LES GRANDS ENTRETIENS DENIS GUEDJ : LES MATHÉMATIQUES © lesite.tv, 2006 Denis G
LES GRANDS ENTRETIENS DENIS GUEDJ : LES MATHÉMATIQUES © lesite.tv, 2006 Denis Guedj est mathématicien, professeur et écrivain. Auteur de nombreux romans dont « Zéro » et « Le théorème du perroquet » qui a connu un succès mondial et de nombreuses chroniques, il associe les maths et l’actualité. Au cours de cette série d’entretiens, Denis Guedj fait le point sur la fonction des mathématiques dans la construction de la pensée individuelle. Il évoque alors tout autant cette discipline au travers des questions de son enseignement et de ses représentations aujourd’hui que dans son aspect épistémologique et humain. La question du zéro rassemble toutes ses préoccupations. Séquence 1 : Les maths, ça ne sert à rien !? Séquence 2 : Les maths et la philo, ça n’a rien à voir ? Séquence 3 : On naît plus ou moins doué en maths !? Séquence 4 : En maths, tout a été démontré !? Séquence 5 : Les mathématiciens sont des êtres un peu fous ? Séquence 6 : Zéro, c’est rien ? DISCIPLINES, CLASSES ET PROGRAMMES Philosophie L : Le savoir, La logique, la méthode et le raisonnement Philosophie ES : Le savoir Philosophie S : Le savoir, La logique, la méthode SES Tle : Les déterminants et les enjeux de la mobilité sociale OBJECTIFS DE LA COLLECTION Encyclopédie vivante du savoir, la collection “Les grands entretiens” donne la parole aux plus grands experts de notre époque : scientifiques, historiens, sociologues, anthropologues, écrivains... Ces entretiens, conçus en tenant compte des programmes scolaires et enregistrés sur le plateau de France 5, sont l’occasion pour chaque invité de développer en moyenne cinq sujets. Elizabeth Martichoux, journaliste ayant notamment présenté sur France 5 le magazine « Cas d’Ecole », prépare et mène avec enthousiasme ce dialogue pertinent avec la connaissance et le savoir... VOCABULAIRE Utilité/inutilité dans la société, servir/concerner, penser, raisonner, conceptualiser, abstraire, argumenter, poser des hypothèses, prouver, convaincre, licite, légitime, universel/particulier, syllogismes, hiatus, coercition, psychologie, cerveau, théorème, déshumaniser, conjecture, objet/sujet, processus d’extension, tragique, la théorie des ensembles, vrai/faux, décompte, absence/présence, psychanalyse. 2 SCRIPTS DES SÉQUENCES SÉQUENCE 1 (05 min) Les maths, ça ne sert à rien !? Denis Guedj, finalement, c’est difficile de dire ça à un mathématicien et un matheux comme vous, mais ça ne sert à rien les maths, je veux dire après coup dans la vie, ce qu’on a appris à l’école, les additions, les soustractions, ça ne sert plus à grand chose ? Qu’est-ce qui sert ? Je ne sais pas… L’amour ça sert à quelque chose ? Ah mais comparer l’amour et les maths, c’est… c’est déjà assez inattendu parce que l’amour, ce sont des émotions fortes, c’est un partage. Faites-moi le rapport avec les maths alors ? Non, non, je ne vous fais pas un rapport avec les maths, je vous fais un rapport avec le mot servir, c’est-à-dire : est-ce que ce qui est important ça doit servir ou ça doit concerner, ou ça doit vous toucher ou ça doit vous regarder ? Toute la question, c’est : est-ce que, d’une certaine façon, certaines choses en maths me concernent ? Et si elles ne me concernent pas a priori, c’est à l’enseignant, c’est à la discipline, de vous concerner par cette histoire. Donc, la question de l’utilité… moi, je me méfie toujours de la question « A quoi c’est utile ? ». Je trouve que c’est une réduction. Oui… Et donc les maths, c’est aussi utile mais ce n’est pas d’abord utile. Et je pense que présenter les maths comme « ça doit vous servir dans la vie », c’est… comment dire… c’est une mauvaise façon de les vendre. Voilà. 3 4 Oui, alors, quelle est la bonne façon ? La bonne façon, je ne sais pas. Enfin, une moins mauvaise ou une acceptable, c’est de dire que dans les mathématiques, il y a d’abord de la pensée. On pense en mathématiques… et c’est aussi une façon de raisonner, c’est une façon de conceptualiser, c’est une façon d’abstraire, c’est une façon d’argumenter, c’est une façon de poser des hypothèses, c’est une façon de prouver, de convaincre. Et ça, ça me concerne, ça concerne plein de gens. Mais évidemment, si c’est « b2– b ± √2 (b – 4ac) / 2a », à quoi ça sert ? Pour tout vous dire, à rien en dehors du cours et de l’examen. Alors, pourquoi est-ce que c’est souvent perçu, de fait, comme ça, les maths ? Comme des opérations où finalement on raisonne plus ou moins bien, on arrive plus ou moins avec plaisir à résoudre une équation, un problème de robinetterie ou un problème de géométrie. On a plus ou moins de plaisir, mais souvent c’est perçu comme une opération un peu stérile… Vous savez, moi, d’une façon presque humoristique, je dis que pour les problèmes de robinetterie, je n’appelle pas un matheux, mais un plombier !… Voilà. Un plombier, oui… Donc, les maths, ce n’est pas de la robinetterie. Les maths, c’est autre chose, alors c’est telles que je les vois. Telles qu’elles sont, mais ce n’est pas ça la question. La question c’est : voilà comment je les vois et est-ce que j’ai le droit de les voir comme ça, c’est à dire est-ce que c’est licite ? Alors, oui, si l’on parle des mathématiques qui viennent de la Grèce par exemple, ces mathématiques-là, elles sont nées en même temps que… disons… la vision démocratique du monde. Sinon, avant c’était de droit divin. A partir du moment où on dit : « Les gens vont se présenter devant les citoyens », ce n’est plus de droit divin. Donc, il s’avère qu’il va falloir, je répète, qu’elles emportent la conviction. La conviction ce sont des arguments, c’est-à-dire : ce n’est pas vrai parce que je le dis ou ce n’est pas vrai parce que je suis le plus fort, c’est vrai ou c’est plus vrai parce que je te donne les arguments qui te permettent justement de ne pas être d’accord. Et c’est ça que l’on fait en maths. Les mathématiques, et donc tout ce qui va avec, l’argumentation, le raisonnement, etc., c’est né justement de la Grèce antique ? Eh bien, elles sont nées à ce moment-là, mais il y avait d’autres types de mathématiques avant. Mais elles sont aussi légitimes. Mais celles que l’on pratique universellement maintenant, ce sont les mathématiques à la grecque, comme on peut dire pour les champignons à la grecque. C’est vrai qu’en Mésopotamie ou en Egypte, on avait un type de mathématiques plus numériques, plus avec des espèces d’exemples numériques sans vérité globale, alors que les mathématiques grecques sont celles que l’on fait à l’école. Voilà. 5 SÉQUENCE 2 (5min 30s) Les maths et la philo, ça n’a rien à voir ? Denis Guedj, les maths et la philo, a priori ça n’a rien à voir ? Les maths se sont les chiffres, et puis la philo… eh bien ce sont les idées… ? Non, les maths ce ne sont pas les chiffres, ni d’ailleurs des figures. Les maths, ce sont des pensées mises en forme d’une certaine façon. C’est-à-dire « 1+1=2 », c’est déjà une pensée ? Oui, oui, parce que vous savez 1 c’est abstrait, contre toute attente. Si vous pouvez m’apporter sur un plateau, sur ce plateau de télé, si vous pouvez apporter 1 ou 2 ou 3, je serais ravi. 1 c’est une idée… ou 2 : il y a deux vaches, deux yeux… ça c’est concret. On peut apporter deux vaches, on ne peut pas apporter 2, alors qu’on dit : « Ecoute, sois concret, dis-moi des nombres ou des chiffres ». Justement, les nombres ou les chiffres, c’est déjà une idée très avancée de la pensée. Dans l’histoire des hommes, définir des nombres, et les définir comme des nombres, pas des nombres de quelque chose mais des nombres tout seuls, c’est une avancée. La question de la pensée, c’est la question de tenter d’aller vers des abstractions et de revenir, de faire du plus ou moins abstrait, plus ou moins concret. A des moments, il faut aller vers du plus abstrait parce que aller vers de l’abstrait, ça permet d’avoir des idées, et donc de pouvoir travailler un peu plus librement, en appauvrissant. Et puis revenir à partir des vérités, des qualités qu’on aura pu trouver à ce niveau d’abstraction, on revient vers les objets, plus concrets. Et c’est ça le génie des maths, c’est de travailler sur des choses qui n’existent pas dans la vie. Une droite, ça n’existe pas. Pourquoi ? Parce que si vous voyez une droite, c’est que ce n’est pas une droite, c’est une surface. Parce que si vous la voyez, elle a déjà une certaine largeur. Or, une droite, par définition, ça n’a pas de largeur. C’est comme ça que c’est défini. 6 Est-ce qu’il y a une période où les maths et la philo, qui sont donc deux mondes de pensée, étaient réunies, étaient ensemble ? A l’origine, en Grèce, je dis bien en Grèce, à uploads/Philosophie/ denis-guedj-les-mathematiques 1 .pdf
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- Publié le Apv 12, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
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