ECOLE DES HAUTES ETUDES EN SCIENCES SOCIALES RENCONTRE AUTOUR DES IDEES MERES D

ECOLE DES HAUTES ETUDES EN SCIENCES SOCIALES RENCONTRE AUTOUR DES IDEES MERES DE CORNELIUS CASTORIADIS « PENSER LA CREATION HUMAINE, AGIR VERS L’AUTONOMIE » Cornelius Castoriadis et la question des significations du langage : de la logique identitaire à la logique des magmas.1 Dans le champ logique, lorsqu’il ne s’agit pas simplement d’une « logique générale », c’est-à-dire, d’un ensemble de règles d’usage correct de l’entendement, mais d’une certaine décision ontologique à partir de laquelle on constitue la région de l’être et, en même temps, on décide ce qui épuise l’être et ce qui n’est que reste, accident, illusion ou erreur, imitation déficiente ou matière amorphe, considérer que l'être est quelque chose de déterminé, implique une position initiale "sur ce qui est et le mode d'être de ce qui est". Le « magma » est présenté donc comme une catégorie posée pour penser des objets qui échappent à la logique de la détermination, à l’ensemblisation mathématique, à la formalisation de la pensée: l’inconscient, les significations imaginaires sociales, le champ cosmique et les particules élémentaires d’entre autres. Il faut remarquer cependant que la « logique des magmas » ne doit pas être identifiée avec une logique de ce qui est absolument indéterminé, mais de ce qui est possible d’être déterminé, mais où il insiste toujours un « surplus » d’indétermination. À ce point, Castoriadis reprend la question des significations dans le langage, sujet qu’il avait travaillé dans le Chapitre V de L’institution imaginaire de la société. Quand on parle de « langage », il est inévitable de faire référence aux études développées sur ce problème réalisées à partir de la fondation de la Linguistique en tant que science par Ferdinand de Saussure et par ailleurs aux études logico-linguistiques de la philosophie contemporaine. Du point de vue saussurien, le langage comporte un « système de signes » où il est possible d’apercevoir deux dimensions: la dimension sociale de la « langue » et la dimension individuelle de la « parole ». Saussure définit la langue comme un « système de signes exprimant des idées » (Cours de Linguistique générale, 1916), qui résulte indépendant de son utilisation concrète. La parole est ainsi la langue « telle qu’elle est utilisée dans le discours ». La langue constitue le code devant lequel la parole donne naissance à une multitude de variations individuelles et locales qui font évoluer la langue 1 Ce texte, un peu modifiée, fait partie du premier chapitre de la Thèse Doctorale en cours « Cornelius Castoriadis et la question de la temporalité dans le domaine social-historique : de la logique de l’identité à la logique de l’altérité », dans l’EHESS, Paris, France . 1 « diachroniquement », c’est-à-dire à travers le temps. Cependant, le structuralisme linguistique professé par Saussure oblige de traiter privilégiement la langue dans son fonctionnement « ici et maintenant ». "La langue est un système dont toutes les parties peuvent et doivent être considérées dans leur solidarité synchronique" (Ferdinand de Saussure, CLG, p.124). De cette manière, la langue en tant qu’ « objet de la Linguistique » est assimilée à un « ensemble » ou à un « système », des notions qui renvoient tout d’abord à celles de « combinatoire » ou d’ « articulation d’éléments premiers », dont la Linguistique devient l’étude des rapports qui font possibles ces articulations ou combinaisons d’éléments. Il faut remarquer que la langue saussurienne a tous les caractères de ce que nous appelons une « institution sociale ». Elle existe « dans la collectivité sous la forme d'une somme d'empreintes déposées dans chaque cerveau, à peu près comme un dictionnaire dont tous les exemplaires, identiques, seraient répartis entre les individus"(Idem). La langue est donc un produit social issu de la faculté de langage exercée par une communauté humaine et un ensemble de conventions nécessaires, adoptées par le corps social pour permettre l'exercice de cette faculté chez les individus. Tandis que la parole est un acte individuel de volonté et d'intelligence, dans lequel il convient de distinguer les combinaisons par lesquelles le sujet parlant utilise le code de la langue en vue d'exprimer sa pensée personnelle et le mécanisme psycho-physique qui lui permet d'extérioriser ces combinaisons, la langue "n'est pas une fonction du sujet parlant, elle est le produit que l'individu enregistre passivement” (Idem). Cette approche consistant à écarter le sujet parlant pour délimiter un « objet scientifique valable » constitue un problème important pour l'ensemble des études sur le langage, lorsque la primauté des éléments purement formels recouvre les phénomènes du « sens » liés à l’usage effectif des règles du langage dans la communauté effectivement parlante. Quel que soit le point de vue adopté, le sujet parlant intervient toujours à un niveau ou à un autre, on retrouve toujours l’empreinte du sujet parlant au coeur des mécanismes linguistiques. On peut dire que l’étude de la « dimension sociale » des institutions quelques ce soient, n’épuise pas la connaissance de ces régions d’objets. La notion de « signe » linguistique, définie comme "une entité psychique à deux faces, l'image acoustique et le concept, deux éléments intimement unis qui s'appellent l'un l'autre", où l’image acoustique prend le nom de « signifiant » et le concept celui de « signifié », est liée à la notion de « valeur » qui renforce l’idée que la langue est, avant tout, un « système ». La valeur résulte donc de la place du signe dans un réseau de relations de type binaire. Tous les signes sont solidaires et la valeur de chaque signe, son signifié, est un point de contact avec l'ensemble du système de la langue organisé en réseau d'oppositions. "Dans la langue, il n'y a que des différences ”; ce qui signifie que le langage est ce double jeu de différences où les sons se délimitent par des oppositions pertinentes au sein d’une langue 2 2 Ainsi, le “p” français se définit comme “consonne sourde” dans la mesure qu’il s’oppose à la consonne sonore que représente le phonème “b”. De cette façon, « pas » et « bas » sont des mots différents. 2 et les sens se délimitent aussi par leurs oppositions. C’est ainsi que le mot « enseignement » prend son sens des oppositions qui circonscrivent son « champ sémantique » à l’intérieur duquel il existe des mots ( « apprentissage », « éducation », « instruction ») dont les sens sont voisins, mais différents. La valeur de n'importe quel terme est donc déterminé par ce qui l'entoure. Un système linguistique devient « une série de différences de sons combinés avec une série de différences d'idées »; les diverses articulations des tableaux d’oppositions n’épuisent point le domaine des significations opérantes dans la vie concrète d’un langage. Le mot ne peut être qu’en ayant un certain sens et, à la fois, comme expression de tout sens possible. La signification reprend et reproduit, à son propre niveau, à la fois le cela, et le renvoi virtuellement total qui sont ceux de la chose, de n’importe quelle chose. Je n’aurais pas de langage, si chaque fois le mot pouvait me renvoyer n’importe où et de n’importe quelle façon; mais pas davantage, si chaque fois les renvois possibles qui appartiennent à la signification et auxquels la signification tout autant appartient, étaient rigoureusement circonscrits et définissables. Parce que la langue est précisément toute autre chose que système sémiotique, parce que le renvoi dans la langue est virtuellement total, il lui suffirait d’un unique point de contact avec le monde pour être prise dans la transgression généralisée et non chaotique qui le fait être et donc pour pouvoir le dire (Cornelius Castoriadis, « Le dicible et l’indicible », Carrefours I, p. 172). Conformément aux études saussuriennes, la langue est définie comme un système de différences et d’oppositions dont on pourrait reconstruire, moyennant des artefacts épistémologiques, les structures formelles. À propos du rapport entre « langue » et « société », on peut encore observer que la conceptualisation saussurienne des faits du langage, est réalisée de façon absolument intrinsèque et ne fait intervenir la société que de l’extérieur du modèle, sous la forme d’une « force » qui la modifie sans altérer ses caractéristiques formelles. La langue, partie sociale d’un langage, « n'existe qu'en vertu d'une sorte de contrat passé entre les membres de la communauté" et ce contrat doit nécessairement servir dans le temps pour exprimer l'évolution des sociétés dans tous les domaines de l'activité humaine. Plus qu’une « institution sociale » par elle-même, au sens emprunté de Castoriadis, le langage apparaît comme l’« expression » des « facultés humaines ». D’un autre point de vue, les études saussuriennes sont reformulées par la Grammaire générative chomskyenne, datant des années 1960 seulement. Chomsky distingue entre « compétence », la capacité ou « le savoir linguistique » implicite des sujets parlants qui leur permettent de comprendre le langage partagé par une communauté, et la « performance » ou capacité d’émettre une infinité des phrases différentes à partir de la connaissance des règles du langage. Sur l’observation de base suivante: Tout uploads/Philosophie/ castoriadis-et-le-langage.pdf

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