Commentaire de saint Thomas d'Aquin aux deux livres de L'Interprétation, d'Aris
Commentaire de saint Thomas d'Aquin aux deux livres de L'Interprétation, d'Aristote traduction partielle par Yvan Pelletier, 1993 Édition numérique, http://docteurangelique.free.fr, Les œuvres complètes de saint Thomas d'Aquin Livre premier_____________________________________________________________________________________________1 Proème de saint Thomas__________________________________________________________________________________1 Leçon 1________________________________________________________________________________________________3 Chapitre 1_________________________________________________________________________________________________3 Leçon 2________________________________________________________________________________________________5 Leçon 3________________________________________________________________________________________________9 Leçon 4_______________________________________________________________________________________________13 Chapitre 2________________________________________________________________________________________________13 Leçon 5_______________________________________________________________________________________________19 Chapitre 3________________________________________________________________________________________________19 Leçon 6_______________________________________________________________________________________________27 Chapitre 4________________________________________________________________________________________________27 Leçon 7_______________________________________________________________________________________________31 Livre premier Proème de saint Thomas #1. — Comme le dit le Philosophe, au [livre] III [du traité] De l'âme, il y a deux opérations de l'in- telligence: l'une, bien sûr, dite intelligence des indivisibles, [est celle] par laquelle l'intelligence saisit l'essence de chaque chose en elle-même; l'autre est l'opération de l'intelligence [par laquelle] elle compose et divise. On ajoute aussi, toutefois, une troisième opération, raisonner, où la raison va du connu à la recherche de l'inconnu. Entre ces opérations, néanmoins, la première est ordonnée à1 la seconde: car il ne peut y avoir composition et division, sinon d'[essences] simples [déjà] 1Ordinatur ad. On doit distinguer deux sujets d'ordre, i.e. de disposition selon l'avant et l'après: les parties d'un tout, fut-il de simple juxtaposition, les unes en regard des autres, quant à leur situation ou leur dignité, et les moyens, en regard de la fin qu'ils servent. Le français ne semble pas avoir imposé à ordre et à ordonner de signifier le second type, ici concerné; aucun dictionnaire ne recense comme usuel d'ordonner des moyens à une fin. Mais comme il n'y a pas moyen de traduire autrement sans sacrifier l'analogie avec l'ordre — par exemple, en disant: «la première est en vue de la seconde» —, je me résigne à faire à la langue cette légère violence. 1 saisies. La seconde, ensuite, est ordonnée à la troisième, car c'est d'une vérité connue, à laquelle l'intelligence adhère, que l'on doit partir pour obtenir une certitude sur des [choses] inconnues. #2. — Comme, par ailleurs, la Logique se dit science rationnelle, sa considération porte nécessairement sur ce qui appartient aux trois opérations de la raison mentionnées. Pour ce qui est, donc, de ce qui appartient à la première opération de l'intelligence, c'est-à-dire, pour ce qui est conçu par une intelligence simple, Aristote en traite au libre des Attributions2. Pour ce qui est, ensuite, de ce qui appartient à la seconde opération, à savoir, pour ce qui est de l'énonciation affirmative et négative, le Philosophe en traite au livre Sur l'interprétation. Pour ce qui est, ensuite, de ce qui appartient à la troisième opération, il en traite au livre des Premiers [Analytiques] et dans les suivants, où il s'agit du raisonnement tout court, puis des diverses espèces de raisonnements et d'arguments, moyennant lesquels la raison va d'une [chose] à une autre. C'est pourquoi, en conformité avec l'ordre mentionné des trois opérations, le livre des Attributions est ordonné au livre Sur l'interprétation, qui est ordonné au livre des Premiers [Analytiques] et aux suivants. #3. — Ce livre, donc, que l'on tient en mains, se dit Perihermeneias, au sens de Sur l'interprétation. Or on dit interprétation, d'après Boèce, un phonème3 doté de sens qui par lui- même signifie quelque chose, qu'il soit complexe ou incomplexe. Aussi, les conjonctions et les prépositions et les autres de la sorte ne se disent pas des interprétations, car par eux-mêmes ils ne signifient pas quelque chose. Pareillement aussi, des phonèmes dotés de sens par nature, et non en partant du propos ou avec l'imagination de signifier quelque chose, comme le sont les phonèmes des animaux brutes, ne peuvent se dire des interprétations. Qui interprète, en effet, entend exposer quelque chose. C'est pourquoi seuls les noms et les verbes, et les phrases4 se disent des interprétations, de celles dont on traite en ce livre. Cependant, le nom et verbe sont manifestement plutôt les principes d'une interprétation que des interprétations. En effet, celui-ci, manifestement, interprète, qui expose que quelque chose est vrai ou faux. C'est pourquoi seule la phrase énonciative, dans laquelle on trouve du vrai ou du faux, 2Praedicamentorum. 3Vox, fvnÆ. Comme ces mots, phonème désigne tout son produit par le langage articulé, en commençant par le plus élémentaire, voyelle ou consonne. Les termes latin et grec ont porté leur extension au son vocal assez composé pour revêtir un sens à l'intérieur du langage. On pourrait objecter que phonème a jusqu'ici été réservé à l'expression technique des tout premiers éléments vocaux; je crois, pour ma part, qu'il vaut mieux lui imposer l'extension plus large de fvnÆ, plutôt que de continuer l'habitude un peu lourde de rendre fvnÆ et vox par les périphrases son vocal ou son de voix. Car on ne peut pas non plus, pour désigner un son particulier émis par un animal et susceptible d'une signification, s'en tenir à voix, qui ne renvoie pas spontanément à un son particulier émis, mais à l'organe de la parole ou à un ensemble de qualités des sons émis par une personne donnée, ni à son, qui a trop d'extension, désignant tout objet de l'ouïe. On pourra encore objecter que phonème est restreint à la signification des sons articulés de la voix humaine, tandis qu'Aristote appelle fvnÆ jusqu'aux gémissements inarticulés et aux cris des animaux, ce que le latin traduit encore par vox. Mais la même difficulté vaut pour son de voix ou son vocal, et l'extension qui lui est nécessaire pour rejoindre le son animal inarticulé se fait aussi bien pour phonème. La même extension n'a-t-elle d'ailleurs pas déjà été nécessaire avec vox, dont la première imposition paraît bien s'être restreinte au son articulé? 4Oratio, lÒgow. Il n'y a pas, en français, un terme auquel il soit clairement imposé de signifier, sans autre conno- tation, un phonème qui ait la complexité d'un groupe de mots. Discours renvoie trop forcément à la composition de plusieurs énonciations ordonnées à un but, à une persuasion; locution et syntagme en appellent trop à une composi- tion figée d'avance, avec le rôle d'un mot simple, indissoluble quant à son sens, ce qui s'applique mal à l'énon ciation; parole, avec le caractère assez moderne de sa référence à la composition, résiste à entrer dans un vocabulaire technique; c'est phrase, malgré sa connotation encore trop restreinte à la grammaire de l'énoncé, qui se prête peut- être le plus facilement à recevoir cette nouvelle imposition logique. Son étymologie l'y prépare, de fait, puisque frãzein, c'est originellement l'acte de faire comprendre en un ou des énoncés plus développés un signe plus simple d'abord proposé ou un mot d'abord prononcé. 2 s'appelle une interprétation, tandis que les autres phrases, comme l'optative et l'impérative, sont plutôt ordonnées à exprimer une affection qu'à interpréter ce que l'on a dans l'intelligence. Ce livre s'intitule donc Sur l'interprétation, comme si l'on disait Sur la phrase énonciative : car c'est en elle que l'on trouve le vrai ou le faux. D'ailleurs, il ne s'agit ici du nom et du verbe qu'en tant qu'ils sont les parties de l'énonciation. C'est le propre de chaque science, en effet, de livrer les parties de son sujet, de même que ses propriétés. Il devient donc évident à quelle partie de la philosophie appartient ce livre, et quelle en est la nécessité, et quelle place il tient parmi les livres de la Logique. Leçon 1 Texte d'Aristote Chapitre 1 [1] D'abord, il faut établir ce qu'est le nom et ce qu'est le verbe, ensuite ce qu'est la négation et l'affirmation et l'énonciation et la phrase. Commentaire de saint Thomas #4. — Le Philosophe place au début de cette œuvre un proème, dans lequel il énumère un à un les [sujets] à traiter dans ce livre. Comme toute science place au début ce qui concerne les principes, et que les parties des composés sont leurs principes, qui entend traiter de l'énonciation doit placer au début ce qui concerne ses parties. Aussi dit-il: «Il faut, en premier, établir», c'est-à-dire, définir, «ce qu'est le nom et ce qu'est le verbe». En grec, on a: «Il faut, en premier, poser», et cela signifie la même chose. Comme, en effet, les démonstrations présupposent les définitions à partir desquelles elles concluent, c'est à bon droit qu'on les dit des positions. C'est pourquoi on place au début ici seulement les définitions de ce dont on doit traiter, car c'est à partir des définitions que l'on connaît le reste. #5. — Si l'on se demande, par ailleurs, étant donné que l'on a parlé des [expressions] simples dans le livre des Prédicaments, quelle était la nécessité de traiter encore ici du nom et du verbe, on doit répondre à cela qu'il peut y avoir une triple manière de traiter des expressions5 simples. De l'une, certes, pour autant qu'elles signifient absolument les intelligences6 simples, et c'est ainsi que leur traité appartient au livre des Prédicaments. D'une autre manière, pour autant qu'on les7 conçoit comme les parties de l'énonciation; c'est ainsi qu'on en traite en ce livre; c'est pourquoi on en traite 5Dictio. Tout phonème doté de sens, ce qui oblige le qualificatif simple pour restreindre le sens au mot isolé et exclure l'énonciation. Il est difficile de trouver, en français, un nom plus précis que uploads/Philosophie/ commentaire-du-livre-de-l-x27-interpretation-d-x27-aristote.pdf
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- Publié le Aoû 30, 2021
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