elle favorise. De même une synthèse ne sera comprise comme telle que grâce à une analyse anté- cédente. C’est en unissant l’analyse et la synthèse que nous donnons à ces deux modes de pensée toute leur valeur. Si donc nous avons la chance de trouver sur un problème précis une réciprocité d’allures aussi exactement complémentaires que celle que remarque M. Brunschvicg au centre de l’explication atomistique, nous avons quelque assurance de tenir un rythme d’explication va- lable, à condition d’en réunir les deux aspects. [5] Nous tenons une filiation de pensées à la fois correcte et objective. L’objet n’est pas dans une direction plutôt que dans l’autre ou, pour mieux dire, l’objectivation ne se fera pas plutôt par analyse que par synthèse, car l’objectivation est produite par la gémination correcte et claire de l’analyse et de la synthèse. La parfaite réversibilité d’une telle expli- cation concilie les valeurs logiques et les valeurs empiriques de la connaissance ; elle représente, au sein de la connaissance expérimen- tale, le maximum d’homogénéité. Naturellement cette homogénéité est peu apparente dans les doc- trines de l’Antiquité et il est bien certain que M. Brunschvicg pouvait noter, entre Démocrite et Lucrèce, la divergence que manifestent des pensées simples dès qu’elles diffèrent. Avec les réserves que nous avons faites, ces deux premières formes de l’atomisme peuvent donc nous servir de signes pour classer de prime abord les aspects de notre problème. Nous allons caractériser d’un peu plus près ces deux direc- tions épistémologiques. II Quelle est d’abord uploads/Philosophie/ bachelard-gaston-intuitions-atomistiques-pdf.pdf
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- Publié le Aoû 30, 2021
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