! B. SCHWISCHAY, Syntaxe du français (hiver 2001/02) Dernière mise à jour : 03-

! B. SCHWISCHAY, Syntaxe du français (hiver 2001/02) Dernière mise à jour : 03-03-02 Les champs sémantiques Par champ sémantique, on entend généralement un ensemble de termes (mots ou expressions) que recouvre tel ou tel concept. Par exemple, on dit que les mots pou, puce, punaise et tique (n. f.) appartiennent au champ sémantique des « parasites corporels [ou extérieurs] de l’homme ».1 Plus exactement, le champ sémantique est un système clos défini comme l’association d’un champ lexical et d’un champ conceptuel2 ; dans la mesure où le champ conceptuel peut être nommé par un mot (plutôt que par une paraphrase), le champ sémantique est l’association d’un ensemble de termes spécifiques et d’un terme générique3. Par exemple, pour nommer le champ conceptuel « parasite corporel de l’homme », le lexique du français dispose du mot vermine4. Le champ conceptuel correspond encore à l’archisémème de l’analyse sémique ; sa réalisation lexicale (le terme générique), à l’archilexème ; et les termes du champ lexical, aux lexèmes. Le tableau suivant illustre les équivalences terminologiques. champ sémantique champ lexical champ conceptuel lexèmes archilexème archisémème termes spécifiques terme générique pou, puce, punaise, tique vermine « parasite corporel de l’homme » Dans l’élaboration d’un champ sémantique, il convient de distinguer deux étapes : — la constitution du champ sémantique, et — sa description. A. Constitution du champ sémantique En vue de la constitution d’un champ sémantique, il faut d’abord délimiter le champ conceptuel, et ensuite faire la collecte des termes du champ lexical. Comme exemple, on prendra l’exemple du champ sémantique des « sièges », avec pour éléments du champ lexical des termes comme chaise, fauteuil, etc.5 1 Voir Le Petit Robert (PR), à l’article « parasite ». 2 Cf. GARDES-TAMINE, La Grammaire 1, p. 102 (qui emploie « notionnel » à la place de « conceptuel ») ; MOUNIN, Dictionnaire de linguistique, P.U.F.,1974 (rééd. 1993) : « Le champ lexical pour les signifiants et le champ conceptuel pour leur dénotation sont les deux faces du champ sémantique. ») ; et MOUNIN, Clefs pour la sémantique, p. 59-60. 3 Ainsi, le champ sémantique est appelé « champ générique » par PICOCHE et RÉMI-GIRAUD. 4 À la différence de l’allemand : le mot Ungeziefer, donné généralement comme équivalent de vermine, a un sens plus étendu (il désigne toutes sortes de bestioles nuisibles à l’homme, même les rats et les souris, cf. par ex. DUDEN Deutsches Universalwörterbuch). 5 On consultera également la célèbre analyse sémique de l’ensemble pouf, tabouret, chaise, fauteuil, canapé par B. POTHIER, dans Recherches sur l'analyse sémantique, p. 11-18. 2 1. Délimitation du champ conceptuel Dans la mesure où le champ conceptuel connaît une réalisation lexicale, on partira de la définition, relevée dans le dictionnaire6, du terme générique, en tenant compte du problème que soulève la polysémie du terme générique. Dans le PR, c’est la définition III., 1° de siège qui exprime le champ conceptuel, à l’exclusion de toutes les autres définitions : siège […] n. m. I♦ 1♦ Lieu où se trouve la résidence principale (d'une autorité, d'une société). 2♦ Littér. Centre d'action, lieu où réside la cause (d'un phénomène). II♦ (XIIIe) Lieu où s'établit une armée, pour investir une place forte; ensemble des opérations menées pour prendre une place forte. III♦ 1♦ (fin XIIe) Objet fabriqué, meuble disposé pour qu'on puisse s'y asseoir. 2♦ Dr. Place où se tient assis un magistrat. ◊ Place, fonction de député, ou place honorifique à pourvoir par élection. 3♦ Dignité d'évêque, de pontife (symbolisée par le siège qu'occupe le prélat). IV♦ (1538) Partie du corps humain sur laquelle on s'assied (dans quelques expr.). Il s’agit ensuite d’analyser cette définition en sèmes ou traits définitoires, et de ne faire entrer dans le champ lexical que les mots et expressions spécifiés positivement pour l’ensemble des traits définitoires du terme générique. Dans ce but, nous décomposons la définition III., 1° de siège en trois traits définitoires : {/objet fabriqué/, /meuble/ /disposé pour qu’on puisse s’y asseoir/} – voire quatre : {/objet fabriqué/, /meuble/, /on peut s’y asseoir/, /disposé pour cet usage/} Soient maintenant les mots lit et caisse comme termes supposés faire partie du champ des « sièges ». Tous les trois désignent des objets fabriqués sur lesquels on peut s’asseoir, mais déjà, une caisse n’est pas un meuble, et ni le lit ni la caisse ne sont disposés pour cet usage : le lit est « destiné au coucher », et la caisse « (sert) à l’emballage, au transport des marchandises »7. Seul chaise est spécifié positivement pour chacun des traits définitoires de siège8, et, par conséquent, entre dans le champ des « sièges » : /objet fabriqué/ /meuble/ /on peut s’y asseoir/ /disposé pour cet usage/ Chaise + + + + Lit + + + – Caisse + – + – REMARQUES. – 1° Dans la mesure où la définition est du type par genre prochain et différence spécifique, elle mentionne généralement le terme conceptuel et ne reprend pas ses traits définitoires, cf. Chaise. 1° « Siège à pieds, à dos... » Chauffeuse. « Chaise basse… » 6 En général, c’est la version électronique du Nouveau PETIT ROBERT, qui nous servira de référence. 7 lit n. m. I♦ 1♦ Meuble destiné au coucher. – caisse n. f. I♦ 1♦ Grande boîte ou coffre rigide (de bois, de métal) servant à l'emballage, au transport des marchandises. 8 De façon triviale, puisque la définition emploie siège comme terme générique. 3 2° Souvent, ce sont des synonymes ou des quasi-synonymes du terme conceptuel qui sont employés pour la définition. Par exemple, les termes du champ « articuler mal » ne se définissent que rarement à l’aide de ces termes, le plus souvent, ce sont des mots « analogues » qui sont employés, comme parler, prononcer, émettre ; avec hésitation, de manière confuse/indistincte : Balbutier. « Articuler avec hésitation […] » Bredouille.r « Parler, prononcer (des paroles) de manière confuse » Mâchonner. « Émettre d'une manière indistincte » Pour bégayer, c’est dans « trouble de la parole », en passant par bégaiement, qu’il faut chercher l’équivalent pour « articuler mal » : Bégayer. « Être affecté d'un bégaiement » ; bégaiement « Trouble de la parole […] »9 3° Le fait qu’un terme se trouve à côté d’un terme reconnu comme appartenant au champ donné, ne signifie pas pour autant qu’il en fait partie lui aussi. Ainsi, il n’est pas évident qu’il faudra inclure, au champ des sièges, les locutions chaise électrique et chaise à porteurs qui pourtant se trouvent à l’article chaise : 4♦ […] CHAISE ÉLECTRIQUE : siège électrifié pour l'électrocution des condamnés à mort […] II♦ Par anal. 1♦ […] Anciennt CHAISE À PORTEURS : véhicule composé d'un habitacle muni d'une chaise et d'une porte, dans lequel on se faisait porter par deux hommes au moyen de bâtons assujettis sur les côtés. Pour chaise à porteur la réponse est non – par sa définition même, ce n’est pas un siège, mais un véhicule ; pour chaise électrique, c’est moins clair : bien que la définition donne siège comme genre prochain, un peut en douter que sa véritable fonction soit qu’on puisse s’y asseoir… 2. Collecte des termes du champ lexical Comme règle générale, on ne retiendra que les mots qui appartiennent à la même classe de mots que le terme générique ; c’est d’ailleurs ce qui distingue le champ sémantique du champ associatif, qui rassemble des mots de différentes classes de mots. Pour la collecte des termes du champ lexical, on se servira de nouveau du dictionnaire. On partira du terme générique désignant le champ conceptuel, et on recherchera les termes du champ lexical parmi 1° les renvois analogiques, et 2° les éléments de la définition, sans oublier 3° les locutions. a. Les renvois analogiques Les renvois analogiques sont présentés en caractères gras et précédés du symbole ⇒ (dans la version électronique) ou du signe V. (dans la version papier). Certains mots renvoient à « des mots de même catégorie, susceptibles d’être remplacés l’un par l’autre dans des phrases de sens voisin ou analogue » ; d’autres, des « mots-centres, autour desquels s’organise tout un vocabulaire, renvoient à l’essentiel d’un ‘champ sémantique’» 10, comme c’est le cas des renvois qui suivent la définition III., 1° de siège : siège n. m. […] III♦ 1♦ (fin XIIe) Objet fabriqué, meuble disposé pour qu'on puisse s'y asseoir. ⇒ banc, banquette, bergère, canapé, chaise, chauffeuse, divan, escabeau, fauteuil, pliant, 2. pouf, stalle, strapontin, tabouret, trépied, trône. […] 9 Ces définitions sont prises du Petit LAROUSSE. 10 A. REY, Présentation du dictionnaire, p. XVI (« La méthode analogique »). 4 Ensuite, on effectuera la même procédure à l’article de chaque renvoi, ce qui permet de collecter de nouveaux termes du champ lexical. Ainsi, à canapé, on sera renvoyé à méridienne, ottomane, sofa, et aussi à causeuse, tête-à-tête – tous des mots qui ne se trouvent pas sous siège. En même temps; cela suggère une structuration du macro-système en plusieurs micro-systèmes. b. Les éléments de la définition Parfois, la définition contient elle-même des termes uploads/Philosophie/ champs-semantiques-pdf.pdf

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