Revue Romane, Bind 10 (1975) 2 Car, parce que, puisque par Le groupe l-1 1 Intr
Revue Romane, Bind 10 (1975) 2 Car, parce que, puisque par Le groupe l-1 1 Introduction Les pages qui suivent sont consacrées à l'étude de trois conjonctions, car, puisque, parce que, utilisées toutes les trois dans le raisonnement, et qui marquent, d'une façon générale, qu'il y a un lien nécessaire entre une proposition et une autre proposition. Bien qu'il y ait, entre elles, de nombreux recouvrements, nous pensons qu'elles ont des fonctions fondamentalement différentes, et qu'il peut être utile de faire reconnaître aux élèves ces fonctions (en entendant par là que cela peut être utile à la fois pour la formation de l'intelligence et pour la compréhension des textes). Notre démarche est la suivante. Nous commençons par une étude syntaxiquedes trois conjonctions, qui fait apparaître entre elles de considérables différences. Le résultat principal de cette première section est que, du point de vue syntaxique, car et puisque sont beaucoup plus Tune de l'autre que de parce que (conclusion qui s'oppose à la classification traditionnelleen conjonctions de subordination et de coordination). La deuxième partie du travail - la plus longue - est consacrée à la description sémantique des trois conjonctions, étudiées l'une après l'autre: nous essayons par là d'apporter une explication, au moins partielle, des phénomènes syntaxiques. Dans cette description, nous utilisons deux concepts théoriques, qui seront expliqués au moment où ils seront mis en œuvre. D'abord le concept d'«acte de parole», emprunté à la «philosophie analytique» anglaise: nous montronsque le locuteur «fait autre chose» lorsqu'il emploie parce que, car ou 1: Le groupe X-\ («Logique et langage») rassemblait à l'intérieur de l'lnstitut National de Recherches et de Documentation Pédagogiques (1.N.R.D.P.), des professeurs de français et de mathématiques réfléchissant sur les rapports possibles entre l'enseignement de la langue et celui de la pensée logique. Le présent article, issu du travail collectif, a été rédigé par un sous- groupe comprenant M. C. Barbault, O. Ducrot, J. Dufour, J. Espagnon, C. Israel, D. Manesse. Le groupe a été dissout en 1974. Side 249 puisque, en ce sens qu'il établit dans chaque cas, avec son auditeur, des rapports d'un type spécifique. Le second concept est celui de «statut assertif». Il désigne l'attitude intellectuelle du locuteur, et celle qu'il prête à l'auditeur, à l'égard des propositions reliées par car, puisque, parce que. Les tient-il pour vraies? Fait-il comme si le locuteur les admettait déjà? Prétend-il les lui annoncer ?..., etc. De ce point de vue aussi, les trois conjonctions sont très différentes l'une de l'autre. Nous serions très reconnaissants aux lecteurs qui voudraient bien nous communiquer leurs observations (critiques, compléments, suggestions) à propos de cet article. Nous aimerions notamment qu'ils nous signalent des emplois réels des trois conjonctions étudiées (exemples tirés de textes littéraires, de manuels, de conversations, de copies d'élèves) où notre description se révèle soit éclairante, soit impossible à appliquer. Application des critères syntaxiques aux conjonctions car, parce que, puisque I. Examen des critères qui opposent car à parce que et puisque: Ils sont, apparemment, au nombre de trois : A. Alors que parce que et puisque peuvent se trouver en début d'énoncé, car a toujours besoin d'un avant-texte : Puisque tu me le dis, je le crois. Parce qu'il a eu son bac du premier coup, il se croit un génie. Mais on ne dit pas *Car il fait beau, je vais sortir. S'il arrive qu'on trouve car après un point, ou même en début de paragraphe, cela ne contredit pas l'affirmation précédente, p existe toujours dans le texte précédent car q. B. Parce que et puisque peuvent se combiner sans difficulté avec et. Car ne le fait pas. C. Parce que et puisque sont normalement repris, si besoin est, par que; car ne l'est pas. Remarques: De ces trois critères, seul le premier est convaincant. Effectivement, l'ordre «car q, p» est absolument impossible. Aucune faute n'est commise sur ce point, quel que soit le registre de langue employé. Mais on peut se demander si la règle qui interdit le cumul et car, ainsi que la reprise de car par que traduit une réelle contrainte linguistique ou si Side 250 elle n'est pas une simple conséquence tirée abusivement par les grammairiens de leur propre classification: «Si car est une conjonction de coordination, alors on ne peut pas la faire précéder d'une autre conjonction de même nature et on ne peut pas non plus la reprendre par que qui est une conjonctionde Or que se passe-t-il dans la réalité de la langue? Je préfère la mobylette, car ça revient moins cher que de prendre le bus matin et soir, et que ça ne consomme pas beaucoup. J'aime beaucoup ce livre, car il est passionnant, et que les histoires sont à la fois mystérieuses et très différentes les unes des autres. La plupart des locuteurs de moins de 25 ans n'y ressentent aucune gêne. Et bien des locuteurs «cultivés», tout en répugnant eux-mêmes à dire et à écrire de telles phrases, reconnaissent qu'ils ne voient pas comment on pourrait exprimer autrement deux justifications successives à un même énoncé. On peut donc s'interroger sur le bien-fondé de la règle qui condamne la reprise de car par que. Son caractère artificiel s'expliquerait, en revanche, si l'on constatait que la classification de car dans les conjonctions de coordination est le résultat d'un examen très superficiel et incomplet de ses propriétés. Le fait qu'il ne peut commencer un énoncé ne serait alors qu'une propriété secondaire, découlant d'une autre plus fondamentale, qui serait la nature de l'acte d'énonciation accompli en disant p car q^ Si cet acte est, comme nous le verrons, une justification d'énonciation, il devient tout naturel que le locuteur commence par énoncer ce qu'il a à dire, et ne se soucie qu'ensuite d'apporter une justification à ce qu'il a dit. 11. En revanche plusieurs critères syntaxiques importants font apparaître une similitude intéressante de fonctionnement entre car et puisque par opposition à parce que: A. Les propositions introduites par car et puisque: -ne peuvent répondre àla question pourquoil} On ne dit pas: * Pourquoi le triangle ABC est-il rectangle? Puisqu'il a un angle droit. * Pourquoi est-il parti? Car il était fatigué. - ne peuvent être extraposées, ni mises en question. On ne dit pas: * C'est car il a trop mangé qu'il est malade . * C'est puisqu'il a un angle droit que le triangle ABC est rectangle. Side 251 * Est-ce puisqu'il est malade qu'il ne peut pas sortir? * Est-ce car sa voiture est en bas qu'il est là ? - ne peuvent être modifiées par un adverbe : * II est sorti, simplement car le médecin le lui avait dit. * II ne peut pas parler, probablement puisqu'on l'a bâillonné. Les propositions introduites par parce que, en revanche, admettent toutes ces situations : Pourquoi le triangle ABC est-il rectangle? Parce qu'il a un angle droit. C'est parce qu'il a trop mangé qu'il est malade. Est-ce parce qu'il est malade qu'il ne peut pas sortir? Il ne peut pas parler, probablement parce qu'on Ta bâillonné. B. D'autre part les groupes (p car q) et (p puisque q) ne peuvent, sans éclater sémantiquement, ni être soumis à une négation, ni être mis en question, ni se prêter à l'enchâssement (c'est à dire devenir, en bloc, la subordonnée d'une autre proposition), ni entrer dans le champ d'un quantificateur. a) Si on applique aux phrases: II viendra demain, puisqu'il l'a promis. Il est sorti, car il est 10 heures. la transformation négative ou interrogative, on obtient: II ne viendra pas, puisqu'il l'a promis. Il n'est pas sorti, car il est 10 heures. Est-ce qu'il viendra? puisqu'il l'a promis. Est-ce qu'il est sorti? car il est 10 heures. Phrases dans lesquelles ce qui est nié, ou mis en question, c'est seulement la première proposition, celle que nous appelons p, et non le bloc {p car q) ou {p puisque q). En désignant par «//» les transformations interrogatives ou négatives de />, on a: p' car q p' puisque q Side 252 b) Si on essaye de transformer les phrases : II était parti, car sa voiture n'était pas là. Il est là, car sa voiture est en bas. en subordonnées d'une autre proposition, on obtient par exemple : J'ai compris qu'il était parti, car sa voiture n'était pas là. Je suis sûr qu'il est là, puisque sa voiture est en bas. Phrases dans lesquelles on a seulement enchâssé p et non (p car q) ni (p puisque q). C'est-à- dire que les membres de phrase introduits par car et puisque sont sentis comme l'explication ou la justification de J'ai compris que p et de Je suis sûr que p et non plus de il était parti ou de il est là. Si nous appelons «p' », la proposition principale suivie de p, on a à nouveau : p' car g, p' puisque q. c) Si l'on introduit un quantificateur au début de phrases comme: Les clients viendront, puisqu'il fait beau. Les clients viendront, car il fait beau. on obtient: Peu de clients viendront, puisqu'il fait beau. Beaucoup de uploads/Philosophie/ car-parce-que-puisque.pdf
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- Publié le Apv 27, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
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