1 0. INTRODUCTION La linguistique est une jeune discipline : elle est pratiquem
1 0. INTRODUCTION La linguistique est une jeune discipline : elle est pratiquement née à la fin du XIXe siècle ou au début du XXe. Cela ne veut cependant pas dire que le langage n'a pas été étudié auparavant; au contraire; il l'a beaucoup été : d'une part, par la philosophie ou la grammaire philosophique, de la philosophie antique à la philosophie moderne et contemporaine en passant par la philosophie médiévale (scolastique ou non) et par la philosophie classique, d'autre part, par la logique, que celle-ci soit une sémantique, une syntaxe ou une pragmatique. Ce qui préoccupe et occupe -- pour simplifier- la logique et, plus tard, la philosophie (analytique) du langage, c'est d'abord et avant tout le problème de la vérité, de la vérité entendue comme adéquation du mot à la chose ; de la proposition au fait ou de l'énoncé à la réalité ; c'est-à-dire que le référent, ce à quoi l'on se réfère ou ce à quoi l'on renvoie, y est un objet privilégié. Mais, nulle part, la question -- la mise en question, voire la remise en question -- de la vérité comme rectitude ou comme certitude n'est vraiment soulevée. Par ailleurs, les langues naturelles ont depuis longtemps été l'objet d'étude de la philologie et de la grammaire comparée. La philologie et la grammaire comparée peuvent être considérées comme étant une sorte de pré- ou de proto-linguistique ; mais dans la comparaison d'un maximum de langues, elles ne sont pourtant pas arrivées à proposer un concept scientifique de langue. Généralement aussi, le vocabulaire -- souvent limité à l'étymologie ou à la terminologie -- y a le dessus sur la grammaire et une grammaire du mot, sur une grammaire de la phrase. Ce qui distingue la linguistique, de la philosophie et de la logique d'une part, de la philologie et de la grammaire comparée d'autre part, c'est qu'elle propose un concept scientifique de langue ; ce qui l'amène à rompre autant avec le sémantisme et le logicisme du référent qu'avec le phonétisme et le 2 comparatisme du signe (surtout écrit). La naissance de la linguistique correspond, même si elle n'y est pas réductible, à la rupture entre la phonétique et la phonologie : (phonétique -----> sons des langues ; phonologie ----- >phonèmes de la langue) En même temps, la linguistique est l'évolution scientifique de la grammaire ; évolution qui ne va pas sans un certain rejet de l'histoire et donc une rupture avec la philologie et la stylistique qui en dépend. Pour la linguistique scientifique, la langue se distingue du langage et du discours ; elle est un système de règles et de lois grammaticales ou de contraintes ; c'est une structure schématique rendant possible le discours et rendu possible par le langage, par la faculté de langage. La langue, c'est ce qu'il y a de commun à un maximum de discours ; c'est le schéma de différents usages ; ce schéma est d'abord une forme. Les éléments de la langue n'ont de valeur que par leur identité ; la pertinence leur vient de la différence qu'il y a entre leurs traits. En outre, le système qu'est la langue est synchronique : c'est un certain nombre d'éléments caractéristiques d'un espace et d'un temps précis ; il n'est pas diachronique, soumis à la genèse ou à l'histoire de cette prise de parole qu'est le discours. L'objet de la linguistique sera donc défini comme étant l'étude du langage à travers les langues naturelles, dont l'une des principales caractéristiques est qu'elles sont parlées, c'est-à-dire articulées. Toute langue naturelle peut être envisagée comme langue ou comme discours, comme signification ou comme communication ; mais ce qui caractérise le langage humain, c'est qu'il n'y a pas de communication sans signification, pas de discours sans langue. De là, peuvent être distinguées les diverses composantes de la linguistique. La grammaire est le tronc, sinon les racines, de la linguistique. 3 1. DE LA GRAMMAIRE A LA LINGUISTIQUE 1.1. Une discipline ancienne a. Les débuts Il est très difficile d’assigner un commencement à la science linguistique, car tout dépend du caractère que l’on juge le plus important pour définir la scientificité d’un savoir. Une chose est sûre, la réflexion grammaticale est venue après l’invention de l’écriture, qui a permis de déployer la parole dans l’espace, de constituer des listes, des tableaux, etc. ; d’ailleurs, le terme grammaire vient du grec « gramma », qui désigne la « lettre », le caractère écrit. Chez les Akkadiens au IIe millénaire avant J.C. on trouve déjà la trace d’un enseignement grammatical de la langue sumérienne, mais la réflexion linguistique rigoureuse la plus ancienne est probablement celle des grammairiens indiens (en particulier Panini, au Ve siècle avant J.C), qui ont analysé le sanskrit pour assurer la stabilité des textes sacrés du Véda. Dans la culture occidentale l’étude du langage est surtout tributaire des Grecs, qui ont essayé d’analyser leur langue hors de tout cadre mythique ou religieux. (texte homérique). b. L’antiquité grecque L’avènement de la démocratie grecque (fin du VIe siècle avant J.C) a fait passer au premier plan le souci de la persuasion politique, rendant nécessaire l’apparition de techniciens de la parole, les Sophistes (Ve siècle avant J.C). maîtres en rhétorique, désireux de fournir à leurs élèves les moyens de maîtriser la parole, ils ont considéré la langage comme un institrument qu’il fallait analyser pour en inventorier les ressources. Ce courant aboutit à la Rhétorique d’Aristote (384-322 avant J.C), qui exerça une influence considérable pendant plus de deux millénaires. A côté de cette approche, qui voit dans le langage un moyen d’agir sur autrui, se développe dans l’ombre de la philosophie une réflexion logique qui tente d’articuler langage et vérité, de mettre en relation la structure du langage et celle 4 des propositions par lesquelles l’esprit énonce des jugements vrais ou faux sur le monde. On insiste alors sur la complémentarité fondamentale entre « sujet » et « prédicat », dont l’association définit la proposition. S’ouvre ainsi la voie pour une théorie des « parties du discours » (nom, verbe, adjectif…). Plus tardivement s’est dégagée une approche proprement grammaticale, en particulier avec les grammairiens d’Alexandrie. Denys de Thrace (170-90 avant J.C) écrit la première grammaire systématique de grec, où sont distinguées les parties du discours (article, nom, pronom verbe, participe, adverbe, préposition, conjonction), encore en usage aujourd’hui. Mais il ne faut pas commettre d’anachronisme : chez ces Alexandrins l’intérêt pour la langue est inséparable d’une préoccupation philologique, celle de rendre plus compréhensibles les textes littéraires prestigieux (les œuvres d’Homère surtout), dont la langue était très éloignée de grec des IIe et IIIe siècles. Il s’agissait d’étudier la langue « pure », celle des grands écrivains ; Denys de Thrace définissait ainsi la grammaire comme la « connaissance de l’usage des poètes et des prosateurs ». c. Chez les Arabes, au VIIIème siècle, c’est le recensement du Coran et l’établissement de son texte qui déclenchent l’apparition des premiers écrits de lexicologie et de grammaire. Il s’ensuit un mouvement de composition d’ouvrages d’exégèse, de lexicologie, de lexicographie et de grammaire qui a duré des siècles donnant naissance à diverses écoles dont les plus importantes sont celles de Bassora et Koufa. 1.2. Grammaire traditionnelle et linguistique Les Alexandrins, par bien des aspects, apparaissent comme les ancêtres de la grammaire scolaire traditionnelle occidentale qui s’intéressait essentiellement aux œuvres littéraires prestigieuses. La linguistique, elle, ne doit pas être considérée comme un simple prolongement, à un niveau plus élevé, de la grammaire des lycées et collèges ; elle s’en distingue par quelques trais : 5 a. Elle est descriptive La linguistique visse décrire les faits de langue sans porter sur eux de jugement de valeur. Comme la biologie ou la psychologie, elle se veut une science empirique, dont les données sont constituées de ce qui se dit effectivement dans une communauté linguistique. La grammaire scolaire, elle, est normative : elle doit enseigner l’usage correct de la langue et s’efforce d’y rendre conformes les productions écrites et orales des élèves. b. Elle donne la primauté à l’oral Pour le linguiste, c’est avant tout l’oral qui constitue la réalité d’une langue, tandis que la grammaire scolaire privilégie la littérature, et plus largement l’écrit. c. Elle ne privilégie aucune langue La grammaire scolaire est attachée à une langue particulière : le grammairien entretient un rapport personnel avec sa langue. Le linguiste, au contraire, n’est pas l’homme d’une langue particulière mais du langage. Quand il étudie sa langue maternelle, il doit s’efforcer de l’appréhender comme une langue étrangère. Dans ces conditions, on comprend qu’en général les linguistes refusent de se dire « grammairiens ». Quand ils utilisent le terme « grammaire », ils lui confèrent un sens distinct. Pour eux, la grammaire désigne en effet un modèle, au sens scientifique du terme, de la langue. Une grammaire du français sera dont un modèle partiellement ou totalement formalisé des règles de fonctionnement de la langue française. « Grammaire » s’emploie également pour des ensembles restreints de phénomènes linguistiques : « grammaire des appositions », uploads/Philosophie/ fr422-linguistique-generale-s4-pr-taoufiq.pdf
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- Publié le Apv 01, 2022
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