Le but final de l’instauration d’un régime politique n’est pas la domination ni

Le but final de l’instauration d’un régime politique n’est pas la domination ni la répression des hommes, ni la soumission au joug d’un autre. Ce à quoi l’on a visé par un tel système, c’est à libérer l’individu de la crainte de telle sorte que chacun vive autant que possible, en sécurité ; en d’autres termes conserve au plus haut point son droit naturel de vivre et d’accomplir une action (sans nuire ni à soi-même ni à autrui). Non, je le répète, le but poursuivi ne sautait-être de transformer des hommes raisonnables en bêtes ou en automates ! Ce qu’on a voulu leur donner, c’est, bien plutôt, la pleine latitude de s’acquitter dans une sécurité parfaite des fonctions de leur corps et de leur esprit. Après quoi ils seront en mesure de raisonner plus librement, ils ne s’affronteront plus avec les armes de la haine, de la colère, de la ruse et ils se traiteront mutuellement sans injustice. Bref, le but de l’organisation en société, c’est la liberté ! SPINOZA Vous expliquerez ce texte. La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question. Etat et liberté d'expression Thème : l'Etat Question : Quelle est la finalité de l'Etat ? Thèse : La finalité de l'Etat c'est de garantir la liberté. Plan du texte : Structure de l'argumentation : Ce texte très court oppose deux points de vue, celui de HOBBES pour qui le but de l’Etat est la domination, et celui de SPINOZA pour qui le but de l’Etat est la liberté. - Première partie : lignes 1 à 6 - Spinoza rejette la thèse de Hobbes qui veut que la fonction de l’autorité politique soit la domination des citoyens car elle génère l'insécurité et l'injustice. - Deuxième partie – lignes 7 à 10 - Au contraire la fonction de l’autorité politique est de garantir aux hommes la liberté d'expression qui seule peut réaliser la paix indispensable à la vie en société. ● La discussion qui suit l’explication de texte doit s’appuyer sur la thèse du texte. Ici plusieurs axes de discussion sont possibles :  1. La liberté s’oppose-telle à la sécurité ?  2. Par quels moyens l’Etat peut-il garantir la liberté des citoyens ? (L’importance de la liberté d’expression et l’existence de contre-pouvoirs)  3. Garantir la liberté suffit-il à réaliser la justice ? (la justice sociale) Explication de texte détaillée – l’explication de texte doit suivre impérativement le texte pas à pas et respecter l’ordre d’exposition choisi par l’auteur. Phrase 1 : Le but final de l’instauration d’un régime politique n’est pas la domination ni la répression des hommes, ni la soumission au joug d’un autre. Méthode - Ici il est important de bien repérer la tournure de la phrase « n’est pas » « ni…ni ». La difficulté de cette première phrase réside dans le fait que Spinoza s’oppose à une thèse qu’il s’agit pour nous de poser dans un premier temps sous la forme affirmative : Le but de l’Etat est la domination des hommes. Dans cette première phrase, Spinoza pose la thèse de HOBBES et la rejette (''n'est pas"). Le but de l’Etat « n’est pas" la domination des individus, c’est-à-dire la création d’un ordre social qui exerce un pouvoir contraignant sur les individus. Pourquoi HOBBES défend-il l’idée que la loi doit être une puissance contraignant la volonté des individus ? Phrase 2 - Ce à quoi l’on a visé par un tel système, c’est à libérer l’individu de la crainte de telle sorte que chacun vive autant que possible en sécurité ; en d’autres termes conserve au plus haut point son droit naturel de vivre et d’accomplir une action (sans nuire à soi-même ni à autrui). Pour Hobbes l’instauration du droit s’oppose au règne de la violence. Le droit garantit aux hommes la sécurité indispensable à la vie. Ainsi la domination est légitime car elle repose sur un droit naturel universel, celui de vivre. En effet pour Hobbes l’homme à l’état de nature est un être pulsionnel, porté à satisfaire par tous les moyens ses intérêts. Cet égoïsme naturel est source de conflits et rend impossible toute vie sociale, faisant de l’état de nature un état de « guerre de tous contre tous ». Il est donc nécessaire de faire obstacle par la contrainte à la nature pulsionnelle de l'homme. La vie en société exige des hommes qu'ils renoncent à leur liberté naturelle de faire ce qu’ils veulent (liberté de mouvement) pour se mettre sous l’autorité de la loi. La domination est donc doublement fondée. D’abord parce qu’elle est la conséquence du pacte social par lequel les hommes choisissent librement de renoncer à leur liberté de mouvement pour se mettre sous l’autorité du despote [1]. Ensuite parce que la loi est en accord avec l’ordre universel de la nature. Phrase 3 : Non je le répète, le but poursuivi ne saurait être de transformer les hommes en bêtes ou en automates ! Dans cette phrase, Spinoza insiste sur son rejet de la thèse de Hobbes « Non je le répète ». L’argument qui fonde son rejet est que la domination fait des hommes des sujets c'est-à-dire des êtres assujettis, obéissants, semblables à des « bêtes ou [des] automates » privés de volonté et de la capacité de penser ce qu’ils font. La domination prive les hommes de leur humanité. On retrouvera un siècle plus tard cette critique dans le Contrat social de Rousseau : nul ne peut renoncer à sa liberté car être privé de liberté c'est être privé de sa qualité d'homme. Phrase 4 - Ce qu’on a voulu leur donner, c’est, bien plutôt, la pleine latitude de s’acquitter dans une sécurité parfaite des fonctions de leur corps et de leur esprit. Spinoza ne nie pas que les hommes ont besoin de sécurité pour vivre et qu’il est du rôle de l’Etat de garantir cette sécurité, mais pour Spinoza la sécurité d'un individu ne se limite pas à la sécurité de son intégrité physique et à la protection de ses biens. Assurer la sécurité d’un individu c’est lui garantir non seulement qu’il pourra disposer librement des fonctions de son corps mais aussi de celles de son esprit. C’est-à-dire qu’il pourra sans contrainte faire usage de sa raison. Or il est dans la nature de la raison de poursuivre une exigence de vérité et de justice. Par conséquent la raison possède naturellement une fonction critique qui la pousse à examiner le fondement des valeurs qui structurent et soutiennent l’ordre social, ceci dans un but de justice. Il n'y a de sécurité que dans la justice. Par conséquent la sécurité de l’individu est indissociable de la liberté d’expression. Elle découle de la liberté d'expression. Si le modèle politique de Hobbes est insatisfaisant c’est parce qu’il refuse aux individus cette liberté d'expression seule garante de la justice et les expose par conséquent à l’arbitraire et à la violence éventuelle du pouvoir en place. Phrase 5- Après quoi ils seront en mesure de raisonner plus librement, ils ne s’affronteront plus avec les armes de la haine, de la colère, de la ruse et ils se traiteront mutuellement sans injustice. Pour Spinoza l’autorité de la loi ne repose pas sur l’usage de la force mais sur l’usage de la raison. Le droit doit garantir les conditions du débat public ; chacun doit pouvoir exposer ses arguments sans avoir besoin de recourir à l’usage de la force pour se faire entendre, ou sans craindre en représailles la violence d’autrui. C’est pour cela que les hommes se « traiteront mutuellement sans injustice » car la violence est la première des injustices. Contrairement à la monarchie absolutiste de Hobbes, dans la république de Spinoza, le monarque ne fait pas exception, il n’est pas « hors la loi ». Ses décisions doivent pouvoir être discutées par le peuple. C’est là la garantie qu’elles seront justes, c’est-à- dire dans l’intérêt de tous et non pas d’un seul, par suite le monarque n’aura pas besoin de la force pour les faire appliquer. De leur côté, les citoyens trouvant leur intérêt dans la loi, obéiront à la loi sans y être contraints. Phrase 6 - Bref le but de l’organisation en société, c’est la liberté. [1] Despote : personne qui exerce une domination sur son entourage ; Chef d’Etat qui s’arroge un pouvoir absolu, sans contrôle. uploads/Philosophie/ etat-liberte-spinoza.pdf

  • 21
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager