Herméneutique et symbolique : le ta’wīl chez Ibn ‘Arabī et quelques auteurs ant

Herméneutique et symbolique : le ta’wīl chez Ibn ‘Arabī et quelques auteurs antérieurs Résumés Françaisية ال عربEnglish La science (‘ilm) et la connaissance (ma‘rifa) ont été peu étudiées chez Ibn „Arabī. L‟objectif de cet article est de signaler l‟importance doctrinale et épistémologique de ces deux notions fondamentales ainsi que leurs implications herméneutiques et symboliques, le tout dans une interrogation qui porte sur la question du ta’wīl. Le processus de l‟étude va de la définition lexicographique de l‟herméneutique et du symbolisme jusqu‟à l‟articulation doctrinale entre la science et la connaissance chez notre auteur en passant par la réception contemporaine de l‟œuvre d‟Ibn „Arabī et les premières ébauches concernant le ta’wīl dans la tradition musulmane. Cette étude déterminera les configurations doctrinales de cette question autour de la dualité «apparent» (ẓāhir) et «caché» (bāṭin). La réception qu‟a faite Ibn „Arabī des idées de ses prédécesseurs est marquée à la fois par la dette et la critique, et une élaboration profonde et riche en enseignement de la question du ta’wīl. ٌاىؼيم َاىمؼشفح ىم ٔذظٕا تذساسح مافٕح ػىذ اته ػشتٓ. غشض ٌزا اىمقاه اإلشاسج إىّ أ مٕح ٌزٔه اىمفٍُمٕه األساسٕٕه مه اىىادٕح اىؼقائذٔح َاىمؼشفٕح، َما ٔىطُٔان ػيًٕ مه اىىادٕح اىتفسٕشٔح َاىشمزٔح، اىنو فٓ تساؤه دُه مُظُػح اىتأَٔو. تسيل اىذساسح تذءاً مه تذذٔذ مؼجمّٓ ىيتفسٕش َاىشمز إىّ اىمفصو اىؼقائذْ تٕه اىؼيم َاىمؼشفح ػىذ اته ػشتٓ، مشَساً تتؼ .ٓامو اىمؼاصشٔه مغ أػماه اته ػشتٓ َاىمقاستاخ األَىّ ىيتأَٔو فٓ اىتشاث اإلسالم مه شأن ٌزي اىذساسح تذذٔذ اىتشنّو اىؼقائذْ ىيمُظُع دُه حىائٕح«اىظاٌش » َ «اىثاغه .» فٓ تيقٓ اته ػشتٓ ىمه .سثقُي دَٔه َوقذ، َإػذاد ػمٕق َحشْ ممخاه ٔذتزِ ىمُظُع اىتأَٔو Science (‘ilm) and knowledge (ma‘rifa) were little studied in Ibn „Arabī. The aim of this article is to stress the doctrinal and epistemological importance of these two fundamental notions and their hermeneutic and symbolic implications, in a questioning about the concept of ta’wīl. The process of the study ranges from the lexicographic definition of Hermeneutics and the Symbolism of the author without forgetting the contemporary acceptance of Ibn „Arabī‟s works and the first attempts about the ta’wīl in Muslim tradition. This study aims at determining the doctrinal configurations of the question around the duality between the apparent (ẓāhir) and the hidden (bāṭin). The way Ibn „Arabī apprehended the ideas of his predecessors is shaped both by the debt and the criticism and an in-depth and greatly enriching elaboration about the concept of ta‟wīl. Haut de page Plan Introduction 1 - L‟herméneutique et le symbolisme : préliminaires théoriques et épistémologiques 2 - L‟interprétation contemporaine de l‟herméneutique d‟Ibn „Arabī : un “contresens” épistémologique 3- Le ta’wīl et ses origines ambivalentes : l‟archè et le télos 4- L‟interprétation symbolique dans le soufisme : quelques repères méthodologiques 5- Le symbolisme de la science et de la connaissance chez Ibn „Arabī : procédé herméneutique Conclusion Haut de page Texte intégral PDF 282kSignaler ce document Texte intégral en libre accès disponible depuis le 13 novembre 2009. Introduction 1La science (‘ilm) et la connaissance (ma‘rifa) traversent l‟œuvre d‟ Ibn ‛Arabī de part en part. Peu d‟études ont été consacrées à ces deux notions fondamentales. Notre objectif est de déterminer leurs significations respectives, leur identité et leur différence ainsi que leur apport symbolique et herméneutique. 2Quand on parle de science et de connaissance à quoi se réfère-t-on ? Comment ces deux notions ont-elles évolué dans l‟histoire de la spiritualité musulmane ou soufisme (taṣawwuf) ? Y a-t-il une unité doctrinale autour de leur sens ou bien ont-elles requis des significations différentes, voire divergentes en fonction de leur usage ? 3C‟est autour de ces questions que nous tenterons de définir la valeur épistémologique et herméneutique de la science et de la connaissance chez Ibn „Arabī (1165-1240). Généralement on traduit le vocable ta’wīl par interprétation ou herméneutique. Mais Ibn „Arabī ne parle de l‟interprétation (ta’wīl) que pour critiquer ses fondements théoriques et ses usages théologiques et philosophiques, de même pour le symbolisme qui requiert chez lui le sens de correspondance ou relation analogique (munāsaba) entre la chose et ce qu‟elle signifie. 4Pourquoi prendre les notions de “herméneutique” et de “symbolisme” avec prudence ? Tout simplement parce qu‟elles n‟ont pas le même apport étymologique et lexicographique que fournit la langue arabe. C‟est en débroussaillant le champ notionnel de la doctrine d‟Ibn „Arabī que nous pouvons déceler ces implications anagogiques 1 - L‟herméneutique et le symbolisme : préliminaires théoriques et épistémologiques  1 Bernard DUPUY, « Herméneutique », Encyclopaedia Universalis, 11, 1989, p. 362. 5Sous le vocable “herméneutique” se dessine une histoire longue et une littérature féconde qu‟il serait impossible de cerner entièrement. Voyons seulement les définitions qui ont été adoptées pour les comparer ensuite avec la notion de ta’wīl. L‟herméneutique serait une critique interne des textes en mettant à jour leurs idées sous-jacentes : « Le mot “herméneutique”, du grec hermeneia qui signifie interprétation, caractérise la discipline, les problèmes, les méthodes qui ont trait à l‟interprétation et à la critique des textes 1. »  2 Hans-Georg GADAMER, La philosophie herméneutique, trad. Jean Grondin, Paris, PUF, 1996, p. 85. 6Plus qu‟une simple théorie, l‟herméneutique recèle une valeur pratique qui consiste à employer des méthodes et des instruments philologiques, lexicographiques, sémantiques afin de découvrir la signification d‟un mot, c‟est-à-dire son origine, sa formation et son évolution : « L‟herméneutique désigne en premier lieu une pratique guidée par un art. C‟est ce qu‟évoque déjà la formation du terme qui vient qualifier une technè. L‟art dont il s‟agit ici est celui de l‟annonce, de la traduction, de l‟explication et de l‟interprétation et il renferme naturellement l‟art de comprendre qui lui sert de fondement et qui est toujours requis là où le sens de quelque chose n‟apparaît pas ouvertement ou sans équivoque 2 ». 7En d‟autres termes, il y a interprétation là où il y a confusion et équivocité. Ceci nécessite alors une panoplie de méthodes et d‟outils pour expliciter le sens du mot et le rendre clair et accessible. De ce point de vue, les racines étymologiques du terme “herméneutique” mettent en exergue plusieurs significations :  3 Ibid., p. 86 8Hermeneus : ce vocable signifie « traduire ». La traduction a, en effet, dans l‟histoire des textes sacrés et des œuvres humaines un rôle prépondérant. Plus qu‟une simple adaptation d‟une œuvre en langue différente, la traduction signifie avant tout la saisie du sens de ce qui a été dit : « Partout, l‟herméneutique doit accomplir une telle transposition d‟un monde à l‟autre, du monde d‟une langue étrangère à une autre qui nous est familière 3 ». 9Hermeneia : ce mot signifie en quelque sorte la traduction d‟une idée, c‟est-à-dire l‟énonciation d‟une pensée en donnant corps aux idées abstraites. 10Hermeneuein : traduire, c‟est déjà communiquer. En effet, le rôle de l‟interprétation est de transmettre le vouloir-dire d‟un auteur (ou un locuteur) à un lecteur (ou un auditeur). Platon associe cette transmission à l‟art divinatoire, c‟est-à-dire communiquer la volonté divine à celui qui devine son extension à travers les signes érigés dans le monde. 11Ces significations étymologiques qui s‟entremêlent et se complètent ont pris plusieurs directions en fonction de l‟emploi qui leur a été attribué. Aristote ne prend que le sens logique de l‟herméneutique en pariant sur la nécessité d‟écrire un Peri Hermeneias ou les éléments qui composent la proposition attributive.  4 Henri DE LUBAC, Exégèse médiévale. Les quatre sens de l’écriture (4 tomes), Paris, Aubier, 1959-19 (...)  5 Jean GRONDIN, « Herméneutique », p. 1130, Encyclopédie philosophique universelle, dirigée par Andr (...) 12L‟hermeneia ou la proposition traduit, chez Aristote, la pensée en mots proférés ou fixés dans un discours. Dans les Temps modernes, l‟hermeneutica des Latins traduit la façon d‟interpréter les textes sacrés. Ils parlent ainsi de ars interpretandi dont l‟origine remonte jusqu‟à Origène 4 : « Le même texte peut être interprété selon quatre perspectives superposées : 1) dans son sens littéral (dit “historique” ou “somatique”) qu‟on atteint par des études grammaticales ; 2) dans un sens allégorique, héritage stoïcien, qui porte généralement sur les dogmes de l‟Église ; 3) dans un sens tropologique ou moral, destiné à la conduite éthique du croyant ; 4) dans un sens anagogique ou mystique, appelé à révéler des vérités d‟ordre eschatologique 5 ». 13En d‟autres termes, le texte comporte deux significations : le sens littéral et le sens figuré ou bien la lettre et l‟esprit ou encore, en termes familiers aux soufis de l‟époque classique, l‟extérieur (ẓāhir) et l‟intérieur (bāṭin). Nous verrons plus tard que les deux aspects du texte ont suscité de violentes polémiques reflétant ainsi deux catégories de savants : les exotéristes (ẓāhiriyyūn) et les ésotéristes (bāṭiniyyūn).  6 Ibid. ; v. aussi J. GRONDIN, L’universalité de l’herméneutique, Paris, PUF, 1993. 14Comme le rappelle J. Grondin 6, l‟herméneutique comme néologisme fut introduite vers 1629 par J. C. Dannhauer et subit une évolution sémantique importante en ayant trois fonctions : 1. La subtilitas intellegendi qui consiste à rendre le texte intelligible et tente d‟éclaircir un passage obscur pour une meilleure compréhension du texte. 2. La subtilitas explicandi qui ajoute à la compréhension du sens une explication éclairante portant sur la structure langagière uploads/Philosophie/ ibn-arabi 4 .pdf

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