Exercice de lecture du texte de Pascal 1ère partie Pour commencer un petit rapp

Exercice de lecture du texte de Pascal 1ère partie Pour commencer un petit rappel de vocabulaire : Contradiction / Paradoxe Une contradiction est une impossibilité logique. Elle repose sur l’affirmation simultanée de deux énoncés contraires. Exemple : le poisson rouge n’est pas rouge. Il s’agit donc d’une faute de raisonnement et si la mention d’une contradiction apparaît dans la marge de correction de vos travaux, ce n’est pas bon signe pour vous :(. Un paradoxe par contre n’est que l’apparence d’une contradiction. Les énoncés ont l’air de se contredire mais – moyennant une explication à fournir – peuvent être soutenus ensemble. Ils révèlent par la même une sorte de tension ou de distorsion dans l’objet étudié. *** Nous ne nous tenons jamais au temps présent Le texte s’ouvre sur une thése (énoncé affirmatif à valeur universelle) qui exprime un paradoxe. En quoi cette formule est-elle paradoxale ? (Que veut dire ici "se tenir"?) Nous sommes au présent. Ce n’est pas un jeu de mot ; le présent est le temps où nous avons une présence. Et paradoxalement nous ne nous y tenons pas. Ce qui demande au passage de donner un sens métaphorique à ce dernier verbe pour lever ce paradoxe. Car au sens propre, notre corps ne peut se tenir ailleurs qu’au présent. Il es toujours ici et maintenant. Où l’on voit dès lors que le nous du texte ne désigne que notre pensée. Penser se définit alors comme un pouvoir d’échapper à la seule considération du présent. Un pouvoir de transcender l’ici et le maintenant. Par là est introduit une sorte de tension, de divorce entre corps et esprit. Mais que veut dire que notre pensée ne se tient pas au temps présent ? C’est ce qu’explicite les deux énoncés suivants dont la fonction est donc d’apporter des éclaircissements à cette formule choc. Nous anticipons l’avenir comme trop lent à venir, comme pour hâter son cours ; ou nous rappelons le passé pour l’arrêter comme trop prompt Ces deux énoncés sont alternatifs (« ou ») ET paradoxaux. Ne pas se tenir au présent cela veut dire vouloir accélerer le futur et ralentir le passé. Toujours en pensée évidemment. Si nous suivons Pascal, décrivant ce comportement, nous avons donc un double rapport au temps et ce double rapport est contradictoire. En même temps cette activité de l’esprit n’en est pas vraiment une, ce que suggère l’emploi du comme. Car je n’ai pas le pouvoir d’accélerer ou de ralentir le temps. Là encore on peut pointer le paradoxe. Je me tiens là où je ne peux rien (et donc je ne me tiens pas là où je pourrais quelque chose, c’est-à-dire dans le présent). On comprends dès lors pourquoi Pascal porte sur ce comportement triplement problématique un double jugement de valeur : si imprudents, que nous errons dans les temps qui ne sont point nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient; et si vains, que nous songeons à ceux qui ne sont rien et échappons(1) sans réflexion le seul qui subsiste. Pourquoi Pascal juge-t-il que nous sommes imprudents ? Pourquoi juge-t-il que nous sommes vains ? Pourquoi anticipons nous l’avenir comme trop lent à venir ? Pourquoi voulons-nous hâter son cours ? Pourquoi rappelons-nous le passé pour l’arrêter ? Pourquoi le trouvons nous trop prompt (à disparaître) ? Point vocabulaire : Prudence 1) Le sens ordinaire aujourd’hui qualifie une conduite qui cherche à éviter le danger ou le parer. Exemple : Il fait froid dehors, sois prudent, couvre toi. 2) le sens philosophique mis au point à partir d’Aristote définit une qualité de l’agir. Être prudent c’est savoir agir, faire face (spécialement en contexte d’incertitude, donc face à l’imprévu, voire l’imprévisible). Savoir ce qu’il faut faire, comment il faut le faire et quand il faut le faire. C’est le talent du stratège militaire, de l’homme politique, de l’homme d’action en général. C’est dans ce dernier sens que Pascal l’entend. Imprudent parce que nous sommes préoccupés à d’autres temps que le seul temps où une action est possible. Ce qui est le meilleur moyen de la manquer. Vain parce que cette perpective n’a strictement aucune fécondité, ne sert à rien. Se perdre (l’errance est tout autant une erreur) là où nous ne pouvons rien et pendant ce temps, laisser se perdre (pour rien encore) le présent d’où nous aurions pu produire quelque chose. Où l’on voit au passage que ce que Pascal définit comme « nôtre » et qui désigne une relation de propriété repose en fait sur le critère de la puissance. Ce qui est mien c’est ce sur quoi j’ai un pouvoir. Ici ce qu’il est essentiel de distinguer c’est la possession et l’usage. On peut posséder une voiture et ne pas savoir conduire. En avoir la possession mais pas la maîtrise. Ce que Descartes, dans le Discours de la méthode, pointe quand il reconnaît en tout homme une intelligence (= possession) : Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée Mais pas la capacité d’en user correctement (= maîtrise) : Car ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est de l’appliquer bien. *** Arrive enfin la justification de tout ce comportement : C’est que le présent, d’ordinaire, nous blesse. Nous le cachons à notre vue parce qu’il nous afflige. En quoi le présent nous blesse-t-il ? Et en quoi cette expérience est-elle une expérience ordinaire ? Ce qui se dessine ici c’est une essentielle insatisfaction. Donc un écart entre ce que j’attends du présent et ce qu’il m’offre. Ce fait de n’être pas à la hauteur et donc décevant pourrait dessiner deux perspectives distinctes. Ou bien nous attendons trop du réel, exigeant de lui ce qu’il ne pourra jamais offrir et cette distorsion est de notre fait. Ce qui demande de comprendre pourquoi nous désirons l’impossible (et comment nous en guérir). Ou bien le réel est effectivement déficitaire et appelle le travail de sa transformation. Mais ce qui est remarquable dans le texte, c’est que cette issue n’est qu’à peine envisagée par Pascal. Au lieu de réfléchir à modifier le présent pour l’élever à la hauteur de notre attente, il n’est d’abord question que de fuir. Ou de « soutenir le présent par l’avenir » ou enfin au mieux d’en faire le moyen de l’avenir. Quelque soit l’option retenue, on voit que le présent n’est jamais une fin. Quoiqu’il en soit l’écart entre ce qui est et ce que je voudrais qui soit semble constitutif de l’expérience humaine. Ce qui reste à explorer. Et quand Pascal envisage l’exception, puisqu’il arrive que le présent nous soit agréable, c’est aussitôt pour constater que dans le même temps ce plaisir est mêlé de regret donc pas véritablement un plaisir nous regrettons de le voir échapper Où l’on peut déterminer que le plaisir est l’état dans lequel je suis tel que je veux qu’il dure. Et que dans le réel, il ne dure pas… Au delà du plaisir nous pouvons même penser le bonheur comme sa radicalisation. C’est-à- dire non pas que je sois satisfait mais comblé. C’est-à-dire que tous mes désirs soient réalisés. Et ce sur la triple perspective de la quantité, de l’intensité et de la durée. Ce qui permet à la fin d’esquisser le problème du texte : Nous sommes des êtres temporels (et au-delà des êtres mortels). Le phénomène essentiel du temps c’est le changement. Rien ne demeure, n’a de réalité stable et permanente. Or le plaisir est l’exigence du contraire et si nous définissons le bonheur comme sa radicalisation alors l’aspiration au bonheur serait aussi une aspiration à l’arrêt du temps ce qui n’a évidemment pas de sens pour un être humain nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais. *** Conclusion et ouverture : Quoiqu’il en soit de la validité de la thèse de Pascal, il reste qu’il pose du moins le problème. Que signifie être heureux pour un être par définition temporel ? La notion d’horizon (indépassable) désigne la condition de possibilité de ce qui s’inscrit en lui. Ce sans quoi, comme cadre de structuration a priori, je ne peux être. Dire qu’une chose ne peut apparaître que dans l’horizon d’un monde, c’est dire qu’il faut penser cet arrière-fond qu’est le monde pour rendre raison de l’apparition de la chose. Arrière-fond et non pas simplement arrière plan. Ce n’est pas un problème de localisation, (de devant et de derrière) mais de structuration. Le monde représente donc dans cet exemple une réalité transcendantale. Ce que met en évidence Pascal - même si il ne l’aurait jamais formulé ainsi – c’est que temps est pour l’être une réalité transcendantale. Il ne peut pas être autrement que sur le fond du temps, toujours déjà pris dans la réalité du temps, toujours déjà temporalisé. Et donc à ce titre le temps est également l’horizon de toute compréhension de l’être. uploads/Philosophie/ 3-pascal-temps-bonheur.pdf

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