20/10/2018 Entretien avec Renaud Barbaras : Autour de "Le désir et le monde". (
20/10/2018 Entretien avec Renaud Barbaras : Autour de "Le désir et le monde". (Partie II) - actu philosophia http://www.actu-philosophia.com/Entretien-avec-Renaud-Barbaras-Autour-de-Le-desir 1/12 ISSN 2269-5141 Qui sommes-nous ? Mentions légales Recherche personnalisée Accueil > Les grands Entretiens d’Actu-Philosophia > Entretien avec Renaud Barbaras : Autour de "Le désir et le monde". (Partie (...) EUR 23,00 Le désir et le monde Acheter EUR 34,00 Dynamique de la manifestation Acheter EUR 29,00 Métaphysique du sentiment Acheter Entretien avec Renaud Barbaras : Autour de "Le désir et le monde". (Partie II) 20/10/2018 Entretien avec Renaud Barbaras : Autour de "Le désir et le monde". (Partie II) - actu philosophia http://www.actu-philosophia.com/Entretien-avec-Renaud-Barbaras-Autour-de-Le-desir 2/12 vendredi 21 avril 2017, par Thibaut Gress La première partie de l’article se trouve à cette adresse. C : Approche ontologique du désir AP : Peut-être est-ce alors l’occasion d’en arriver à la partie ontologique qui constitue la seconde partie de votre ouvrage. Très vite apparaît la notion d’exil qui est peut-être ce qui vous différencie le plus de Merleau- Ponty puisque chez ce dernier la relation au monde est plutôt pensée à partir de la familiarité et de l’appartenance. Qu’est-ce qui vous a amené à forger cette notion d’exil et à prendre ainsi vos distances sur ce point avec Merleau-Ponty ? RB : Tout d’abord, en toute rigueur, le concept d’exil, qui est élaboré dans Dynamique de la manifestation, prend sens dans le cadre d’une réflexion sur la différence entre l’homme et l’animal et doit alors être distingué du concept d’exode. En effet, s’il est vrai, comme je le montre, que tout vivant procède d’une scission archi-événementiale qui affecte la surpuissance du monde, scission à la faveur de laquelle celle-ci tombe en quelque sorte hors d’elle-même, il reste à rendre compte de la différence entre l’homme et l’animal dans ce cadre désormais résolument continuiste. Or, si tous deux procèdent de l’archi-mouvement du monde et en sont séparés par l’archi-événement, la tension entre ces deux dimensions peut être hiérarchisée ou polarisée de deux façons. Même si, en tant qu’individu vivant, l’animal est séparé du monde, il n’en reste pas moins qu’il demeure sous son emprise, encore traversé par sa puissance. L’animal est un vivant cosmologique, ce qui s’atteste par le fait qu’il dérive au sein du monde, qu’il est plutôt mouvement que conscience et que son désir trouve certaines voies de satisfaction (que l’on nomme notamment instinct). C’est cette situation que je résume par le concept d’exode. Ce qui caractérise au contraire le vivant humain, c’est qu’il prend la scission événementiale pour ainsi dire de plein fouet, qu’il se situe au lieu même de la séparation, de sorte qu’il est radicalement éloigné de sa patrie ontologique tandis que l’animal erre encore en elle. Dans le cas de l’homme, la dimension de la scission l’emporte sur celle de l’appartenance et donc de la continuité avec le monde. C’est la raison pour laquelle l’homme est pour ainsi dire plus conscience que mouvement et son désir est un désir pur, où domine la dimension de l’insatiabilité. C’est aussi pourquoi on peut dire que l’homme est un animal métaphysique plutôt que cosmologique, étant entendu que l’objet propre de la métaphysique, comme je l’ai montré dans ce livre, est l’événement de la scission, l’archi-événement. C’est cette situation que je rassemble sous le concept d’exil pour décrire une perte de l’origine, une existence qui est dominée par la séparation avec le monde dont elle procède. Tel est le sens pour ainsi dire technique du concept d’exil ; mais cela ne m’empêche de l’utiliser pour désigner la situation de séparation qui caractérise tout vivant et, au premier chef, celui que nous sommes. Il y a donc, dans mes livres, deux usages du terme d’exil. L’un, technique et circonscrit, qui est celui que je viens d’exposer ; l’autre, métaphorique et plus général pour désigner la séparation ontologique qui est au cœur du désir et en commande la dynamique propre. En vérité, cette notion, qui m’éloigne en effet beaucoup de Merleau-Ponty, a été forgée dans le cadre de mon débat critique avec Patočka, tel que je le conduis dans mon second ouvrage consacré à cet auteur, L’ouverture du monde. La question la plus difficile que soulève la phénoménologie asubjective est celle du passage de la manifestation primaire, qui se confond avec l’individuation des étants par le monde et au sein du monde, à la phénoménalité que je nomme secondaire, qui correspond à l’apparaître proprement dit comme apparaître à… . La question elle-même se dédouble puisqu’il s’agit de savoir à la fois de quelle nature est ce passage et comment il est possible, c’est-à-dire dans quelle mesure il est préfiguré dans la manifestation primaire. Or, Patočka comprend la manifestation secondaire, c’est-à-dire la subjectivation, comme une modalité singulière de l’individuation et donc de la manifestation primaire, consistant en une manière spécifique de se « mettre à part ». Il en vient même à rendre compte de l’humanité de l’homme à partir d’une « expulsion » hors de la totalité et, dès lors, le rapport de l’homme à celle-ci comme un rapport de révolte et de dissension, la vie humaine étant finalement vie « contre la totalité ». Simplement, aux yeux de Patočka, cette détermination est propre à l’homme et joue donc comme critère de distinction avec l’animal qui, quant à lui, est intégré à la totalité, en continuité avec elle. J’ai été conduit à reprendre à mon compte ces suggestions mais en les transformant et en les radicalisant. Telle est la source de mon concept d’exil. D’une part, je comprends cette séparation comme relevant d’un régime d’individuation spécifique, distinct de l’individuation primaire : il y a certes une individuation par délimitation et donc différenciation, qui caractérise la phénoménalité primaire ; mais il y a, en second lieu, une individuation par séparation, qui commande l’existence subjective du vivant. D’autre part, j’ai été conduit à radicaliser cette expulsion en la pensant comme un archi-événement n’ayant 20/10/2018 Entretien avec Renaud Barbaras : Autour de "Le désir et le monde". (Partie II) - actu philosophia http://www.actu-philosophia.com/Entretien-avec-Renaud-Barbaras-Autour-de-Le-desir 3/12 pas, à ce titre, de cause ou de raison au sein du monde, alors que Patočka demeure enclin à penser une préfiguration de cette scission dans le monde sur le mode téléologique et c’est pourquoi il affirme que « notre propre individuation appartient à l’univers de l’individuation primordiale ». Enfin, et c’est important, cette « mise à part », qui renvoie pour moi à un pur événement, commande l’existence de tout vivant, animal ou humain et c’est seulement sur fond de cette séparation que, comme je l’ai dit plus haut, une différence pour ainsi dire secondaire pourra être établie. AP : Peut-on dire que le terme d’ « exil » se substitue à celui de « distance » et de quoi cette substitution serait-elle le signe ? RB : Oui, assurément, ce concept d’exil (ou de scission archi-événementiale) vient en lieu et place du concept de distance, encore insuffisamment déterminé. Mais ce n’est évidemment pas la même chose et le passage de l’un à l’autre correspond à celui d’une phénoménologie de la perception à une phénoménologie se dépassant sous la forme d’une cosmologie et d’une métaphysique. Dans Métaphysique du sentiment, livre qui s’inscrit dans la continuité de Dynamique de la manifestation, je suis conduit à distinguer deux sens de la finitude. D’une part, une finitude qui est celle du monde lui-même et qui caractérise donc le sensible comme ostension de ce monde : elle consiste en ceci que la mondanéité du monde requiert qu’il s’absente de ce qui le présente, à savoir du sensible comme tel, que son infinité exige qu’il se finitise sans cesse dans des apparitions qui en préservent la profondeur constitutive. Cette finitude est insurmontable, elle est inhérente à l’être même du monde : elle est la conséquence du procès de mondification pour autant que celui-ci requiert une auto-production du monde sous la forme d’une différenciation au sein (et donc vis-à-vis) du fond, c’est-à- dire de l’individuation d’étants finis. Si nous existions au niveau de cette finitude, si nous existions au ras même du sensible, nous serions initiés au monde comme tel, nous serions ouverts à sa profondeur, plongerions en elle. Mais tel n’est pas le cas. En effet, nous sommes séparés du monde beaucoup plus 20/10/2018 Entretien avec Renaud Barbaras : Autour de "Le désir et le monde". (Partie II) - actu philosophia http://www.actu-philosophia.com/Entretien-avec-Renaud-Barbaras-Autour-de-Le-desir 4/12 radicalement que ne le sont les étants intra-mondains (non-vivants) et c’est aussi pourquoi nous pouvons le rejoindre d’une autre façon, sous la forme de son propre sens. Autrement dit, il faut reconnaître une finitude qui n’est pas celle du monde mais la nôtre, finitude qui est inhérente à notre existence et renvoie à l’événement d’une scission avec le monde. Alors que le monde se retire seulement derrière ses apparitions sensibles il s’absente de nos existences. Cette seconde finitude, qui est seulement la nôtre, renvoie à un second régime d’individuation, individuation par séparation, ou encore expulsion - expulsion du monde de lui-même et, par voie de conséquence, de nous-mêmes hors du monde. Et bien, dans uploads/Philosophie/entretien-avec-renaud-barbaras-le-de-sir-et-le-monde.pdf
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- Publié le Fev 03, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
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