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----------------------------------------------------- Document interne de travail du CRÉA (Cercle de réflexion pour une ‘éducation’ authentique) : 1 7 Les Champs Dessus, F-71300 MARY, www.education-authentique.org CONDENSÉ Pédagogie des opprimés Freire, Paulo, Maspéro, 1974 (épuisé). Avant-propos […] Il n’est pas rare que ceux qui participent à nos sessions [d’information], laissant voir leur « peur de la liberté », fassent allusion à ce qu’ils appellent le « danger de la conscientisation ». « La conscience critique, disent-ils, est anarchique ». À quoi d’autres ajoutent : « est-ce que la conscience critique ne risque pas de mener au désordre ? ».1 D’autres cependant disent aussi : « Pourquoi le nier ? J’avais peur de la liberté, mais déjà je n’en ai plus peur ». […] Le doute ainsi exprimé contient une présupposition pas toujours explicite chez celui qui a peur de la liberté : « il est préférable que la situation concrète d’injustice ne soit pas clairement perçue par la conscience de ceux qui la subissent ».2 […] La peur de la liberté qui n’est pas nécessairement consciente chez celui qu’elle habite, lui cache la réalité. […] [Et] rare est celui qui manifeste explicitement cette crainte de la liberté. […] Ce que nous avançons dans cet essai n’est pas le fruit de rêves intellectuels et ne provient pas non plus de nos simples lectures, même si celles-ci nous ont beaucoup servi. Nos affirmations sont toujours ancrées […] sur des situations concrètes. […] Cet essai […], avec toutes les déficiences d’un travail de recherche, est un ouvrage pour les hommes radicaux. […] [Et] dans la mesure où, de façon sectaire, certains adoptent des attitudes fermées, irrationnelles, ils rejetteront le dialogue que nous cherchons à créer par ce livre. […] La sectarisation, parce qu’elle est mythique et irrationnelle, fait de la réalité une fausse réalité qui, dès lors, ne peut plus être modifiée. Quelle que soit son origine, la sectarisation est un obstacle à l’émancipation des Hommes. […]3 Le sectaire, […] quelque soit l’option d’où provient l’« irrationalité » qui aveugle, ne perçoit pas, ou ne peut percevoir, la dynamique de la réalité ; ou bien il la perçoit de façon équivoque. Même lorsqu’il se croit dialectique, il en reste à une « dialectique domestiquée ». […] C’est ainsi qu’il leur est nécessaire de considérer comme mensonge tout ce qui n’est pas leur4 vérité. […] 1 Et rappelons-nous ce qu’écrivait Adolf Hitler en 1924 dans Mein Kempf à propos de l’ordre possible grâce aux croyances et à la religion en particulier : « La grande masse du peuple ne se compose pas de philosophes, et, précisément pour elle, la foi est le seul fondement d'une façon de voir les choses et de prendre la vie méritant le nom de morale. [...] Pour l'homme politique, ce qui entre en balance, quand il s'agit d'apprécier la valeur d'une religion, ce n'est pas le degré de vérité qu'elle peut atteindre, mais les services qu'elle rend à la société et qu'on ne peut attendre, jusqu'à présent du moins, d'aucune discipline la remplaçant. Aussi longtemps que ce vide n'aura pas été comblé, seuls des insensés peuvent vouloir détruire la religion ». 2 Là encore, ce genre de réaction est courant quand on parle des croyances, « laisse-les, s’ils ont envie de croire… Etre lucide les déstabiliserait, les rendrait sûrement malheureux, mieux vaut les laisser à leur illusions, à leur obscurantisme etc. ». 3 Effectivement, les illusions mystico-magiques comme les idéologies politiques (le marxisme-léninisme comme le capitalisme) évoluent dans un monde fictif, celui-ci devient irréfutable et donc, effectivement, dogme inchangeable. (Cf. Le Réel et son double, du philosophe Clément Rosset, « Des livres et les idées ! » n°52). 4 Les mots en italiques sont le fait de l’auteur. ----------------------------------------------------- Document interne de travail du CRÉA (Cercle de réflexion pour une ‘éducation’ authentique) : 2 7 Les Champs Dessus, F-71300 MARY, www.education-authentique.org I. Justification de la « Pédagogie des opprimés » […] Une fois encore, les hommes, mis au défi par le caractère tragique de l’époque actuelle, se prennent eux-mêmes comme sujet d’étude. […] [Et] ayant fait la découverte presque tragique de leur ignorance, ils deviennent eux-mêmes problème à résoudre. Ils posent des questions. Ils répondent, et leurs réponses les conduisent à de nouvelles interrogations. […] Percevant leur incomplétude, les hommes sont entraînés dans un mouvement permanent de recherche […], affirmée dans la soif de liberté, de justice, et dans la lutte des opprimés pour la récupération de leur humanité spoliée. […] La lutte est possible parce que la déshumanisation, bien qu’elle se soit produite dans l’histoire, n’est pas une fatalité mais le résultat d’un « ordre » injuste qui engendre la violence des oppresseurs d’où résulte le moins-être. […] 1/ La contradiction oppresseur/opprimés. Son dépassement […] Voilà la grande tâche humaniste et historique des opprimés : se libérer eux-mêmes et libérer leurs oppresseurs. Ceux qui oppriment, exploitent et exercent la violence ne peuvent trouver dans l’exercice de leur pouvoir la force de libérer les opprimés et de se libérer eux-mêmes. Seul le pouvoir qui naît de la faiblesse des opprimés sera suffisamment fort pour libérer les deux. […] Les oppresseurs faussement généreux sont obligés de permettre l’injustice pour que leur « générosité » continue à pouvoir se manifester.5 L’ordre social injuste est la source permanente de cette « générosité » qui se nourrit de mort, de découragement et de misère.6 […] La vraie générosité consiste à lutter pour que de moins en moins les mains, qu’elles soient d’hommes ou de peuples, ne se tendent pas dans un geste de supplication, de la supplication des humbles devant les puissants. Alors seront de plus en plus nombreuses les mains humaines qui travailleront et transformeront le monde. […] À cette libération, ils n’aboutiront pas par hasard, mais par la praxis de leur effort ; par le fait de savoir et de comprendre qu’il est nécessaire de lutter pour elle. […] Notre but, dans cet ouvrage, est seulement de présenter quelques aspects de ce que nous appelons la pédagogie des opprimés : celle qui doit être élaborée avec les opprimés et non pour eux, qu’il s’agisse d’hommes ou de peuples, dans leur lutte continuelle pour recouvrer leur humanité. […] La grande question est de savoir comment les opprimés, qui « accueillent » en eux l’oppresseur, êtres doubles, inauthentique, pourront participer à l’élaboration de la pédagogie de leur propre libération. […] C’est seulement dans la mesure où ils découvrent qu’ils ont « accueilli » en eux l’oppresseur qu’ils pourront contribuer à la naissance de leur propre pédagogie libératrice. […] Il y a cependant dans cette découverte un élément qui est lié à la pédagogie libératrice. C’est que, presque toujours dans les premiers moments de cette découverte, les opprimés, au lieu de chercher la libération dans la lutte et par elle, tendent à devenir eux-mêmes oppresseurs ou sous-oppresseurs. […] En affirmant cela, nous ne voulons pas dire que les opprimés ne peuvent comprendre qu’ils sont opprimés. Leur connaissance d’eux-mêmes comme opprimés se trouve cependant paralysée du fait de 5 Et « aucune réelle contestation ne saurait être portée par des individus qui, en l'exhibant, sont devenus quelque peu plus élevés socialement qu'ils ne l'auraient été en s'en abstenant », assurait Guy Debord dans La société du spectacle en 1976 (« Des livres et les idées ! » n°34). 6 Les spécialistes étant les religieux et leurs « missions » caritatives. ----------------------------------------------------- Document interne de travail du CRÉA (Cercle de réflexion pour une ‘éducation’ authentique) : 3 7 Les Champs Dessus, F-71300 MARY, www.education-authentique.org leur « immersion » dans la réalité oppressive. Se « connaître », à ce niveau, différents des autres ne signifie pas encore lutter pour le dépassement de la contradiction. […] Ainsi, réclament-ils la réforme agraire, non pour se libérer, mais pour posséder la terre et devenir propriétaires ou, plus précisément, patrons de nouveaux employés. […] Il n’est pas rare de voir des paysans qui, lorsqu’ils sont « promus » chef d’équipe, deviennent encore plus durs envers leurs anciens compagnons que le patron lui-même. […] Les opprimés, qui projettent en eux l’« ombre » des oppresseurs et suivent leurs normes, craignent la liberté dans la mesure où celle-ci, supposant l’expulsion de cette ombre, exigerait d’eux qu’ils « remplissent » le « vide » laissé par cette expulsion, avec un autre « contenu », celui de leur autonomie. Celui de leur responsabilité sans laquelle ils ne seraient pas libres. Car la liberté est une conquête, non une donation et elle exige un effort permanent. […] Ainsi s’impose la nécessité de dépasser la situation d’oppression. […] Mais les opprimés, accommodés et adaptés, « immergés » dans la logique spécifique de la structure dominante, craignent la liberté tant qu’ils ne se sentent pas capables de courir le risque de l’assumer. […] Tant qu’ils sont paralysés par la peur de la liberté, ils refusent d’appeler les autres à l’aide et d’écouter l’appel qu’on leur adresse ou qu’ils se sont adressé à eux-mêmes, préférant la grégarisation à la solidarité authentique ; préférant l’adaptation à laquelle leur non-liberté les réduit, plutôt que uploads/Philosophie/ fpo-pedagogie-des-opprimes-freire.pdf
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- Publié le Fev 25, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
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