1 Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique U.F.R.

1 Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique U.F.R. Sciences de l’Homme et de la Société Département de Philosophie HEGEL LA PHILOSOPHIE COMME SYSTEME (Cours Licence 3) Cours du Prof. EZOUA C. Thierry Armand 2 Pénétrer la pensée de Hegel, c’est aussi entrer dans le cours d’une vie, qui a vu cette pensée se développer, et s’organiser. Cependant, nous parlerons peu, dans ce travail, de l’histoire empirique de Georg Wilhelm Friedrich Hegel. Comme l’écrit d’ailleurs François Châtelet, « en ce qui concerne Hegel (…) l’essentiel est déposé, non dans les motivations personnelles, mais dans les textes. C’est le discours et, plus précisément, les écrits, qui demeurent et qu’il y a à comprendre comme moments décisifs de la culture »1. Toutefois, il importe de noter que Hegel est né le 27 août 1770 à Stuttgart de parents chrétiens et qu’il fréquenta le Séminaire de Tübingen2. « C’est de façon tout à fait soudaine, sans que personne s’y attendît, que Hegel mourut (…) le 14 novembre 1831, à 5 heures et quart de l’après-midi, dans son appartement du Kupfergraben, d’un choléra se manifestant sous sa forme la plus virulente »3. Chez Hegel, en tant que discours de la totalité, la philosophie est en son essence systématique. La systématicité du philosopher hégélien ne saurait être un nouveau formalisme logique qui s’applique à n’importe quelle représentation. Au contraire, elle est intelligence, au sens latin du terme intus legere, c’est-à-dire lecture de l’intérieur, du dedans, démarche qui nécessite « qu’on s’abandonne à la vie de l’objet, ou ce qui signifie la même chose qu’on ait présente et qu’on exprime la nécessité intérieure de cet objet »4. Selon le mot du Père Labarrière, « le système désigne le nécessaire effort de cohérence qui consiste à lier ensemble les éléments dispersés du vécu ».5 Sans un tel effort de cohérence, il ne saurait y avoir de philosophie. Dans la Phénoménologie, Hegel écrit ceci : « C’est seulement comme science, ou comme système que le savoir est effectivement réel, et c’est seulement ainsi qu’il peut être présenté ».6 Hegel veut rapprocher la philosophie de la forme de la science7 : « La vraie figure dans laquelle la vérité existe ne peut être que le système scientifique de cette vérité. Collaborer à cette tâche, rapprocher la philosophie de la forme de la science – ce but atteint elle pourra déposer son nom d’amour du savoir pour être savoir effectivement réel – c’est là ce que je me suis proposé. La nécessité intérieure que le 1 CHATELET (François).– Hegel, (Paris, Seuil, 1965), pp. 6-7. 2 Le Stift de Tübingen était un établissement dépendant de l’Eglise d’Etat, et il n’avait d’autre ambition que d’être un lieu de formation pour les séminaristes, qui devaient devenir les serviteurs patentés de la Parole. C’était la voie que le père de Hegel, le secrétaire à la Chambre des finances du duché, rêvait de voir suivre par son fils aîné. 3 ROSENKRANZ (Karl).– Op. Cit., p. 629. 4 HEGEL.– Phénoménologie, Tome 1, p. 47. 5 LABARRIÈRE (Pierre Jean).– Introduction à une lecture de la Phénoménologie de l’Esprit de Hegel (Paris, Aubier, 1979), p. 31, note 2. 6 HEGEL.– Op. Cit., Tome 1, p. 22. 7 HEGEL.– Op. Cit., Tome 1, p. 8. 3 savoir soit science réside dans sa nature, et l’explication satisfaisante de ce point ne fait qu’un avec la présentation de la philosophie même ». La science désigne le savoir organisé et organisé comme s’organisant soi-même en une cohérence intrinsèque. La philosophie est le savoir pour autant qu’il enchaîne en nécessité ses propres moments. De cette façon, le savoir philosophique saisit le concept de lui-même et se trouve dans la conséquence avec soi. Ce qui permet à Hegel de dire ceci : « La philosophie non systématique est une pensée contingente, fragmentaire et c’est justement la conséquence avec soi qui est l’âme formelle pour le contenu vrai ».8 Une question essentielle, à ce niveau de notre propos, semble être celle-ci : Par quoi donc doit se faire le commencement de la science ? En nous posant cette question, nous n’innovons pas, parce que Hegel avait déjà posé cette question sur laquelle s’ouvre le premier livre de la Logique en ces termes : par quoi la science doit-elle commencer ? A cette interrogation, Hegel répond en disant ceci : « Le commencement de la science absolue doit être lui-même commencement absolu, il ne peut (darf) rien présupposer ».9 Par-là l’on remarque que chez Hegel, le commencement est de nature spéculative. La Logique du Tout, en effet, a pour point de départ l’Etre pur, lequel est immédiateté simple. Pourtant, par cette immédiateté simple quelque chose peut commencer. L’immédiateté simple de l’Etre est l’immédiateté comme identité de l’identique et du non-identique. En lui-même, l’Etre pur est être et non-être. De cette façon le commencement est le résultat. Cette proposition est spéculative et en tant que telle, elle est réflexive et peut s’inverser. L’on pourrait alors dire que le résultat est le commencement. Le commencement n’est pas un immédiat absolu, en soi il est résultat, comme pour dire que c’est du résultat que le commencement résulte ; c’est à partir d’un résultat que le commencement lui- même commence. Vers la fin de son texte sur le commencement, Hegel écrit : « Ce qui donc, dans les formes plus riches de l’absolu ou Dieu, doit être énoncé ou contenu à propos de l’être, cela, dans le commencement, n’est qu’un mot vide, cela n’est qu’être ; ce simple, qui n’a par ailleurs aucune détermination ultérieure, ce vide, est donc le commencement absolu de la philosophie ».10 Nous voyons par-là que le commencement absolu de la science doit être l’Absolu lui-même ou si l’on veut Dieu. Dans cette perspective, la science est théo-logie, ce qui veut dire discours de Dieu, science de Dieu. 8 HEGEL.– Textes Pédagogiques, (Paris, Vrin, 1978), Traduction Bernard Bourgeois, p. 142. 9 HEGEL.– Logique, Tome 1, Premier Livre, "L’Etre", p. 40. 10 HEGEL.– Op. Cit., Tome 1, Premier Livre, "L’Etre", p. 52. 4 Par théologie l’on a coutume d’entendre le discours sur Dieu. Le mot théologie a, en effet, une histoire dont il convient ici de rappeler brièvement les débuts. Platon et Aristote ont été les premiers créateurs du concept de theologia. Chez Platon, la théologie nous ramène à une mauvaise théologie tandis que chez Aristote l’on a affaire à un discours qui se veut scientifique. Bien avant les philosophes grecs, les poètes avaient tenté de raconter la généalogie des dieux. On rencontre également, avant les philosophes, un discours qui nous rapporte les mœurs des dieux c’est-à- dire un discours qui rapporte leur vie de bienheureux immortels. Aristote appelle ces poètes les premiers théologiens.11 L’idée de "premier" ici montre que ces poètes ont été les premiers, les pionniers dans la recherche de l’objet divin, lequel objet était resté jusque-là dans le domaine des croyances. La théologie des poètes va alimenter les croyances populaires et vice-versa. A côté de ces premiers théologiens – les poètes – il en existe d’autres, ceux que l’on appellera les physiciens ou physiologues. Cela nous permet de dire que chez les philosophes grecs, plusieurs discours peuvent être appelés de ce nom de théologie. Mais il est à remarquer qu’il y a une différence fondamentale entre celle des poètes et des physiologues. Les premiers parlent des dieux à travers le mythe quand les seconds, eux, recherchent les premières causes dans la physis. Ainsi ils en arrivent à parler des dieux et des principes divins. Ici, Dieu en tant que concept n’existe pas en tant que tel, Dieu n’est pas encore personnalisé comme il en sera dans les philosophies antérieures. En outre, ni chez les poètes, ni chez les physiciens on ne rencontre le concept même de "théologie". Il y a simplement discours. Il s’agit en fait d’une théologie sans le concept. C’est Platon qui, à l’occasion de la critique de la mythologie des poètes, crée le mot théologie12, pour l’appliquer à cette mythologie des poètes qu’il considère comme une mauvaise théologie. C’est ainsi qu’il va s’assigner la tâche de représenter Dieu tel qu’il est ; mais nulle part Platon ne fait cet exposé sur Dieu tel qu’il est. Qu’est-ce donc ce discours dont le concept a été créé par Platon ? Parfois la théologie apparaît comme la science par excellence comme chez Aristote, mais une science inutile pour nous. Parfois encore la théologie est ce discours philosophique qui pense Dieu tel qu’il est présenté dans la religion chrétienne, comme chez Saint Augustin et d’une manière générale chez les pères de l’Eglise. Avec Saint Thomas, l’on a affaire à deux types de théologies : une théologie philosophique et une théologie révélée. Comme le physicien admet des 11 ARISTOTE.– Métaphysique, (Paris, Vrin, 1953), Traduction Jules Tricot, α, 2, 982 b-983a. 12 PLATON.– Œuvres Complètes, Tome 1, La République, (Paris, Les Belles Lettres, 1971) Traduction Emile Chambry, Livre 2, 379 a. 5 principes qui lui sont livrés par l’arithmétique, ainsi la science sacrée croit en Dieu qui lui révèle les principes de foi.13 La science uploads/Philosophie/ cm-hegel.pdf

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