'' VIVANT PERSPECTIVES ·RELIGIEUSES ET PHILOSOPHIQUES 11 AUX EDITIONS DU SEUIL

'' VIVANT PERSPECTIVES ·RELIGIEUSES ET PHILOSOPHIQUES 11 AUX EDITIONS DU SEUIL .,_\ UN MISSIONNAIRE DE SIBÉRIE Puis il devient aumônier des prisons, et fait connaissance avec totdes sortes de criminels : " Auasitôt entré en rapports avec les condamnés, je compris tout de suite .que, pour agir sur un pareil milieu, il me faudrait absolument une charité exceptionnelle. Cette charité doit être sincère et agissante. Sinon il vaut mieux ne pas faire connaissance avec ces hommes. Ils sont trop offensés par la destinée, trop aigris contre tout et contre tous ; pour les sortir de cet état, il faut que le prêtre se tienne solidement campé des deux jambes sur le terrain d'une charité active. Malheur à l'aumônier des ·prisons qui préférera l'administration aux détenus. Et alors, une fois entré dans ce monde, quand je l'eus aimé jusqu'au sacrifice de moi-même, oh, alors, je vis que ce monde ouvrait largement son ·âme. Il me donnait toute liberté .de regarder en tous temps les recoins les plus cachés de sa vie intime ! Il faut le reconnaitre, d'après l'expérience personnelle que j'ai retirée de mon ministère, ce monde de crime a infiniment plus d'idéal, de moralité et même de religion, que nous n'en ayons, nous les libres citoyens de la société libre. J'en ai vu passer par mes mains environ 25.000, que j'ai bien des fois confessés, communiés et persuadés par mes exhortations cfe changer de vie, de devenir de vrais fils de l'Evangile. J'ai trouvé parmi eux des individus, des types remarquables. C'est de ceux-là que je compte parler. Ceux qui s'intéresseraient à la psychologie du criminel y trouveront aussi leur compte. " Les souvenirs du P. Spyridon - ainsi sont-ils signés - ont le grand intér&t de porter sur une période très proche de nous, car ils embrassent la première décade de ce siècle. Ils sont d'une sincérité absoltte et rédigés · sans le moindre appr&t. Enfin, ils émanent d'un pr&tre dont la foi est person- nelle, la charité ardente et éclairée, et la conduite fort indépendante. A tous ces titres ils sont éminemment instructifs. Ils méritent une traduction intégrale, qui sera d' àilleurs donnée prochqinement au public. ' Pottr qui veut connattre la religion du peuple russe, ils sont à ioindre aux Récits d'un Pélerin, dont un compte-rendu a été inséré dans le Sixième cahier de Dieu vivant. 8o Souvenirs présentés par PIERRE PASCAL. LES SENS SPIRITUELS CHEZ SAINT AUGUSTIN 6 P AUL LUDWIG LANDSBERG, l'un des disciples intimes de Max Scheler et l'un des plus remarquables professeurs de philosophie de l'universit. é de Bonn, dont l'existence et l'activité n'avaient pu être tolérés par le nihilisme nazi, était venu vivre à Paris à partir de 1934. FI fit des séjours prolongés en Espagne Républicaine où il avait de nombreuses et ferventes amitiés dans le monde intellectuel et universitaire, entre autres celle de José Bergamin. A Paris, il fut l'un des collaborateurs assidus d'Esprit qui, tout récemment encore, a publié, après celles d'avant-guerre, une étude sur le suicide. Les textes parus dans Esprit témoignent de la violence du débat qui se livrait en lui face aux événements : il ne se résigna jamais à renoncer tout à fait à une conciliation des aspirations révolutionnaires avec le chris- tianisme ; cjans cet esprit il opposait les manifestations humanistes de la jeunesse de Marx aux dernières réalisations du communisme. La Revue de philosophie et les Recherches philosophiques ont également donné des essais de ce jeune philosophe éminent. A ses débuts, durant l'époque weimarienne, Landsberg attira l'attention par ses .travaux sur l'Académie de Platon et sur la Philosophie médiévale et notre temps. Plus tard, il publia une I nfroduction à l'Anthropologie philosophique. Et à Paris notamment son Introduction à l'Expérience de la Mort. (Desclée De Brouwer et C'•, 1936). Déchu de la nationalité allemande et ayant demandé la naturalisation française à la veille de la guerre de 1939, il collaborait au ministère de l'information en 1940 lorsque, au moment de la panique consécutive à l' offen- sive allemande, il se vit frappé par les mesures d'internement qui jetèrent pêle-mêle, sans discernement, dans les camps, les éléments suspects av.ec les émigrés étrangers victimes du nazisme., Ayant réussi à s'évader, au PAUL-LUDWIG LANSDBEI{G lendemain de la catastrophe de I940, il alla vivre auprès de son épouse grave- ment malade, à Pau, où il reprit ses travaux, Sous un faux nom. Négligean.t les offres qui lui venaient d'Amérique, choisissant les risques c:rtai~s do~t · 11 était menacé et préférant partager les souffraoces de sa patne d adoption, il ne se borna pas à ses travaux scientifiques, mais voulut contnbuer person- nellement à une résistance morale. Fort imprudent dans son comportement~ il fut arrêté sous son faux nom par la Gestapo, et déporté, l'automne I943. au camp d'Orianenburg dont il vécut le calvaire en co_mpagnie du frère de Jeao Cayrol. D'après les témoignages du docteur Hilckmann, professeur catholique résistant et l'un des ~urvivants de ~e camp,, Landsbe~g. ne ~~­ départit à aucun instaot d'une attitude de fermete, de bonte et de fm, JUsqu a ce qu'il mourût d'inaoition. Sa mort fut celle d'_un chrétien. Issu d'une famille judéo-protestante, Landsberg fut un cathohCisant, non pas un cathohq~e au sens orthodoxe. Pour lui, l'Eglise n'était catholique qu'en devenzr, mais il n'en adhérait pas moins à son fonds sacramentel. Le docteur Hilckmann, qui ne le connaissait que depUis Orianenburg,. assure qu'il ~ût sans .doute reçu le viatique, s'il avait été possible de le lm donner. Toujours est-il qne Landsberg fut l'un des premiers cinq membres de Quelques rJ_ns, le i!~oupe exégétique que Marcel Moré réuf1it à la veille de la guerre et qm, s agrandissant, devait former le groupe interconfessionnel dg.nt sont Issus les Cahiers de Dieu Vivant. Landsberg a laissé inachevé un ouvr~ge d:une irhportan~e c~pit~le, a?q~el il travailla toute sa vie durant : Augus#n phûosophe. Contnbution a l h.sto:re de son esprit, ouvrage où il a mis toute ~a profonde_ p.erspi,cacité, toute sa vivaote érudition. Disciple de Scheler, Landsberg appartient a cette tendance de l'école phénoménologique qui ne s'arrête pas à l'intuition des qual~tés essentielles ; ce ,fut avant tout un philosophe des qualités de la nature humame, un historien de l'expérience authentique 'et du problèm~ cruci::ù. q,ue pose la communication intelligible de l'expérience en son Irreductibilite quand Il s'agit de' l'expérience re~i9ieuse. AinSi l'expéri~nce au~usti~~enne, après s'~tre servie des moyens tradltwnnels de la rhetonque latme, s unpose elle-meme comme une autorité fondatrice d'une tradition. Rien ne donne mieux la mesure de-Landsberg que le~ passages s'\ivants qu~ nous ext~ayo~s ~~son in~roduction à cet ouvrage : << ... l'originalité augu.stlm~~ne consist~ a n mtrodmre, ~u~une doctrine qui ne procède d'une propre expen,ence de vie. Il est caractenstique d'Augustin qu'une incidence aussi mes·quin~ en app.arence .que le mal de dent donne lieu dans les Soliloques à une admirable philosophie du mal de den~ ... L'originalité augustinienne est tout entière dans cette rencontre momentanee, essentiellement << muette l>, particulière, avec le monde, qu'éprouv~ une personne particulière. Sa ·S.oumission à la loi tr~di~i?nnell~ d' e,xpresswn ne fait qu'ajouter à l'originalité même. Or, cette tradltwnnahté reside dans la langue en tant que signe ~·un ,esprit objectivé. ~e n'.est 'lue. lorsque l'esprit développe, à partir de,sa reahte subJective, une reahte obJective que la tradi- LES SENS SPIRITUELS CHEZ SAINT AUGUSTIN tion et la culture rentrent dans -leur droit ... Nos moyens d'expression ne sont jam9.is autres que traditionnels. Comment un homme particulier, s'il veut comme Augustin témoigner de ses expériences, pourra-·t-il créer une œuvre par ses moyens d'expression traditionnels ? Même la plus grande faculté créatrice dans le laogage n'échappe pas à la contrainte d'étroites limites. Si un auteUr cherche à les transgresser, il transgresse les limites de l'intelli- gibilité et diminue les chances ·qu'il. a de.se commUniquer. Il ne reste alors qu'une-solution : l'assimilation .d~une grande richesse de moyens d'expression ; cela signifie tout d'abord qu'il s'agit de cerner, au moyen de mots qui vivent, disponibles, daos la mémoire, l'indicible, l'ineffable, en le suscitaot d'une ·manière communicative .... En absorbant les inépuisables ressources de la tra- dition rhétorique latine, il parvint, à l'inconcevable richesse de termes dis- tinctifs, de métamorphoses et de compositions de mots, et avant tout, de formes syntaxiques qui frappent tous les lecteurs. Quand il veut représenter une expérience, il semble qu'Augustin cherche à la saisir par des termes sans cesse noUveaux ... Le grand art qu'il mit au service de sa philosophie et de sa théologie, ille doit sarts doute dans une large mesure à sa bonne éducation dans les farines traditionnelles de la rhétorique antique ... Il est· vrai que ·ces ressources du langage avaient pour Augustin une tout autre signification que pour le rhéteur mQyen- de son époque ; tout d'abord pour cette simple raison qu'il avait quelque Chose à dire. Ce qui, chez le rhéteur vulgaire dégénère au point de devenir une fin en soi, devint chez Augustin le moyen le plus impor- tant pour la compréhension du seul mot juste et nécessaire. Il est incompa- rablement plus riche que les scolastiques latins médiévaux ... uploads/Philosophie/ dieu-vivant-11-pdf.pdf

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