Université de Montréal Être et image : une approche de la notion de sujet chez
Université de Montréal Être et image : une approche de la notion de sujet chez Maître Eckhart par Pierre-Luc Desjardins Département de Philosophie Faculté des arts et des sciences Mémoire présenté à la Faculté des arts et des sciences en vue de l’obtention du grade de maître en philosophie Août 2013 © Pierre-Luc Desjardins, 2013 2 Mots-clé s ét ré sumé Mots-clés Histoire de la philosophie; Philosophie médiévale; Métaphysique; Mystique chrétienne; Néoplatonisme médiéval; École dominicaine allemande; Maître Eckhart; Subjectivité; Détachement; Union à Dieu Résumé Le présent mémoire constitue une tentative de circonscrire - par l’étude d’un corpus textuel principalement emprunté à l’œuvre vernaculaire (allemande) de Maître Eckhart de Hochheim (1260-1328) – le rôle joué par certains motifs conceptuels caractérisant la notion moderne de sujet-agent au sein de la pensée de ce philosophe, théologien et prédicateur. Plus précisément, il y est question de déterminer en quoi le « je » (ich) décrit en plusieurs lieux textuels de l’œuvre d’Eckhart présente les caractères d’autonomie et de transparence à soi qui sont l’apanage de la subjectivité telle que la conçoit majoritairement une certaine modernité postcartésienne. Notre argument, qui se déploie sur trois chapitres, adopte sur le corpus faisant l’objet de cette étude et la conceptualité qu’il déploie, trois perspectives différentes – lesquelles perspectives sont respectivement d’ordre ontologique (premier chapitre), existentiel ou éthique (second chapitre) et anthropologique (troisième chapitre). La première approche – ontologique – explicite le sens que donne Eckhart aux notions d’être, de néant, d’intellect et d’image, ainsi que la manière dont elles se définissent dialectiquement en rapport les unes avec les autres. Le second chapitre, dont l’approche est existentielle, expose les applications éthiques des concepts abordés au chapitre précédent, analysant la méthode de détachement prescrite par Eckhart pour parvenir à l’état de béatitude. Le troisième et dernier chapitre cherche, quant à lui, à définir de quelle manière l’homme se définit par rapport à l’union à laquelle l’invite Eckhart, et ce autant sur le plan spécifique que sur le plan individuel. 3 Kéy words and abstract Key words History of philosophy; Medieval philosophy; Metaphysics; Christian mysticism; Medieval neoplatonicism; German dominican school; Master Eckhart; Subjectivity; Detachement; Union to God Abstract The following dissertation attemps to establish the presence of certain conceptual motives pertaining to the modern conception of subjectivity (as exemplified by the cartesian understanding of the self), in the middle-high german works of Master Eckhart of Hochheim, philosopher, theologian and predicator who was born in 1260 and died in 1328. In order to do so, it develops a three-fold argument taking place over three chapters, each of which presents a different approach - a different perspective - on Eckhart’s thought. The first chapter presents an ontological argument designed to explicitate the meaning of the key eckhartian notions of being, nothingness, intellect and image, whereas the second chapter exploits the existential consequences of Eckhart’s outlook on those notions – consequences which in ethical terms translate into the necessity for the human individual to practice a systematic annihilation of oneself in order to achieve an absolutely pure union with God. The third and last chapter of this dissertation attemps to explicitate de notion of “I” (ich), used by Eckhart to designate the identity that the detached human soul and God share, a type of identity in which we find similarities with the modern conception of the self – conception which Heidegger thought of as being entirely absent from precartesian philosophy. 4 Tablé dés matié rés INTRODUCTION…………………………………………………………………….......page 6 Le corpus allemand comme lieu de l’accomplissement de la pensée eckhartienne……..page 8 CHAPITRE I…………………………………………………………………………….page 15 La dialectique de l’être et du néant…………………………………………………….page 20 Les deux premières Quaestiones parisienses et les rationes equardi………………..page 22 Intellect, image et déité dans les sermons 71, 16b et 52 : La résolution dans l’intellect de la dialectique de l’être et du néant………………..page 39 Bilan…………………………………………………………………………………....page 48 CHAPITRE II……………………………………………………………………………page 50 Le traité Du détachement………………………………………………………………page 53 Le traité-sermon De l’homme noble…………………………………………………...page 69 Le cycle des sermons sur la naissance : le Sermon 101………………………………..page 80 Bilan……………………………………………………………………………………page 83 CHAPITRE III…………………………………………………………………………..page 87 Le dire de Dieu : la place du « je » dans la pensée eckhartienne………………………page 92 Le Sermon 52 : Beati pauperes spiritu……………………………………………….page 98 Le Sermon 77 : Ecce mitto angelum meum................................................................page 108 Identité et relation : entre le Livre de la consolation divine et le De trinitate………..page 111 Bilan…………………………………………………………………………………..page 114 CONCLUSION………………………………………………………………………...page 117 BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………………..page 121 5 Merci à David Piché pour la constance de son support depuis mes années de baccalauréat, ainsi que pour les heures passées à corriger autant mes formulations que mes traductions. Mes plus sincères remerciements, aussi, à Hans Herbert Räkel pour m’avoir consacré un précieux temps et avoir accompagné mon exploration du Moyen-Haut allemand. 6 Introduction Bien connu est le diagnostic – celui d’un « oubli de l’être » - posé par Heidegger à l’endroit de l’histoire de la métaphysique dès les premières lignes d’Être et temps; également connue est la thèse l’accompagnant de près, d’une réification du Dasein concomitante du renversement effectué dans le contenu conceptuel de la notion de sujet par le moment cartésien de l’histoire de la métaphysique. C’est en effet le moment historique associé à l’émergence du motif cartésien du cogito - motif faisant de l’esprit (mens) une chose pensante (res cogitans) - qui, selon Heidegger, voit l’émergence d’un « je » trouvant en lui-même le principe de la validité de son rapport au monde; pour rapporter les mots de Heidegger lui- même : « Tout ce qui demeure de soi-même et ainsi se trouve là préalablement, est hupokeimenon. Un astre est subjectum, autant qu’un végétal, un animal, un homme, un dieu. Si au début de la métaphysique moderne l’on exige un fondamentum absolutum et inconcussum, lequel en tant que véritablement étant satisfasse à l’essence de la vérité au sens de la certitudo cognitionis humanae, c’est d’un subjectum qu’il est alors question, lequel dans toute chose représentée et dans toute représentation se trouve là, chaque fois préalablement, et constitue dans la sphère du représenter indubitable ce qui est constant et consistant. Le représenter (percipere, co-agitare cogitare, repraesentare in uno) est un trait fondamental de tout comportement humain, même non cognitif. De ce point de vue, tous les comportements sont des cogitationes. Mais durant le re-présenter, lequel à chaque fois pose quelque chose devers soi, cela même qui se trouve constamment « pré-jacent » au représenter c’est le re-présentant même (ego cogitans), devant qui toute chose représentée est produite, devers lequel et auquel revenant (re-praesentare), la chose représentée devient présente. Tant que dure le représenter, l’ego cogito (se) représentant (quelque chose) est à chaque fois proprement dans le représenter et « pré-jacent » à ce dernier. C’est ainsi que dans la sphère de la structure d’essence de la représentation (perceptio) l’ego cogito cogitatum se caractérise en tant que ce qui est constamment « pré-jacent », le subjectum. Cette constance est la consistance de ce sur quoi il ne saurait y avoir dans aucun représenter, en fût-ce un dans le genre du doute, jamais aucun doute1. » 1 Martin Heidegger, La métaphysique en tant qu’histoire de l’être in Nietzsche II, Traduction Klossowski, Paris, Gallimard, 1971, page 346 7 Or, cette thèse comporte dans son énonciation certaines imprécisions, notamment en ce qu’elle semble faire émerger la notion de sujet-agent ex nihilo dans la pensée cartésienne, sans considérer qu’elle ait pu se trouver déjà à l’état germinal chez des penseurs antérieurs à Descartes et sans considérer que le motif cartésien de l’ego ait pu, en plus d’être le point de départ de la pensée « moderne », être également le point d’arrivée de questionnements « interdisciplinaires » (se situant au carrefour de la théologie et de la philosophie, de la gnoséologie et de la psychologie, ainsi que de l’anthropologie), émergeant de lectures tardo- antiques et médiévales de Platon et d’Aristote, mais aussi de nombreuses autres autorités autant païennes que chrétiennes. À ce titre, nous nous questionnerons ici, à la suite d’Alain de Libera, sur l’exactitude de cette thèse heideggérienne : « Que serait-ce si le dossier était plus complexe, moins linéaire, plus inextricablement mêlé que le [diagnostic de Heidegger] ne le laisse entendre? Si ni les ruptures, ni les pauses, ni les continuités […] n’étaient pas conformes à l’état présent de l’archive? Si l’ensemble du processus était, pour tout dire, mal daté? Si, comme d’habitude, la place, le rôle, l’apport du Moyen Âge avaient été […] mal appréciés2? » L’examen que se propose la présente étude - lequel se déploiera en trois chapitres abordant successivement les aspects ontologique, éthique (ou « existentiel ») et finalement « anthropologique » de la conception eckhartienne de la béatitude - cet examen, donc consistera à chercher de quelle manière il convient d’affirmer, contre Heidegger, la présence d’une certaine forme embryonnaire de sujet-agent chez Maître Eckhart de Hochheim, théologien et prédicateur dominicain ayant vécu au tournant des XIIIe et XIVe siècles. Certaines contraintes spatiales s’imposant à la présente étude ne nous permettent pas d’aborder exhaustivement la richesse des polémiques toujours en cours sur la vie de Maître Eckhart, principalement au sujet des causes et du déploiement de uploads/Philosophie/ desjardins-pierre-luc-etre-et-image-une-approche-de-la-notion-de-sujet-chez-maitre-eckhart-these-2013.pdf
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- Publié le Fev 05, 2022
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