1er point de méthode : le but d’une introduction  situer le texte à l’intérieu

1er point de méthode : le but d’une introduction  situer le texte à l’intérieur d’un problème, mettre en évidence ce qui fait sa singularité à l’intérieur de ce problème, et présenter sa structure argumentative. Extrait du Gorgias de Platon, célèbre dialogue sur la rhétorique, mais qui traite aussi – et surtout – des questions morales (la justice, le bonheur) et politiques (le pouvoir). Ici, discussion entre Socrate et Calliclès (après Gorgias, puis Polos). On peut rappeler (si on le connaît) le sens du dialogue socratique  recherche en commun d’une vérité, qui passe par la confrontation (questions/réponses), la réfutation, et si possible par l’évolution des idées de chacun. 2ème point de méthode : l’utilisation des connaissances extérieures au texte. Intérêt de cet extrait = ce n’est pas la thèse de Socrate (donc de Platon) qui est développée, mais plutôt celle de Calliclès, qui est présentée et discutée. Texte dont l’objectif est plus critique, voire polémique, que doctrinal (même si certains points importants de la conception de Socrate apparaissent). Donc très bonne illustration de la démarche socratique en tant que méthode de questionnement, remise en cause, examen des idées, particulièrement radicale ici, en raison de la forte opposition entre les 2 interlocuteurs, mais aussi de l’attitude de Calliclès et surtout des enjeux du débat. En effet, la question abordée = qu’est-ce qu’une vie heureuse ? et en particulier, quelle place ont le plaisir et le désir dans cette vie heureuse ? Engage donc la définition du bonheur. Idée que défend Calliclès : le bonheur consiste à assouvir ses désirs, à rechercher et éprouver toutes les formes de plaisir. Et il peut sembler logique, à première vue, d’associer les notions de satisfaction, de plaisir, de contentement à celle de bonheur. Pourtant, Socrate remet en question cette définition, en interrogeant Calliclès : celui qui réalise ses désirs est-il nécessairement heureux ? N’y a-t- il pas d’autres critères à prendre en compte pour considérer qu’une vie est heureuse ? Le thème de la discussion est donc assez classique ; en revanche, son traitement ne l’est pas du tout. Ainsi, après une rapide exposition de la position de Calliclès (lignes 1 à 8), qui défend ce que l’on pourrait appeler un hédonisme radical, Socrate mène son interrogation critique à partir d’un exemple à la fois inattendu, ironique, et dérangeant, voire choquant, pour son interlocuteur : l’homme qui se gratte, qui passe sa vie à se gratter, est-il heureux ? En poussant jusqu’au bout la logique de l’hédonisme, Socrate tente ainsi d’en montrer les limites (lignes 8 à 25). La dernière partie de l’extrait (lignes 26 à 31) consomme la rupture entre les deux interlocuteurs, qui s’accusent mutuellement de dégrader le débat, et dessine les contours de la conception socratique du bonheur. I. EXPOSITION DE LA THESE DE CALLICLES : la vie bonne, heureuse, consiste en la satisfaction des désirs, et dans l’expérience de la jouissance, du plaisir (thèse que l’on peut considérer comme un HEDONISME RADICAL ET AMORAL) Extrait de la chanson The pleasure song de Marianne Faithfull ? 1er élément important : la réflexion sur le plaisir, la délimitation de son champ, de ses objets 3ème point de méthode : l’importance du travail conceptuel - Les questions de Socrate portent plutôt sur des plaisirs primaires, liés à la satisfaction des besoins biologiques (avoir faim, avoir soif)  lien entre plaisir et corps - La réponse de Calliclès est beaucoup plus large : la notion de plaisir renvoie à « toutes les formes de désirs », à leur « assouvissement », à l’expérience de la « jouissance ». L’apparition du concept de « désir », ici, montre qu’il ne s’agit pas seulement des besoins naturels ou même des plaisirs corporels  le désir [rappeler la définition] se porte sur des objets matériels ou immatériels, réels ou fictifs… Les termes « jouissance » et « assouvir », eux, renvoient à l’idée de satisfaction mais aussi de consommation : le désir vaut à la fois pour le sentiment qui l’accompagne) et, surtout, pour sa satisfaction, sa réalisation (à distinguer) : le bonheur consiste à assouvir ses désirs. D’où 2ème élément clé : la question du bonheur, la vie heureuse, la vie bonne  la conception de Calliclès s’inscrit dans ne question centrale de la philosophie pratique, morale, éthique, depuis l’Antiquité : Qu’est-ce qu’une vie heureuse ? Comment atteindre la félicité ? [rappeler la définition du bonheur]. La thèse de Calliclès rejoint une conception assez communément partagée : est heureux celui qui réalise ses désirs. Il faut distinguer cette conception des théories qui accordent une valeur au désir indépendamment de sa réalisation, par exemple en raison de son lien avec l’imagination ou la création. Subtilité toutefois : « éprouver toutes les formes de désirs » fait aussi partie de la vie heureuse, selon Calliclès. On peut se demander pourquoi : est-ce parce que le désir éveille en nous la passion, l’excitation, des états affectifs intenses, puissants ? Est-ce parce que le désir est le moteur qui nous pousse à agir, l’aiguillon de l’ambition, voire de l’élévation ? 4ème point de méthode : lire un texte, c’est aussi l’interroger, faire des hypothèses interprétatives, en les justifiant. Si on connaît l’œuvre, on peut rappeler que le reproche que Calliclès fait à Socrate = défendre une conception du bonheur qui revient à vivre comme une pierre, sans rien éprouver. Donc il y a une forme d’exaltation de la passion, du sentiment, et surtout de la puissance qui les caractérisent, à travers cette glorification du désir. Cette conception hédoniste est profondément amorale (voire, peut-être immorale ?) : elle considère comme heureuse toute vie de jouissance, quel que soit le type de jouissance. Si on connaît l’œuvre : il s’agit d’une remise en question de la thèse défendue auparavant par Socrate, selon laquelle le tyran est malheureux. Pour Calliclès, celui qui exerce sa puissance, sa domination, et en tire du plaisir, est pleinement heureux. D’où 3ème point à souligner : l’apparition de la thématique de la « honte », qui reviendra plusieurs fois dans cet échange  Socrate constate que Calliclès « ne ressent pas la moindre honte » à soutenir cette thèse. L’hédonisme « décomplexé » de son interlocuteur justifie, à ses yeux, qu’à son tour il ne soit pas tenu de « se sentir gêné ». La discussion polie, policée, qui était clairement contenue jusqu’à présent dans les limites de la bienséance, prend alors une toute autre tournure. II. LA DISCUSSION AUTOUR DE « L’HOMME QUI SE GRATTE » : un exemple apparemment insolite, mais qui éclaire les enjeux de l’opposition entre Socrate et Calliclès. 4ème point de méthode : mettre en lumière l’originalité, la singularité, la portée du texte. 1er élément à commenter : le caractère provocateur, « extravagant », de cet exemple, qui introduit une rupture nette dans le ton du dialogue. Parler de démangeaison, de l’homme qui se gratte « la tête » et « tout le reste », est très inattendu et a un effet très puissant : Calliclès est déstabilisé, choqué par l’audace de Socrate, la vulgarité de ses allusions, son manque de « honte », de retenue. Comment expliquer ce choix ? - Dimension provocatrice de la réflexion philosophique en général, qui s’attaque aux préjugés, ne craint pas de heurter la pensée, etc. Cette « transgression » par rapport aux conventions peut être considérée comme l’une des expressions de la liberté philosophique. Cf. aussi ironie socratique. - C’est aussi une manière de pousser Calliclès dans ses retranchements, le forcer à assumer toutes les conséquences de sa position : il prétend défendre une conception décomplexée de la jouissance sous toutes ses formes, en l’opposant à la timide morale de Socrate (et de ceux qui n’ont pas la force d’assouvir leurs désirs, selon lui). Il doit donc, en toute logique, revendiquer aussi les plaisirs vulgaires, et les intégrer à sa théorie du bonheur, s’il veut être cohérent. D’ailleurs, Calliclès admet en partie, à contrecœur, que l’homme qui se gratte, s’il en éprouve du plaisir, est heureux. - La défense de Calliclès consiste à prétendre démasquer le « démagogue », l’« orateur de foule » derrière le philosophe. Intéressant car renvoie aux frontières, pas toujours nettes, entre rhétorique (thème du Gorgias) et philosophie, convaincre et persuader. Mais la différence fondamentale = là où le démagogue flatte, séduit, charme, le philosophe gène, met mal à l’aise, choque. 2ème point essentiel : le sens, le contenu philosophique de cette figure de « l’homme qui se gratte » - La démangeaison est d’abord l’archétype du plaisir vulgaire. Se gratter « la tête » et « tout le reste » = attitude qui, précisément, génère habituellement de la honte, ramène l’homme à son animalité, incapacité à contrôler ses réactions corporelles, ses instincts (cf. image de la masturbation, référence aux « êtres obscènes »). En général, on n’ose pas se gratter en public ! Par l’éducation, on apprend à se tenir, se retenir, se contenir, à réserver à la sphère de l’intimité ces gestes disgracieux. Extrait de la chanson La petite puce uploads/Philosophie/ explication-de-texte-gorgias-sophie-laveran.pdf

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