Ill • .. • GILLES DELEUZ Spinoza Philosophie pratique *m LES ÉDITIONS DE MINUIT
Ill • .. • GILLES DELEUZ Spinoza Philosophie pratique *m LES ÉDITIONS DE MINUIT GILLES DELEUZE Spinoza Philosophie pratique La phtlosophi théonque de Spm esl une d s lent radtcales pour constituer une ontologte pur absolument tnhme, t u 1 · a tributs, 1 êt man•èr d ëtre d cette substance M 1 ont log1e appelle-t-elle Eth1qu ? Ou 1 rapport y ont fau 1 scanddle du spm zlsme, L:élhKtU est 1 uqu d mamèr d re Cest une éthologie. non pas un l:opposltion d l'éthique avec la moral , 1 li n d éth1qu avec la proposilton ontol~1que !'Ont l'obi qui pr ~ nt , de ce point de vue un dictionn, r 1 conc rne 1mmédl que 1 philos ph ? plu nt DU~AUTEUR PRt.~ENTATION DE SACHER·MASOCH, 1967 SPINOZA ET LE PROBlDtE DE L'EXPRESSION, 1968 l...oGIQUE DU SENS, 1969 L'ANTI-ŒDIPE (avec Félix Guattari), 1972 KAFKA ·Pour une littérature mineure (avec Félix Guattari), 1975 RHIZOME (avec Félix Guattari), 1976 (repris dans Milk pût~au) SUPERPOSITIONS (avec Carmelo Bene), 1979 MILLE PLATEAUX (avec Félix Guattari), 1980 SPIN07..A • PIIILOSOPHIE PRATIQUE, 1981 ONâtA 1 . L'IMAGE-MOUVEMENT, 198J CINrMA 2. L'IMAGE-n:MPS, 1985 FoucAULT, 1986 PtRICLt.~ ET VERDI. La philosophie de François Châtelet, 1988 LE PLI. Leibniz et Je baroque, 1988 PoURPARLERS, 1990 ~'EST-CE QUE LA PUILOSOPIUE? (avec Félix Guattari), 1991 L EPI.JIS~ (in Samuel Beckett, QwJJ. 1992 CRITIQUE ET CLINIQUE, 199J L'ILE D~ERTE ET AlJTRES TEXTES. Textes et entretiens 19~H-1974 (édition préparée par David Lapoujade), 2002 DEUX RffiiMES DE FOUS. Textes et entretiens 1975-1995 (édition préparée par David Lapoujade), 200J Aux P.U.F. EMPIRISME ET SUBJI::CTIVIrt, 195J NIE'f'Z.';CI!E ET LA PHILOSOPHIE, 1962 LA PHILOSOPHIE DE KANT, 196J PROUST ET LES SIGNES, 1964 • éd. augmentée, 1970 NII:.TlSŒE, 1965 LE BERGSONISME, 1966 DIFFtREN<:E ET W>rnTION, 1969 Aux Bütions F/4,1Jrion DIALOGUES (en collaboration avec Claire Parnetl, 1977 Aux Éditions till Seuil FRANCIS BACON: LOGIQUE DE LA SENSATION, (1981), 2002 GILLES DELEUZE Spinoza Philosophie pratique· *m LES i::DITIONS DE MINUIT La première édition de ce livre a paru aux Presses Universitaires de France (1970). Elle est repriSe ici, modifiée et augmentée de plusic.urs chapitres WL V et VI). C 1981/2003 by LEs '&>mONS DE MINuiT 7, rue Bernard-Palissy, 75006 Paris www.lescditionsderninuit.fr En application de la loi du 11 mars 1957, il cs! interdit de reproduire intégralement ou particllcmcn! le présent ouvrage sans autorisation de l'éditeur ou du Centre français d'exploi!ation du droit de copie, 20, rue des Grands-Augus!ins, 75006 Paris. ISBN 2-7073-1844-2 c Dites-moi ce qui vous a conduit à lire Spinoza. Le fait qu'il était juif ? - Non, Votre Honneur, je ne savais même pas qu'il l'était quand je suis tombé sur son livre. Et d'ailleurs si vous avez lu l'histoire de sa vie, vous avez pu voir qu'à la synagogue on ne l'aimait guère. J'ai trouvé le volume chez un brocanteur à la ville voisine ; je l'ai payé un kopek en m'en voulant sur le moment de gaspiller un argent si dur à gagner. Plus tard j'en ai lu quelques pages, et puis j'ai continué comme si une rafale de vent me poussait dans le dos. Je n'ai pas tout compris, je vous l'ai dit, mais dès qu'on touche à des idées pareilles, c'est comme si on enfourchait un balai de sorcière. Je n'étais plus le même homme ... - Voudriez-vous m'expliquer la signification qu'a pour vous l'œuvre de Spinoza ? En d'autres termes, si c'est une philosophie, en quoi consiste- t-elle? ... - Ce n'est pas facile à dire ... Selon le sujet traité dans les divers chapitres et bien que tout se tienne souterrainement, le livre signifie différentes choses. Mais je crois qu'il signifie surtout que Spinoza vou- lut faire de lui-même un homme libre - aussi libre que possible vu sa philosophie, si vous voyez ce que je veux dire - et cela en allant jusqu'au bout de ses pensées, et en reliant tous les éléments les uns aux autres, si Votre Honneur veut bien excuser ce galimatias. - Ce n'est pas une mauvaise manière d'aborder le problème. A travers l'homme plutôt qu'à travers son œuvre. Mais ... :. MALAYUD, The Fixer (L'homme de Kiev, Ed. du Seuil, p. 75-76). CHAPITRE PREMIER VIE DE SPINOZA Nietzsche a bien vu, pour l'avoir vécu lui-même, ce qui fait le mystère de la vie d'un philosophe. Le philosophe s'empare des vertus ascétiques - humi- lité, pauvreté, chasteté - pour les faire servir à des fins tout à fait particulières, inouïes, fort peu ascétiques en vérité 1• Il en fait l'expression de sa singularité. Ce ne sont pas chez lui des fins morales, ni des moyens religieux pour une autre vie, mais plutôt les c effets :. de la philosophie même. Car il n'y a pas du tout d'autre vie pour le philosophe. Humilité, pauvreté, chasteté deviennent dès mainte- nant les effets d'une vie particulièrement riche et surabondante, suffisamment puissante pour avoir conquis la pensée et s'être subordonné tout autre instinct - ce que Spinoza appelle la Nature : une vie qui ne se vit plus à partir du besoin, en fonction des moyens et des fins, mais à partir d'une produc- tion, d'une productivité, d'une puissance, en fonc- tion des causes et des effets. Humilité, pauvreté, chas- teté, c'est sa manière à lui (le philosophe) d'être un 1. Nietzsche, Généalogie de la morale, m. 9 Grand Vivant, et de faire de son propre corps un temple pour une cause trop orgueilleuse, trop riche, trop sensuelle. Si bien qu'en attaquant le philosophe on se donne la honte d'attaquer une enveloppe modeste, pauvre et chaste ; ce qui décuple la rage impuissante; et le philosophe n'offre aucune prise, bien qu'il prenne tous les coups. Là prend tout son sens la solitude du philosophe. Car il ne peut s'intégrer dans aucun milieu, il n'est bon pour aucun. Sans doute est-ce dans les milieux démocratiques et libéraux qu'il trouve les meilleures conditions de vie, ou plutôt de survie. Mais ces milieux sont seulement pour lui la garantie que les méchants ne pourront pas empoisonner ni mutiler la vie, la séparer de la puissance de penser qui mène un peu plus loin que les fins d'un Etat, d'une société et de tout milieu en général. En toute société, montrera Spinoza, il s'agit d'obéir et rien d'autre : c'est pourquoi les notions de faute, de mérite et de démérite, de bien et de mal, sont exclusivement sociales, ayant trait à l'obéissance et à la désobéis- sance. La meilleure société sera donc celle qui exempte la puissance de penser du devoir d'obéir, et se garde en son propre intérêt de la soumettre à la règle d'Etat, qui ne vaut que pour les actions. Tant que la pensée est libre, donc vitale, rien n'est compromis ; quand elle cesse de l'être, toutes les autres oppressions sont aussi possibles, et déjà réa- lisées, n'importe quelle action devient coupable, toute vie menacée. Il est certain que le philosophe trouve dans l'Etat démocratique et les milieux libé- raux les conditions les plus favorables. Mais en aucun cas il ne confond ses fins avec celles d'un Etat, ni avec les buts d'un milieu, puisqu'il sollicite dans la pensée des forces qui se dérobent à l'obéissance comme à la faute, et dresse l'image d'une vie par- 10 delà le bien et le mal, rigoureuse innocence sans mérite ni culpabilité. Le philosophe peut habiter divers Etats, hanter divers milieux, mais à la manière d'un ermite, d'une ombre, voyageur, locataire de pensions meublées. C'est pourquoi il ne faut pas imaginer Spinoza rompant avec un milieu juif sup- posé clos pour entrer dans des milieux libéraux supposés ouverts, christianisme libéral, cartésia- nisme, bourgeoisie favorable aux frères de Witt ... Car, partout où il aille, il ne demande, il ne réclame, avec plus ou moins de chance de succès, que d'être toléré, lui-même et ses fins insolites, et juge à cette tolérance du degré de démocratie, du degré de vérité, qu'une société peut supporter, ou bien au contraire du danger qui menace tous les hommes. Baruch de Spinoza naît en 1632 dans le quartier juif d'Amsterdam, d'une famille de commerçants aisés, d'origine espagnole ou portugaise. A l'école juive il fait des études, théologiques et commerciales. Dès treize ans, il travaille dans la maison de com- merce de son père tout en poursuivant ses études (à la mort de son père, en 1654, il la dirigera avec son frère, jusqu'en 1656). Comment opéra la lente conversion philosophique qui le fit rompre avec la communauté juive, avec les affaires, et le conduisit à l'excommunication de 1656? Nous ne devons pas imaginer homogène la communauté d'Amsterdam ; elle a autant de diversité, d'intérêts et d'idéologies que les milieux chrétiens. Elle est en majorité com- posée d'ex-marranes, c'est-à-dire de juifs ayant pra- tiqué extérieurement le catholicisme en Espagne et au Portugal, et qui durent émigrer à la fin du XVIe siècle. Même sincèrement attachés à leur foi, ils sont imprégnés d'une culture philosophique, scientifique et médicale qui ne se concilie pas sans peine avec le judaïsme rabbinique traditionnel. Le 11 père de Spinoza semble uploads/Philosophie/ gilles-deleuze-spinoza-philosophie-practique-francais.pdf
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- Publié le Jul 22, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
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