EXPLICATION DE TEXTE III : BEAUMARCHAIS, Le Mariage de Figaro, Acte V, Scène 3,

EXPLICATION DE TEXTE III : BEAUMARCHAIS, Le Mariage de Figaro, Acte V, Scène 3, extrait du monologue INTRODUCTION : Contextualisation littéraire et historique : faite par les élèves Présentation précise de l’extrait du monologue : Figaro se trouve dans une situation affective difficile : il croit en effet que Suzanne l’a trahi en ayant accepté un rendez-vous avec le comte, pour le soir-même, sous les marronniers du parc. Solitaire, il se laisse aller à une très longue réflexion sur les mésaventures de sa vie. Ce bilan se justifie par un profond sentiment d’échec personnel. Lucide et amer, il se livre à une réflexion sur la destinée humaine et dresse un violent réquisitoire contre la société de son temps. Problématique : nous nous demanderons en quoi le récit des aventures du valet Figaro permet de faire une véritable analyse sociale et philosophique de son époque. DIDASCALIE INITIALE : met en place l’atmosphère de la scène = registre tragique suggéré par le ton (« le plus sombre ») et le lieu (obscurité ») et la solitude du protagoniste (« seul ») + monologue à visée philosophique qui traduit une réflexion sur le sens de l’existence (= poids de la fatalité dans la vie du valet) LIGNES 1 à 6 : UN REQUISITOIRE CONTRE LES PRIVILEGES L 1 -2 : le comte Almaviva, objet de la critique de Figaro ; monologue prononcé à son intention (interpellation directe par le pronom personnel « vous » + question directe, phrase simple percutante « Qu’avez-vous fait pour tant de biens ? »). Effet oratoire qui vise à rendre présent celui qui est absent. + dénonciation polémique des privilèges liés à la naissance : rapprochement des expressions parallèles « grand seigneur » / grand génie » qui forment de fait une forme d’antithèse ironique ; énumération des avantages de la Noblesse qui induit une relation de cause, « Noblesse », à effet « fortune, un rang, des places ». + remise en cause des préjugés des nobles : opposition entre le verbe d’état « vous êtes », et le verbe de jugement « vous vous croyez » ; l’orgueil du comte est souligné par le superlatif absolu « si fier ». L 3 : dénonciation de la primauté de la naissance sur le mérite personnel : expression ironique « donné la peine de naître » + adjectif dépréciatif « assez ordinaire » qui dévalorise le statut du comte. Notons l’antithèse « tant de biens // rien de plus » qui renforce la dénonciation de l’injustice sociale : c’est le rang et non la valeur personnelle qui compte sous l’Ancien Régime. L3-5 : la plainte douloureuse d’un roturier sans naissance : la proposition sub conjonctive circonstancielle d’opposition « tandis que moi… » dénonce une société impitoyable avec les petits ; registre pathétique par l’expression personnelle des sentiments (interjection « morbleu » + 1° personne du singulier qui s’oppose au « vous » accusateur des premières lignes + expression très lyrique et métaphorique « perdu dans la foule obscure ») + lutte quotidienne éperdue pour survivre : opposition saisissante entre les efforts et stratégies consentis (hyperbole dans la comparaison « plus de science et de calculs […] depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes) et les piètres résultats « subsister seulement » (= adverbe à valeur restrictive) LIGNES 6 à 7 : RETOUR A LA SITUATION PRESENTE : LES COMMENTAIRES PATHETIQUES DE FIGARO : ils rappellent le cours de l’intrigue = l’attente de sa fiancée Suzanne (quiproquo par l’échange des identités féminins pour démasquer et faire chuter le comte) et traduisent la souffrance sincère d’un homme amoureux blessé qui se croit trahi « le sot métier de mari » ; proposition subordonnée circonstancielle de concession « quoique je ne le sois qu’à moitié » + effet de suspense (= effet de dramatisation de la scène) renforcé par les points de suspension qui entrecoupent ses commentaires et la référence à l’heure nocturne : la nuit est noire en diable » ; allusion au Mal ? LIGNES 8 à 23 : LE RECIT DE LA VIE D’AVENTURES DE FIGARO LE PICARO L 8- 9 : Les aléas de la destinée : exclamation philosophique de Figaro, impuissant face à son sort : « Est-il rien de plus bizarre que ma destinée ! » + didascalie « il s’assied sur un banc » qui indique que le personnage fait une pause (= questionnement sur son identité) + Une naissance marquée par la fatalité : Figaro fait le sommaire par énumération de l’histoire de sa vie en remontant à la cause de tout son malheur : le rapt à la naissance et l’absence de reconnaissance par la société : pas d’identité, « Fils de je ne sais qui » + un apprentissage précoce de la malhonnêteté « élevé par leurs mœurs [bandits] » = analyse d’une forme de déterminisme social qui condamne à l’échec à cause de son milieu d’origine. L 9- 18 : une succession d’échecs : le récit funeste des expériences de Figaro est marqué par le poids de la fatalité ; l’énumération de toutes ces actions est construite sur un schéma parallèle, de l’essai à l’échec = la conjonction de coordination ET fait le lien entre ces deux étapes : « et me voilà faisant le sot métier de mari » (l 7) / « et partout je suis repoussé » / « et tout le crédit d’un grand seigneur » / « et voilà ma comédie flambée » + l’éclectisme de Figaro : la diversité de ses expériences en fait un valet hors-normes qui se retrouve dans cette basse condition par accident : - L 10-12 : études scientifiques et médicales (« la chimie, la pharmacie, la chirurgie) qui ne mènent qu’à un métier dégradé : métonymie « à peine me mettre à la main une lancette vétérinaire » (= fonction d’aide vétérinaire) ; son échec est décrit par une touche ironique (= autodérision) : « las d’attrister des bêtes malades » - L 12- 13 : passion pour le théâtre : « je me jette à corps perdu dans le théâtre », « je broche une comédie » ; nouvel échec annoncé par l’expression métaphorique familière et ironique « mis une pierre au coup ! » - L 13- 14 : référence indirecte et élogieuse à Voltaire, penseur des Lumières par la mention de la « comédie dans les moeurs du sérail » : sa pièce Mahomet a été retirée de l’affiche après trois représentations sur les instances de l’Eglise. + Dénonciation de la censure et de l’absence de liberté d’expression : - L 13-14 : la question épineuse de la critique de la religion est soulevée : expression verbale « affronter Mahomet » qui présente le théâtre comme une tribune politique + le CC Cause « auteur espagnol, je crois pouvoir affronter » qui fait référence au contournement traditionnel de la censure. - L14-16 : critique virulente contre les censeurs anonymes et obscurs qui interdisent les comédies : « un envoyé de je ne sais où » + utilisation des hyperboles (énumération fantaisiste de la totalité des pays orientaux qui se liguent pour condamner la pièce de Figaro). - L16-18 : réquisitoire polémique contre le pouvoir en place : la négation « dont pas un ne sait lire » souligne l’ignorance des nobles au pouvoir ; leurs abus de pouvoir violents sont dénoncés par l’image très éloquente « meurtrissent l’omoplate », qui fait référence aux châtiments corporels qui accompagnent les procès + la formule généralisante en forme de maxime « Ne pouvant avilir l’esprit, on se venge en le maltraitant » résume le bel esprit de Figaro qui parle comme un philosophe des lumières en lutte contre les forces de l’obscurantisme. L 18-23 : la dénonciation du pouvoir de la justice : les échecs de Figaro constituent une double peine ; ses ennuis professionnels se muent en problèmes matériels : le portrait en action, « je voyais de loin arriver l’affreux recors », très vivant de l’huissier impitoyable est dressé par un seul détail physique, « la plume fichée dans sa perruque » ; l’effet d’hypotypose est saisissant. La menace de la faillite de figaro est rendue très concrète et vise à apitoyer le public. CONCLUSION : cet extrait du très célèbre monologue de Figaro montre que le valet traditionnel de comédie, personnage-type, s’est métamorphosé en un homme libre qui interroge le monde et sa propre conscience. Ce valet philosophe, par l’indépendance de sa pensée et son impertinence, dénonce une société de privilèges, de corruptions et d’injustices qui va bientôt basculer dans la période de la Révolution. Mais ce roturier politique et cultivé n’en demeure pas moins un homme amoureux et sincère, guidé par ses émotions et ses sentiments ; le dénouement de cette comédie est heureux et se termine en chanson : le dernier couplet du vaudeville de la pièce l’atteste : « Or, messieurs, la comédie, Que l’on juge en cet instant, Sauf erreur, nous peint la vie, Du bon peuple qui l’entend. Qu’on l’opprime, uploads/Philosophie/ explication-de-texte-iii-figaro.pdf

  • 39
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager