Avec Hume, l'empirisme ne se définit plus essentiellement par l'origine sensibl

Avec Hume, l'empirisme ne se définit plus essentiellement par l'origine sensible des idées. Il développe trois problèmes, les relations, les cas, les illusions. D'une part, les relations sont toujours extérieures à leurs termes, et dépendent de principes d'association qui en déter- minent l'établissement et l'exercice (croyance). D'autre part, ces principes d'association n'agissent qu'en fonction des passions, pour indiquer des « cas » dans un monde de la culture ou du droit : c'est tout l'associationnisme qui est au service d'une pratique du droit, de la politique et de l'économie (suffit-il, pour devenir propriétaire d'une cité abandonnée, de lancer un javelot sur la porte, ou faut-il toucher la porte du doigt ?). Enfin, de telles règles de légiti- mité des relations peuvent-elles être séparées des fictions, des croyances illégitimes qui les accompagnent ou les doublent ? Si bien que la philosophie est moins critique des erreurs que dénonciation des illusions inévitables. Dans tous ces domaines, l'empirisme opère la substitution de la croyance pratique au savoir, dans une entreprise athée qui consiste à naturaliser la croyance. G.D. 84 FF 22136007 /5/93 111t1Jll~ G ILL ES D ELEUZE Empirisme et subjectivité ÉPIMÉTHÉB t PI MtTHtE BISAIS PHILOIOPHIQ.'UBI Coll#tûm foruJ# par J- H»J1olill ,, tlirillf par J-Lu& Marion A11emann B., JmJmûc Il HtitUu • (ll9 ~ . rev. et c:om,6e) Trad. pu F. Fmœa Alqui~ F., Le~ tû SJIÛllJvi - LA ""-ü mll4/Jlr.JSÙfW"' r,,_,,,, mer.~ (3• 6d.) BcaufmJ., Enlrrtinu (2• ~.) Publi6a pu F. de TOWAIUQCIU Brague R., DM umps ~ Platott 11 .Aristou ( Qut11 lbulu) - Âristoll ,, la gw.stitm du "'°""' Bruain: G., L'ltn Il ruprit Carraud V., Paseal 11 la p/liloso phû C.Ourtine J.-F., Suar-.c 11 û systiml tû la mJlap/l .Jsùpu Deleuze G., Empirisml 11 Sllb fattiDiU (5• ~d.) - Dilflnnç1 1t rlpltiti«I (7• 6d.) Delhomme J., lA /Jftllt intmogatiw (2• 6d.) l Derrida J., lA ~ ,, û ~ (5• ~.) - Le probU- "' la ,.W. dJJJu la pliiWopltU "' H'""'l D'Hondt J., H1pl mril (2• 6d. mac l jour) - /Upl, phiJosop/11 "' rhistoin oioanU (2• 6d.) Du&enne M., ~;, tû r~ ut/tllif'll (3• 6d.) 1 : L'ohfat utAllifw 2 : lA,,,... ulAllif'll F6dier F., l""'Jlfllaliotu Fern:yrollea G., Paseal Il la raisott tbJ poliligw Franlâurt H., Dhnotis, rlMm Il ftnu Traduction pu S.-M. LUQOST Grimaldi N ., L'art ou la f IÏllll jlo.sJWft Grondin J., Le lountanl dJJJu la /JlltS# tû Marlill HtitûU" Henry M., Glnialogie tû la psyçlumal.Ju - Philosophû Il p/llMmlnolo,U du eorps (2• ~.) - L'usmu tû la manifutatio11 (2• 6d. en 1 vol.) - PhlMmlnologi1 mallrUlû Hyppolite J., Logiqru Il IXisltnu, Essai svr la logiqru tû Heg1l (3• ~d.) Imbert C., Phlnom#MWgies 11 /aniws formulaires Janicaud D. et Matt6 J.·F., lA mllaJ!/rlsiqru d la limiu 1 1 1 I' EMPIRISME ET SUBJECTIVITÉ ' ÉPIMÉTHÉE J!SSAIS PHILOSOPHIQUES Colkttion fondie par jean f!yppolite el dirigée par ]tan-LM+ Marion EMPIRISME ET SUBJECTIVITÉ Essai sur la nature humaine selon Hume GILLES DELEUZE PRESSES UNIVERSITAIRES D E FRANCE ISBN 0 1 3 04!!564 6 IU" 0768-o7o8 A JEAN HYPPOLITE ho111111age sinûre el respe#11t11x Oép6t ltgal - ,,. édition : 1953 ~· êdilion : 1993, mai © Pressa Univcnitaires de Franœ, 1 9~3 1o8, boulevard Saint·Ccrmain, 75oo6 Paris CHAPITRE PREMIER PROBLÈME DE LA CONNAISSANCE ET PROBLÈME MORAL Hume se propose de faire une science de l'homme. Quel est son projet fondamental? Un choix se définit toujours en fonction de ce qu'il exclut, un projet historique est une substitution logique. Pour Hume, il s'agit de substituer à une psychologie de l'esprit une psychologie des affections de l'esprit. La psychologie de l'esprit est impossible, inconstituable, ne pouvant trouver dans son objet ni la constance ni l'universalité nécessaires; seule, une psychologie des affections peut constituer la vraie science de l'homme. En ce sens, Hume est un moraliste, un sociologue, avant d'être un psy<:hologue : le Traité montrera que les deux formes sous les- quelles l'esprit est qffecté sont essentiellement le pauionnel et le social. Et les deux s'impliquent, assurant l'unité de l'objet d'une science authentique. D'une part, la société réclame de chacun de ses membres, attend d'eux l' e. xercice de réactions constantes, la présence de passions susceptibles de fournir des mobiles et des fins, des caractères col- lectifs ou particuliers : « Un souverain qui impose une taxe à ses sujets s'attend à leur soumission» (1). D'autre part, les passions impli- quent la société comme le moyen oblique de se satisfaire (2). Dans l'histoire, cette cohérence du passionnel et du social se révèle enfin comme unité interne : l'histoire a pour objet l'organisation politique (1) Traité dl la na/ure h11maine (traduction LEROY). p. 513. (2) Tr., p. 641 . EMPIRISME ET SUBJECTIVITE. et l'institution, elle étudie les rapports motif-action dans le maxi- mum de circonstances données, elle manifeste l'uniformité des pas- sions de l'homme. Bref, le choix du psychologue pourrait bizarre- ment s'exprimer ainsi: être un moraliste, un sociologue, un historien avant d'être un psychologue, pour être un psychologue. Ici, le contenu du projet de la science de l'homme a rejoint la condition qui rend pos- sible une connaissance en général : il faut que l'esprit soit affecté. Par lui-même, en lui-même, l'esprit n'est pas une nature, il n'est pas objet de science. La question que traitera Hume est la suivante : Comment l'esprit tkvient-i/ une nature humaine? Il est vrai que l'affection passionnelle el sociale est seulement une partie de la nature humaine. Il y a d'autre part l'entendement, l'asso- ciation des idées. Mais c'est par convention qu'on parle ainsi : le vrai sens de l'entendement, nous dit Hume, est justement de rendre sociable une passion, social un intérêt. L'entendement réfléchit l'in- térêt. Si nous pouvons le considérer d'autre part, comme une partie séparée, c'est à la manière du physicien qui décompose un mouve- ment, tout en reconnaissant qu'il est indivisible, incomposé (1). Nous n'oublierons donc pas que deux points de vue coexistent chez Hume : la passion et l'entendement se présentent, d'une certaine façon qui reste à préciser, comme deux parties distinctes; mais en soit l'entendement n'est que le mouvement de la passion qui devient sociale. Tantôt nous verrons l'entendement et la passion former deux problèmes séparés, tantôt nous verrons que celui-là se subor- donne à celle-ci. Voilà pourquoi, même étudié séparément, l'enten- dement doit avant tout nous faire mieux comprendre le sens en général de la question précédente. (1) Tr., p. 611, PROBL~ME DE LA CONNAISSANCE 3 Sans cesse Hume affirme l'identité de l'esprit, de l'imagination et de l'idée. L'esprit n'est pas nature, il n'a pas de nature. Il est iden- tique à l'idée dans l'esprit. L'idée, c'est le donné, tel qu'il est donné, c'est l'expérience. L'esprit est donné. C'est une collection d'idées, pas même un système. Et la question précédente pourrait s'exprimer ainsi : comment une collection devient-elle un système? La collec- tion des idées s'appelle imagination, dans la mesure où celle-ci désigne, non pas une faculté, mais un ensemble, l'ensemble des choses, au sens le plus vague du mot, qui sont ce qu'elles paraissent : collection sans album, pièce sans théâtre, ou flux des perceptions. « La compa- raison du théâtre ne doit pas nous égarer ... Nous n'avons pas la connaissance la plus lointaine du lieu où se représentent ces scènes, ou des matériaux dont il serait constitué (1). »Le lieu n'est pas diffé- rent de ce qui s'y passe, la représentation n'est pas dans un sujet. Précisément, la question peut être encore : Comment l'esprit tkvient-il 11n mjet ? comment l'imagination devient-elle une faculté ? Sans doute, Hume répète constamment que l'idée est dans l'ima- gination. Mais la préposition ne marque pas ici l'inhérence à un sujet quelconque, au contraire elle s'emploie métaphoriquement pour exclure de l'esprit comme tel une activité distincte du mouvement de l'idée, pour assurer l'identité de l'esprit et de l'idée dans l'esprit. Elle signifie que l'imagination n'est pas un facteur, un agent, une déter- mination déterminante; c'est un lieu, qu'il faut localiser, c'est-à-dire fixer, un déterminable. Rien ne se fait par l'imagination, tout se fait dans l'imagination. Elle n'est pas même une faculté de former des idées : la production de l'idée par l'imagination n'est qu'une repro- duction de l'impression dans l'imagination. Certes, elle a son acti- vité; mais cette activité même est sans constance et sans uniformité , (1) Tr., p. 344. 4 EMPIRISME ET SUB]ECTIVIT~ fantaisiste et délirante, elle est le mouvement des idées, l'ensemble de leurs actions et réactions. Comme lieu des idées, la fantaisie est la collection des individus séparés. Comme lien des idées elle est le mouvement qui parcourt l'univers (1), engendrant les dragons de feu, les chevaux ailés, les géants monstrueux (2). Le fond de l'esprit est délire, ou, ce qui revient au même à d'autres points de vue, hasard, indifférence (3). Par elle-même, l'imagination n'est pas une nature, mais une fantaisie. La constance et l'uniformité ne sont pas dans les idées que j'ai. Pas davantage dans la façon dont les idées sont liéu par /'imagination: cette liaison se fait au hasard (4). La généralité de l'idée n'est pas un caractère de l'idée, uploads/Philosophie/ deleuze-empirisme-et-subjectivite-puf-1953.pdf

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