OLIVIER DUCHARME DERRIDA OU LA RAYURE DE L'ORIGINE Mémoire présenté à la facult

OLIVIER DUCHARME DERRIDA OU LA RAYURE DE L'ORIGINE Mémoire présenté à la faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en philosophie pour l'obtention du grade de maître es arts (M.A.) FACULTÉ DE PHILOSOPHIE UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC 2008 © Olivier Ducharme, 2008 RÉSUMÉ Les dix premières années de l'œuvre de Jacques Derrida, soit de la traduction et de l'introduction à L'origine de la géométrie de Husserl (1962) jusqu'à Marges de la philosophie (1972), développent progressivement la «pensée» de la dijférance. La visée centrale de ce mémoire consiste à décrire la genèse de la différance en insistant sur la déconstruction de l'origine. Nous posons deux questions : 1) de quelle manière Derrida analyse-t-il le concept d'origine présent dans la philosophie de la présence?; et 2) de quelle manière -à partir de cette analyse du concept d'origine- en vient-il à proposer le « concept » de dijférancel Nous tenterons donc de démontrer que ce n'est que par le biais de la déconstruction du concept d'origine et par sa rayure que Derrida en vient à émettre sa « philosophie » de la différance. ii TABLE DES MATIÈRES RÉSUMÉ i TABLE DES MATIÈRES ii INTRODUCTION 3 QUESTION, DIVISION, DÉFINITION 3 LABYRINTHE 5 RATURE [RAYURE] 7 PREMIÈRE PARTIE : ORIGINE 13 IFOYERDESENS 13 L'origine de la géométrie 18 II PRÉSENT 41 Présent Vivant 42 Limite 45 Forme idéale : présent 50 III PRÉSENCE 57 Qu'est-ce que la présence? 58 Signifié transcendantal 60 Histoire du signe : passage 61 Idéalité 63 DEUXIÈME PARTIE : ORIGINE 66 I POUR UNE RÉFORME DE L'ÉCRITURE : TRACE COMME ÉCRITURE 68 Écriture 68 Trace 71 II «LOGIQUE DE LA TRACE: ENTRE-DEUX 78 La trace et le temps 79 Husserl et la trace 81 Le retard originaire et le temps 84 La trace, l'espacement et l'hymen 96 IIIDIFFÉRANCE 113 Transgression 122 CONCLUSION 128 1 1 1 BIBLIOGRAPHIE 131 1 « Parce que tu supposes la maîtrise de l'auteur par rapport au lecteur. » Jean-François Lyotard, Au juste, Christian Bourgois, p.32 2 « La requête de l'archie en général, quelles que soient les précautions dont on entoure ce concept, n'est-ce pas l'opération « essentielle » de la métaphysique? » Jacques Derrida, «Ousia et gramme » in Marges de la philosophie, Minuit, p.73-74. «Dans la déconstruction de l'archie, on ne procède pas à une élection. » Jacques Derrida, De la grammatologie, Minuit, p.91. INTRODUCTION Question, division, définition Ce mémoire traitera de la mise en œuvre de la différance dans les dix premières années de l'œuvre de Jacques Derrida. La différance se « forme » tout au long de ces dix années à commencer par la dernière page de son « Introduction » à V Origine de la géométrie où il émet pour la première fois une esquisse de la différance : « L'impuissance à s'enfermer dans l'indivision innocente de l'Absolu originaire, parce qu'il n'est présent qu'en se différant sans relâche [...] », jusqu'à sa conférence du 27 janvier 1968 intitulée La différance . Ce retour à la « genèse » de la différance a un double but : 1) déployer le terrain sur lequel Derrida « constitue » la différance, et 2) démontrer de quelle manière et contre quoi Derrida développe la différance. Le terrain sur lequel prend pied la différance et contre lequel Derrida ne cesse d'argumenter se nomme la philosophie de la présence. Par cette expression, Derrida entend inclure la totalité de la philosophie occidentale telle qu'elle a été jusqu'ici. Cette histoire de la philosophie occidentale se 1 Derrida, J., « Introduction » in L'origine de la géométrie, P.U.F.(1962), p.171. Nous soulignons. 2 Derrida, « La différance » in Marges de la philosophie, Minuit, p. 1-29. Nous nous concentrerons donc sur les ouvrages suivants : « L'introduction » à L'origine de la géométrie de Husserl (1962), De la grammatologie (1967), L'écriture et la différence (1967), La voix et le phénomène (1967), Marges de la philosophie (1972), La dissémination (1972) et Positions (1972). 4 raconte, pour Derrida, comme histoire de la présence. À partir de cette délimitation du terrain sur lequel la présence se tient, Derrida entreprend une déconstruction. Par cette déconstruction de la présence, Derrida en vient à développer la différance et ainsi expliciter le lien unissant la déconstruction et la différance. Dans le cadre de la « genèse » de la différance, Derrida s'attaque à la racine même de la structure de la philosophie de la présence en déconstruisant V origine de la présence. Pour Derrida, l'histoire de la philosophie occidentale n'est que l'histoire de la philosophie de la présence. Tout système philosophique émis dans les limites de la philosophie occidentale ne procède au fond qu'à une variation, qu'à une construction reprenant toujours les mêmes structures qui sont celles de la présence. Derrida dirige donc sa déconstruction vers la philosophie de la présence pour en saisir l'origine. Le nerf de la déconstruction, son point sensible, se dévoile lors de la déconstruction de l'origine de la philosophie de la présence. Pour décrire et analyser le travail de déconstruction de l'origine de la présence, nous développerons l'usage de la rature chez Derrida. Plus spécifiquement, nous concentrerons nos efforts à décrire la rature dans le contexte de la rature de l'origine. En déconstruisant l'origine de la philosophie de la présence, Derrida rature l'origine, il propose dans son article Freud ou la scène de l'écriture d'entendre désormais « 'originaire' sous rature ». La rature de l'origine se présente donc comme la marque visible de l'origine de la présence, elle est la marque visible du travail de la déconstruction. La différance, qui est le moteur de la déconstruction, exige que l'origine soit sous rature. C'est à partir de cette hypothèse que notre mémoire prend forme. Nous retracerons la « genèse » de la différance derridienne en suivant l'élaboration de la rature de l'origine de la philosophie de la présence. Notre mémoire propose une analyse de cette filiation entre la rature de l'origine et la différance en soumettant dans 3 Derrida, « Freud ou ta scène de l'écriture » (1966) in L'écriture et la différence, Seuil, p.302. 5 un premier temps une analyse de l'origine de la philosophie de la présence et dans un second temps une analyse de la rature de l'origine de la philosophie de la présence. Labyrinthe Trahissons-nous le travail de Derrida en procédant ainsi à une reconstruction du chemin parcouru jusqu'à la différance? Nous répondrons par un oui et un non. Oui. Nous trahissons certainement le travail de Derrida en retraçant par un seul chemin les dix premières années de son travail. Nous imposons un cadre, une limite à un travail qui tentait de s'en déposséder. La dépossession qui mène à Yinsaisissabilité refuse catégoriquement l'emploi d'un seul chemin pour assurer l'analyse de ce qui est pluriel. Pourtant, la rature de l'origine s'impose, dans notre étude, comme le chemin à suivre en vue de cheminer vers la différance. Nous imposons ; mettons l'accent sur cet acte d'imposition. Nous imposons un ordre à un matériau qui tente d'échapper à toute mise en ordre : nous imposons un ordre -tenant compte des deux significations du mot- à ce qui essaie de se déposséder de tout ordre. Le fait que 1' « œuvre »4 de Derrida des dix premières années se résume à des articles sur différents philosophes (Husserl, Rousseau, Hegel, Foucault, Levinas, Freud, Nietzsche, Heidegger, Platon, Austin), écrivains (Bataille, Artaud, Mallarmé, Valéry, Sollers, Blanchot, Jabès), anthropologue (Lévi-Strauss) et linguistes (Saussure, Benveniste) donne un indice de l'éparpillement, de la dissémination des analyses qu'il signe. Ces articles traitent non pas d'une problématique générale, mais s'affirment comme analyses de textes. Ne pensons qu'à l'introduction à Y Origine de la géométrie de Husserl, où Derrida, par l'analyse de la formation de l'objectivité des objectités idéales de l'historicité interne, tend à décrire ce 4 Gérard Granel débutait son article intitulé « Jacques Derrida et la rature de l'origine » par ces mots : « Déjà toute une œuvre -mais qui n'est pas du tout une « œuvre ». » Critique, 246, nov. 1967, tome XXII. Outre le fait que nous reprenons en partie et après coup le titre de Gérard Granel, il importe de souligner que cet article a le mérite d'analyser, l'année même de leur sortie, les trois ouvrages fondateurs de la pensée derridienne. Granel tient compte, dans sa lecture De la grammatologie, de L'écriture et la différence et de La voix et le phénomène, I) de la différance avec un « a », dont Derrida n'avait pas, à ce jour, montré explicitement tout le potentiel, 2) de la déconstruction comme « délivrance de l'écriture » et 3) la problématique de la rature de l'origine qu'il relie tant à la différance et qu'à la déconstruction. 6 qui, dans l'argumentation même de Husserl, tend vers une sortie de la philosophie de la présence. Car il s'agit toujours chez Derrida, de procéder à l'analyse minutieuse d'un texte ou d'une œuvre pour en faire ressortir un matériau pouvant servir la « sortie » de la philosophie de la présence. L'analyse qu'il donne de l'Essai sur l'origine uploads/Philosophie/ derrida-ou-la-rayure-de-l-x27-origine.pdf

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