TOMEcix.–1930 (?'8 5 et 6). Le physicien et le primitif i Mais alors, se demand
TOMEcix.–1930 (?'8 5 et 6). Le physicien et le primitif i Mais alors, se demandera-t-on, à quel processus est donc dû le progrès de la pensée, qui constitue, on ne saurait !o méconnaître un seul instant, la caractéristique la plus constante et la plus importante de son cheminement? Nous avons, dans nos travaux précédents, tenté de répondre à cette question, en ce qui concerne en particulier la pensée scien- tifique, et prendrons la liberté, avant de procéder plus loin, de résumer les conclusions .auxquelles nous étions parvenu. En recherchant l'explication d'un phénomène, ce que le phy- sicien poursuit en réalité, c'est la démonstration que l'état consé- quent ne différait point du précédent, mais peut au contraire être considéré comme lui étant identique. La science s'applique donc, en l'espèce, à rendre identiques, pour la pensée, des choses qui ont tout d'abord paru différentes à la perception. En élargissant cette observation, nous avions établi que le processus d'identification ne s'arrêtait pas au phénomène dans le temps, mais s'étendait aussi à la diversité coexistante, soit en faisant de la matière un concept purement spatial (comme l'a conçu Descartes et comme le conçoivent les relativistes avancés de nos jours), soit par le détour de l'unité de la matière, dont on fait ensuite dériver les atomes d'un étiier, lequel se révèle enfin lui-même comme étant une hypostase, un prête-nom de l'espace. Et, d'autre part, la démons- tration mathématique nous est apparue comme une suite d'iden- tifications d'une espèce très analogue, parce que composées essen- tiellement d'une « cascade d'égalités (selon l'expression très appropriée de Henri Poincaré), chaque égalité affirmant l'iden- tité, par un certain aspect, de termes qui, par ailleurs, étaient 1. Cespages sont extraites d'un livre intitulé Da cheminement de la p~s~c à paraître prochainement&la librairie F. Alcan,et fauteur s'excusedece qu'elles présententde très fragmentaire. 323 REVUE PHILOSOPHtQUE manifestement conçus comme différents l'un de l'autre. Enfin nous rappellerons encore qu'au cours de nos travaux nous avions pris soin de ne pas faire apparaître la raison scientifique comme se distinguant foncièrement de celle qui guide le philosophe ou l'homme de sens commun, que nous avions, tout au contraire, expressément affirme que les voies par lesquelles la raison procédait dans ces.trois domaines étalent, par essence, les mômes. Nous avions, en particulier, fait ressortir que l'ensemble de la conception du monde du sens commun doit être considère comme étant formé en vertu de processus entièrement analogues à ceux qui nous servent à constituer les hypothèses ontologiques de la science (et notamment, en ce qui concerne la science moderne, les hypothèses mécanistes et atomistiques). L'ensemble de ces .Idées repose sur cette conception que la raison humaine ne se contente point de constater le donné, ni même (contrairement à ce qu'affirme le positivisme) sa suc- cession régulière, légale, mais qu'aussitôt une perception reçue, elle en fait la base d'un raisonnement. Or, nous ne pouvons évidemment raisonner qu'en supposant, en postulant si l'on veut, que les choses auxquelles nous pensons se comporteront comme les concepts à l'aide desquels nous raisonnons; sans quoi rai- sonner constituerait l'effort le plus vain et le plus décevant, et l'humanité y aurait sans doute renoncé dès les premiers pas dans ce domaine, et n'eût, en tout cas, pu contracter une habitude qui, à certains anti-intellectualistes de l'heure actuelle, paraît si fâcheuse, mais qui n'en est pas moins caractéristique de l'homme. « Nous sommes entièrement enfermés en nos concepts, dit Herbart, et précisément parce que nous le sommes, ce sont des concepts qui décident de la nature réelle des choses a, et Orobisch cette pensée de son maître, en expliquant que Ml'application de la pensée à la connaissance des phénomènes de la nature et de notre esprit repose sur cette M présupposition que les lois formelles de la pensée ont une valeur non seulement sub- jective, mais encore objective, de telle sorte que ce que nous reconnaissons comme une conséquence logiquement nécessaire d'un fait doit réellement exister ou se produire dans la nature et dans notre esprit. C'est une des tâches principales de la métaphy- 1. Herhart,Schriften,etc. Leipzig,1830, vol.I, p. 221. E. MEYERSON. LE PHYSICIEN ET LE PRIMITIF 323 sique de déduire cette proposition en toute sa généralité, en partant du rapport entre la pensée et l'être. La recherche scienti- fique se contente de l'adopter comme hypothèse TrendelenLurg qui, à bien des points de vue, s'oppose à Herbart, est en cette matière d'un avis analogue. « La pensée, dit ce philosophe, est en quelque sorte l'organe suprême du monde et indique par conséquent, si on veut la saisir en ses formes, la nature des choses, qu'elle doit saisir et comprendre intellectuellement et il ajoute que « la logique procède dans la supposition tacite d'une harmonie établie entre les formes de la pensée et la chose », Que l'accord entre la raison et le réel constitue une affirmation sur laquelle repose le travail entier de l'intellect humain, c'est ce qui a d'ailleurs été reconnu dès l'aube de la spéculation philosophique. « Anaxagore et avant lui Hermotime, nous dit Aristote, ont proclamé que c'est une intelligence qui, dans la nature aussi bien que dans les êtres animés, est la cause de l'ordre et de la régularité qui éclatent partout dans le monder ..Ainsi tout raisonnement du moins en tant qu'il essaie de pénétrer dans la nature – constitue nécessairement une rationalisation de celle-ci, en ce sens qu'il tend à montrer que, par un côté, sa marche est conforme à celle de notre raison. En formulant un pourquoi?, en recherchant la cause d'un phénomène, ce que nous voudrions en réalité, c'est que l'on nous prouvât que les choses se sont passées comme notre raison]'eût exigé. Pénétrer la raison de ce qui se passe ou de ce qui existe, c'est évidemment saisir pourquoi il se passe ou existe ainsi et non autrement, en d'autres termes le comprendre, non en tant que simplement donné, mais en tant que nécessaire Les Grecs, certai- nement, concevaient que tout savoir véritable devait immanqua- blement se conformer à cette formule. Comme le constate Gaston Milhaud, ils a n'auraient mêmepas compris qu'on pût parler de science en donnant à ce mot une signification aussi restreinte » que celle impliquée par les théoriciens qui la considèrent comme un simple recueil de règles tirées de l'expérience. Les opinions des penseurs du moyen âge étaient, bien entendu, entièrement con- f. Drobiseh,Neue Darstellung der~t/f, Leipzig.1851,p. 8. 2. A.Trcndetenbur~.Logische Un~rMc~cn, 3" éd., Leipzig,t870 n 17,18. 3. Aristote,Métaphysique, livre I", chap.m, § 28. i .324 BEVUE t'HILOSOPfHpUE formes à celle de ces prédécesseurs; Bossuet, résumant l'enseigne- ment de l'école dans ce domaine, déclare que « quand on a trouvé l'essence, et ce qui répond aux idées, on peut dire qu'il est impos- sible que les choses soient autrement' )'. Milhaud ajoute que « s'ils sont devenus moins intransigeants à cet égard, les savants modernes montrent cependant une ardeur instinctive à perfectionner leur.science dans un sens qui peut se déunir d'un mot ils cherchent à transformer ce qui n'était qu'un registre de faits en une connaissance rationnelle~ ». Cela est on ne peut plus juste, et d'autres penseurs modernes encore ont, en dépit d'Auguste Comte, insisté sur l'action puissante de cette ten- dance rationalisante. Ainsi, pourllamilton,la simple connaissance de ce qui s'est passé ou de ce qui se passe d'habitude, la connais- sance « historique ou empirique ne suffit point à l'esprit de l'homme; il aspire en outre à la connaissance « philosophique ou scientifique, ou rationnelle 3», et le logicien Sigwart a, de son côté, fait ressortir cet aspect de la pensée scientifique~. Ainsi ce que nous cherchons, quand nous parlons de comprendre un phénomène, c'est à le concevoir comme nécessaire, à faire voir qu'il dépend nécessairement de jugements nécessaires comme le dit excellement M. Lalande~, en élucidant ce terme d'explication. Gicéron, déjà, avait défini le concept de cause en déclarant que <. Bossurt,OEuvres, Bar-le-Duc, 1863,vol.Xt!, chap. xxxvm,p. 51. 2. GastonMilhaud,LeRationnel, Paris, 1898,p. 2. 3. W. Hamillon,Lectures onm-top/tysMs, 6' éd., Londres,1877, vol.I, p. 58. 4. Sigwart,Logik,3° éd., Tubingue, i904, vol. U, p. t2-)S, 406-407, 433,446, 448,457, 47t. En dépitde ces très nombreuxexposéset de l'importancefonda- mentale qu'il attribue à cette idée, Sigwart nous semble en avoir distingue imparfaitementta portée réelle et n'avoir pas non plus saisi clairement la manièredont eliese rattache au concept mêmeduraisonnement(cf.par exemple, la manière dont il distingueentrel'inductionen tant que fait psychologique · et l'induction en tant que méthode logique et fait intervenir, à proposde la première,la notion d'une simple associationd'idées,à l'exemplede Hume (H, p. 4i9, 43t et suiv.). Cf. sur les opinionsde Riehl danscettequestion, Del'explication, p. 76. M. Goblotdéclare que « pour faire usage de notre rai- Mn, nous sommesobligésde nous co.mpnrter commesi nousétionsconvaincus de la rationalité de l'univers (Traitédelogique, Paris, t9i8, p. 327). Et bienque le contexte sembleindiquerque ce philosophepensaiten cetteoccasion surtout a la simpledétermination des phénomènes(c'est-à-dire, selonnotrenomenclature, à la légalité),le fait que, dans d'autrespassagesde son livre, il a insistésur ia « nécessitélogique que notre entendementcherche à découvrirà travers <l'ordreconstant permet,semble-t-il, de rapprocherses vuesde cellesdontnous parlonsdans le texte.. S.André Lalande, T'ocabulaire technique etcritiquedela philosophie, Paris, 1926. vol. p. 233. E. uploads/Philosophie/ emile-meyerson-le-physicien-et-le-primitif.pdf
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- Publié le Dec 08, 2022
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