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HAL Id: hal-00175652 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00175652 Submitted on 29 Sep 2007 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Le Contre les géomètres de Sextus Empiricus : sources, cible, structure Guillaume Dye, Bernard Vitrac To cite this version: Guillaume Dye, Bernard Vitrac. Le Contre les géomètres de Sextus Empiricus : sources, cible, struc- ture. Phronesis - A Journal for Ancient Philosophy, Brill Academic Publishers, 2009, 54, pp.155-203. ￿hal-00175652￿ 1 Le Contre les géomètres de Sextus Empiricus : sources, cible, structure* Guillaume Dye, Université Libre de Bruxelles (ULB), Faculté de philosophie et lettres Bernard Vitrac, Paris, Centre Louis Gernet, CNRS UMR 8567 L’objet du présent article est de clarifier un certain nombre d’aspects du Contre les géomètres de Sextus Empiricus. Ce traité, qui fait partie d’un ouvrage polémique plus vaste1, le Contre les professeurs (Πρό~ µαθηµŁaτικού~), dirigé contre les « études » (µαθήµataŁ), ou « arts libéraux » (ejleuvqerai τέχναι) (M II, § 57)2, reste en effet un texte énigmatique, qui n’a pas reçu l’attention qu’il mérite3, alors qu’il constitue une source remarquable pour l’historien des mathématiques, et représente une attaque ingénieuse, pour ne pas dire roublarde, de la géométrie ou, plus précisément, d’un certain usage de la géométrie. Les arguments de Sextus ont été évalués de manières très divergentes. Le jugement sans doute le plus répandu, et en même temps le plus négatif, est bien exprimé par Savile et Montucla, qui considèrent que les arguments de Sextus sont insignifiants et purement sophistiques, et révèlent une incompréhension à peu près totale des notions et des procédures fondamentales de la géométrie4. Mieux inspiré – mais dans une optique totalement étrangère à Sextus –, Leibniz voit dans les arguments sceptiques, et dans ceux de Sextus en particulier, un puissant aiguillon pour purger les définitions géométriques des éléments intuitifs et physiques qui les contaminent encore5. * Une première version de ce travail a été présentée dans le Séminaire « Valeurs et usages des arts (tevcnai, artes) » du centre Louis Gernet (séance du 31-01-2005). Nous remercions les participants pour leurs stimulantes remarques, ainsi que Fabio Acerbi, Thomas Bénatouïl et Ian Mueller qui ont lu le texte qui en était issu. Ils nous ont permis de clarifier et d’améliorer notablement un certain nombre de points. 1 Nous utilisons les abréviations suivantes pour les œuvres de Sextus : PH pour les Hypotyposes, ou Esquisses, pyrrhoniennes, M pour Contre les professeurs, suivies du numéro du livre et de la section. On sait que les œuvres de Sextus qui nous sont parvenues (certaines sont perdues) ont été regroupées en deux groupes dans les manuscrits médiévaux (Hypotyposes pyrrhoniennes en trois livres et Contre les professeurs en onze livres), mais nous avons en fait affaire à deux œuvres conservées dans leur totalité – les Hypotyposes pyrrhoniennes et le Contre les professeurs proprement dit (M I-VI) –, et une œuvre conservée partiellement (M VII-XI), placée à tort à la suite de M I-VI. Sur ce point, voir Janáček, 1963. Pour le texte de M I-VI, nous suivons Sextus Empiricus, 2002. 2 À savoir la grammaire, la rhétorique, la géométrie, l’arithmétique, l’astrologie (qui remplace ici l’astronomie proprement dite) et la musique. 3 Les principaux textes qui lui sont plus ou moins directement consacrés sont peu nombreux. Voir Dumont, 1978; Mueller, 1982; Freytag, 1995. Plus généralement, c’est M I-VI lui-même qui a été, jusqu’à une date récente, relativement négligé. Les études se sont multipliées ces dernières années, même si le Contre les géomètres et le Contre les arithméticiens en ont moins profité. Cf. par exemple Fortuna, 1986; Barnes, 1988; Desbordes, 1990; Rispoli, 1992; Blank, 1998; Spinelli, 2000; Delattre, 2006. 4 Cf. Henry Savile, Pralectiones tresdecim in principivm elementorvm evclidis, Oxonii Habitae, M.DC.XX, Oxford, 1621: 157; J. F. Montucla, Histoire des mathématiques, 2ème édition, tome I, Paris, 1799: 21sqq. 5 Cf. Leibniz, Lettre à Varignon, Hanovre, 2 février 1702, in G. W. Leibniz, Leibnizens mathematische Schriften, Berlin, hrsg. von C. I. Gerhardt, Erste Abteilung, Band IV, 1850: 94-5. 2 Plus récemment, Ian Mueller juge que la critique sextienne, dans les conditions intellectuelles spécifiques dans lesquelles elle opère (c’est-à-dire en tenant seulement compte de la conception de la géométrie de l’époque et des réponses dont pouvaient disposer les partisans de la géométrie), parvient tout à fait au résultat qu’elle s’est fixé, à savoir la suspension du jugement sur les prétentions de la géométrie à être une tevcnh 6. Quoi qu’il en soit, on peut difficilement nier que Contre les géomètres soit une œuvre étrange. Sextus y est parfois très allusif, et il présuppose et critique des idées dont la provenance n’est pas immédiatement évidente. Ses intentions ne sont pas toujours claires, et la structure de ses arguments, souvent répétitifs, reste assez complexe. Il est vrai que les débats dans lesquels il intervient ont une si longue histoire, les objections et les contre- objections de chaque côté ayant tellement été répétées, que quelqu’un qui reprend un argument bien connu ou invente une variation sur une stratégie plus ancienne peut se permettre d’être allusif, les lecteurs avertis pouvant assez facilement voir où il veut en venir. Les tenants et les aboutissants du Πρό~ gewmevtra~ peuvent donc facilement nous échapper. Cet article souhaiterait, au moins partiellement, remédier à cet état de choses. 1. Contre les professeurs I-VI Toute interprétation du Contre les géomètres (M III) suppose de situer ce traité à l’intérieur de la critique sceptique des arts libéraux, et donc de l’ensemble du Contre les professeurs. Une discussion approfondie de l’ensemble de cet ouvrage est hors de propos ici ; on se contentera de quelques remarques générales sur la critique sextienne des arts libéraux. (i) On a parfois relevé des dissonances entre les œuvres proprement philosophiques de Sextus (PH et M VII-XI) et M I-VI7. Il serait toutefois précipité d’en conclure que M I-VI s’écarte substantiellement du scepticisme. Sextus affirme l’unité et la cohérence de sa critique de la philosophie et de sa critique des arts libéraux (M I, §§ 5-7), et il n’y a aucune raison de ne pas le prendre au sérieux. De plus, de nombreux passages de M I-VI ont des parallèles dans les œuvres proprement philosophiques8. La différence dans la cible de Sextus explique les 6 Mueller, 1982: 69. 7 Voir par exemple Janáček, 1972: 133-4. 8 En voici une liste choisie parmi différents traités du Contre les professeurs, sans prétention à l’exhaustivité : M I, § 9 versus M XI, § 218 et PH III, § 252; M I, §§ 10-14 versus M XI, §§ 219-223, PH III, §§ 256-258; M I, §§ 19-29 et M III, §§ 39-50 versus M VIII, §§ 58-60, M IX, §§ 390-402, M XI, §§ 224-231, §§ 250-256 et PH III, §§ 254-255; M I, §§ 29-30 versus M XI, §§ 232-233 et PH III, § 253; M I, §§ 31-35 versus M XI, §§ 234-238 et PH III, §§ 259-265; M I, §§ 36-38 versus M XI, §§ 239-243 et PH III, §§ 266-268; M I, § 129 versus M X, § 64 et PH III, § 108; M I, §§ 165-168 versus M IX, §§ 321-327 et PH III, § 94; M I, § 315 versus PH I, §§ 189-191; M II, §§ 109-110 versus M VIII, §§ 340, 341, 343 et PH I, §§ 116-117, 166, II, §§ 171-176; l’ensemble 3 discontinuités, plus apparentes que réelles, entre M I-VI et le reste de l’œuvre9. Rien n’interdit donc de voir dans M I-VI un ouvrage authentiquement sceptique et de faire intervenir dans son interprétation des éléments tirés des autres œuvres de Sextus. (ii) Sextus explique (M I, § 6) que les pyrrhoniens ont abordé les « études », ou les « disciplines » (µαθήµαtaŁ), dans la même disposition d’esprit que la philosophie – à savoir avec le désir d’atteindre la vérité (PH I, §§ 12, 26) –, et qu’ils y ont rencontré des difficultés comparables, qui les ont conduits à présenter, avec la même méthode que dans les traités philosophiques, des arguments de fond contre les études (M I, § 7). Cela ne nous indique cependant pas les raisons qui ont poussé Sextus à s’intéresser aux arts libéraux. Il semble que l’on puisse proposer deux explications, qui ne sont d’ailleurs pas exclusives. Sextus n’est pas le premier pyrrhonien à s’intéresser aux τέχναι : la manière dont il en distingue la critique épicurienne et la critique pyrrhonienne (M I, §§ 1-5) semble bien indiquer qu’il existait déjà à son époque une longue tradition sceptique de critique de certaines des disciplines qui formeront plus tard le cycle des arts libéraux. À part deux références dans les Hypotyposes pyrrhoniennes (PH I, §§ 7, 234), la figure de uploads/Philosophie/ dye-vitrac-le-clgeom-de-sextus-sources-cible-struct.pdf

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