DU BON USAGE DE LA STRUCTURE : DESCRIPTIVISME VERSUS NORMATIVISME Jocelyn Benoi

DU BON USAGE DE LA STRUCTURE : DESCRIPTIVISME VERSUS NORMATIVISME Jocelyn Benoist P.U.F. | Revue de métaphysique et de morale 2005/1 - n° 45 pages 41 à 56 ISSN 0035-1571 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-de-metaphysique-et-de-morale-2005-1-page-41.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Benoist Jocelyn, « Du bon usage de la structure : descriptivisme versus normativisme », Revue de métaphysique et de morale, 2005/1 n° 45, p. 41-56. DOI : 10.3917/rmm.051.0041 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour P.U.F.. © P.U.F.. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.90.205.189 - 26/02/2013 01h09. © P.U.F. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.90.205.189 - 26/02/2013 01h09. © P.U.F. Du bon usage de la structure : descriptivisme versus normativisme RÉSUMÉ. — L’auteur cherche d’abord à éclairer le concept de structure en mettant en évidence son origine – origine double du reste – dans le concept phénoménologique de l’a priori (analytique et synthétique), tel qu’il est repris par certaines ontologies analytiques contemporaines. Puis, il discute la nature de cette a prioricité de la struc- ture : est-elle normative ou ontologique ? Il tient pour nécessaire une approche purement ontologique et théorique des structures. ABSTRACT. — In the first place, the author tries to shed some light on the concept of structure by unveiling its origin and its being double-sided in the phenomenological concept of the a priori (analytic and synthetic) as it is taken back within some contem- porary Analytic ontologies. Then, he discusses the nature of the a prioricity of the structure : is it normative or ontological ? He upholds the necessity to have a mere ontological theoretical approach of structures. Il est temps, aujourd’hui, d’interroger le message proprement philosophique du structuralisme. Cela non par ce goût commémoratif qui est un des grands maux de notre époque, mais parce que le structuralisme n’a toujours pas reçu l’écho philosophique qu’il mérite, plus de quarante ans après ce qui fut son temps fort. Or, aujourd’hui, me semble-t-il, il peut irriguer la pensée philoso- phique et contribuer à la renouveler, en la faisant sortir d’alternatives qu’on commence à pressentir dépassées (comme celle, par exemple, entre phénomé- nologie et philosophie analytique). Le structuralisme fut un des mouvements culturels les plus variés et les plus transversaux du XXe siècle : il a traversé et fécondé, dans la deuxième moitié de ce XXe siècle, l’ensemble de ce qu’il est convenu de placer sous le nom de sciences humaines. Mais il s’est aussi illustré sur le terrain des sciences dites dures, tout au moins, massivement, de la mathématique, avec le bourbakisme, qui a quelque droit (au moins autant que lesdites sciences humaines) à revendiquer la paternité de la notion moderne de structure. En revanche, on peut douter que le structuralisme ait précisément trouvé sa philosophie. Des grands noms qui y sont associés, la plupart ne sont pas des noms de philosophes (Lévi-Strauss, Lacan), et ceux qui le sont ont entretenu Revue de Métaphysique et de Morale, No 1/2005 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.90.205.189 - 26/02/2013 01h09. © P.U.F. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.90.205.189 - 26/02/2013 01h09. © P.U.F. un rapport ambigu avec lui, ne l’invoquant que pour s’en distancier (Foucault), ou ne l’appliquant que dans un champ extrêmement déterminé, sans prétendre en faire la philosophie en général (Althusser). Si on cherche un philosophe qui ait réellement essayé d’esquisser quelque chose comme une telle philosophie, je ne trouverais, pour ma part, guère d’autre nom que celui de Gilles-Gaston Granger. Mais sa fama n’a jamais atteint celle des noms précédents, et le caractère apparemment « seulement » épistémologique de son propos en a mal- heureusement trop souvent limité la réception à des cercles spécialisés. Je vou- drais ici lui rendre hommage. Cette absence, ou quasi-absence, d’une philosophie « générale » du structura- lisme n’est certainement pas due à la seule contingence historique. Un des inté- rêts de la période structuraliste est sans aucun doute d’avoir mis la philosophie (en tout cas celle des philosophes qui le voulaient bien) au contact d’autres dis- cours, qui sont toujours des discours spécialisés et locaux : d’où, indiscutable- ment, un effet de morcellement et de technicisation. Mais cette porosité du dis- cours philosophique constituera aussi bien à nos yeux un acquis, faisant sortir la philosophie d’elle-même et la mettant à l’épreuve de cette fondamentale diversité des discours dont elle devrait toujours partir. Il n’est pas sûr, du reste, qu’il y ait sens à tenir un discours sur la « structure » en général comme objet abstrait, sauf à sombrer dans une assez mauvaise métaphysique – ce risque de chute ou de rechute métaphysique constituera un des axes de notre propos. Pour autant, la philosophie doit-elle renoncer à toute prétention théorique à dire la structure, à faire du fait qu’il y ait, en différents domaines, des structures, un objet ? Ce serait, nous semble-t-il, renoncer à sa tâche, qui est d’élucider ce que les autres discours, qui en font usage, laissent dans l’ombre. Un tel objectif nous paraît aujourd’hui accessible à la mesure de la reprise du débat sur ces questions (avec d’autres termes et sous d’autres formes, encore que certaines figures comme celle de Vincent Descombes les rapprochent expli- citement) dans la tradition dite analytique. Certaines tendances récentes de cette philosophie ont rouvert une interrogation de type tout à la fois ontologique et gnoséologique sur la notion de structure 1, dont on pourrait dire qu’en un sens, le structuralisme en tant que phénomène historique étant loin de nous, elle devient enfin possible. 1. Il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire, en contexte français, sur la reconversion d’un certain nombre des enfants du structuralisme (la génération des années 70) à la philosophie analytique pure et dure. Quelle que soit la polémique très dure menée par les hérauts de la philosophie analytique francophone contre un certain structuralisme (bien en peine de leur répondre, puisque les principaux protagonistes sont morts), de fait des pans entiers de cette philosophie analytique (Sperber, Récanati) ont joué, en France, le rôle de canot de sauvetage des ambitions théoriques du structuralisme. 42 Jocelyn Benoist Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.90.205.189 - 26/02/2013 01h09. © P.U.F. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 24.90.205.189 - 26/02/2013 01h09. © P.U.F. Nous essaierons donc ici de cerner la notion de structure, avec les moyens que peuvent nous offrir aujourd’hui des pensées qui ont pour particularité de se situer au confluent des traditions analytique et phénoménologique – parce qu’elles reviennent au point où l’une et l’autre, à l’origine, se confondaient dans un style de réflexion et d’argumentation commun. Mais, par là, nous serons inévitablement conduit à nous interroger sur le statut desdites structures, le moindre intérêt de l’existence (discrète, et pour ainsi dire dissimulée à elle-même) d’un certain type de néo-structuralisme ana- lytique n’étant pas d’en avoir, dans la confrontation alors inévitable avec d’autres tendances de la philosophie analytique, relancé la question. Il ne suffit pas de définir approximativement les structures – il faut être conscient de ce qu’elles signifient, de leur niveau propre de fonctionnement, ontologique ou non. De ce point de vue, l’angle d’attaque qui consiste à poser la question des structures dans leur rapport à des normes, ou leur éventuel statut de normes même, nous paraît tout à fait opportun. Il nous installe au cœur du débat contemporain. L’invasion de la philosophie contemporaine, d’un côté et de l’autre de l’Atlan- tique, par des problématiques de type normativiste n’a rien, pour notre part, qui puisse nous ravir : elle nous paraît au contraire constituer un des traits consti- tutifs du caractère profondément idéologique du paysage philosophique de notre temps, et un obstacle au développement des recherches qui aujourd’hui s’impo- seraient, qui sont des recherches purement théoriques. Mais précisément, le caractère normatif ou non de la structure, n’est-ce pas une question qui mérite qu’on s’y arrête ? Elle constitue à vrai dire, compte tenu du poids des problématiques normativistes dans la pensée contempo- raine, un enjeu décisif pour qui veut interroger le rôle et le statut de la structure aujourd’hui. Et on ne s’étonnera pas, par là même, qu’elle soit aussi au centre du débat qui peut renaître quant à cette notion de structure dans un contexte anglophone particulièrement marqué par un certain type de normati- visme, qui commence à trouver ses relais aujourd’hui dans l’espace franco- phone. Dans le contexte d’ensemble de ces débats contemporains, la question du caractère normatif ou non de la structure apparaît bien comme une voie uploads/Philosophie/ benoist-descriptivisme-et-normativisme.pdf

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