« «P P erdre ma vie est un risque plus grand que celui de mourir. Perdre la lib

« «P P erdre ma vie est un risque plus grand que celui de mourir. Perdre la liberté sous le chantage répété d'une mort annoncée est incomparablement plus grave. Reproduction intégrale du texte N’Dréa, édité par Os Cangaceiros en février 1992. Les illustrations sont tirées de l’édition originale Mise en page en mars 2008 Cette date, plus ou moins arbitrairement choisie, il faut la voir comme un seuil de qualité voulu ensemble en deçà duquel il serait sacrilège de revenir. Nous sommes ici dans la perspective inverse de l'idée d'un suicide où s'anéanti- rait, dans un acte isolé et désespéré, tout ce à quoi un individu a pu croire, échec et défaite. En décidant du style de ma mort autrement qu'en privé, avec d'autres, je dépasse la seule affirmation d'une liberté individuelle à l'encontre d'un proces- sus de dégradation qui m'échappe (du monde, de mon corps) et qu'une volonté, à elle seule, ne pourrait bouleverser. La liberté que j'affirme est celle d'une individualité concrète, c'est à dire intime- ment liée à celle de « ses » autres, une liberté sociale. On ne vit que de commu- nication, j'en suis la démonstration vivante. Ma liberté ? Ni victoire, ni défaite. Je suis sûre de mes amis. » » Andrea est morte à la date qu’elle a choisie, le 15 aout 1991 Au lecteur. Notre amie et associée Andréa apprend en 1985 qu'elle a le can- cer. Après opération, rayons et chimiothérapie, elle n'a plus espoir de guérir. En octobre 1990, on lui propose un traitement expéri- mental ; elle met alors à exécution une décision qu'elle avait prise depuis longtemps, celle de rompre radicalement avec le milieu hos- pitalier et médical, cela pour garder l'initiative de sa fin. Elle écrit deux lettres, l'une aux infirmières, l'autre à son amie Bella. Son choix est fait. Elle rejoint ses amis pour y chercher une complicité par rapport à son combat, non par rapport à sa maladie. Elle va faire tout un flan d'une histoire banale. Os Cangaceiros - 25 - Bella, Je souris que tu puisses voir ma fin prochaine comme un échec. Est-ce l'amie qui souffre déjà ? Mais ai-je voulu guérir ? Ma défense a été de nier la maladie, puis de faire en sorte qu'un principe supérieur aux aléas qu'elle m'impose décide : j'ai voulu vivre à fond, ça oui ! Je suis parvenue à mon but, celui de ne pas me laisser prendre la tête quoi qu'il advienne. Stratégiquement j'ai doublement gagné. Face aux « métastaflics » qui cherchaient à investir mes émotions, j'ai cultivé l'indifférence jusqu'au superbe ; j'ai su à temps (?) couper le lien avec la médecine, c e monde qui s'engraisse des cancers et autres saloperies qu'il nous refile. La médecine est une bureaucratie, elle planque son ignorance comme secret d'Etat. Ensuite, les « flicastases », ces charognes bien portantes qui m'ont filée, sans honte ni difficulté, durant ces années, n'auront pas davantage réussi à m'isoler. Ah ! Ah ! Même éloignée, mes amis étaient avec moi. Et mieux encore, ô luxe, ô jouissance suprême, j'ai organisé ma fin avec mes amis comme une situation que l'on construit. La date de la commune séparation est décidée, ce point d'accord dans le temps est un repère pour un départ : fin et commencement à la fois. Je serai dans le futur de mes amis, dans leurs orienta- tions communes ; je dis « nous » en parlant d'un temps où je ne serai plus. Voilà de quoi relativiser l'idée de la mort ordinairement admise. «R «R ien qui fût proche encore, et je n'étais qu'au loin l'écho du fond des temps et aussi du futur Novalis» » MAI 1991 qu'il y a des grandeurs faisables dans la plus grande simplicité. L'argent est la richesse inversée, celle qui nous isole et nous divise. Il est la toute- puissance de l'objectivité qui dicte sa loi. Il est la plus grande distance, la distance absolue. Le sujet ne peut se poser qu'en s'emparant de cette distance. Pour l'ins- tant, l'argent est la seule médiation. Il ne peut plus être question d'une quelcon- que idéologie, mais de reconnaissance pratique. Notre ambition ne peut que nous amener à construire nos amitiés. C'est dans cette construction à l'oeuvre que nous trouvons finalement le sens de ce que nous avons toujours cherché. Andréa Doria. 14 août 1991. - 1 - Je dédie ce livre à Fatima « On doit toujours choisir le chemin-qui-a-du-coeur de manière à toujours être au mieux de soi-même, peut-être pour pouvoir toujours rire. « Un homme de connaissance vit en agissant et non en pensant à agir, et encore moins en pensant à ce qu'il pensera lorsqu'il aura fini d'agir. Un homme de connais- sance choisit un chemin-qui-a-du-coeur, et le suit. » L'indien Yaqui ralenti le processus de dégénérescence. Je rejoins l'essence de ma vie, mon but. Ce qui passait, jadis, pour un rêve fou s'accomplit méthodiquement, jusqu'à son dénouement. Dans la confrontation avec le monde, de saut qualitatif en saut qualitatif, j'ai compris, en le communi- quant, quelle sorte de pouvoir pouvait bien émerger. C'est celui de l'apparition de mon humanité, ce jusqu'à satisfaction profonde. Un plaisir sorti de l'inconnu, de l'opacité d'un monde à l'envers, réjouit ceux qui s'y reconnaissent. Cette huma- nité, c'est la leur aussi. Désormais elle est visible parce qu'elle est mienne, éblouissante. Son premier besoin : être partagée. Ensuite : se communiquer au monde. Mon histoire serait, somme toute, banale : se tirer de l'hosto avant le dernier stade n'est pas spécialement original. Elle ne l'est pas : c'est une petite expérience dont j'ai fait tout un flan. J'allais être dépossédée de ma fin, j'allais donc être dépossédée de ma vie, moi qui l'avais fondée sur un refus, celui de la déposses- sion ! En me réappropriant ma fin, je retrouve ce qui était au commencement, l'intelligence de mon refus. Après le chant de l'innocence, ma vie m'apparaît pour ce qu'elle était essentiellement : le chant d'une expérience. Cette dimension offre un point de vue stratégique. Rejoignant mes amis, je me suis retrouvée comme une médiation entière, com- plète, ce que l'on doit être chacun et s'encourager à être réciproquement. J'ai découvert les qualités qui me manquaient pour réaliser nes choix, pour imposer ma volonté, même avec mes amis, pour transformer mon entourage, pour rallier, tout simplement. J'ai pu communiquer mon expérience, chacun s'en est emparé, a réfléchi pour lui, des idées ont surgi qui se sont affinées entre nous. Ensemble, nous arrivons au même point, il y a bien une raison dans l'Histoire. Une conception commune se fonde et prend forme peu à peu, émerge. L'époque qui vient n'a pas un grand besoin de théories nouvelles. Surtout de démonstration par l'exemple, dans un renversement de perspective, visible, sen- sible, fondé objectivement. Elle a besoin d'idées, et non de spéculations sur les idées, surtout de les affiner en les jouant. Je ne pense pas que ce soit là une ambition modeste : concevoir notre activité comme expérience ; une construction dans le temps, dans le monde. Issue de la communication, produit de la communication, et aboutissant à la communica- tion. Un début, une fin : pour cela, il convient de situer, comme les millénaristes, comme l'Internationale Situationniste, un point, une échéance, dans le temps. A partir de ce repère, se poser comme sujet d'une expérience et comme médiation nécessaire. Nous n'avons plus aucun repère. C'est à nous de nous les donner. La distance ne peut se faire qu'ainsi. L'erreur de l'IS, à la suite des millénaristes, aura été de penser l'être comme exis- tant déjà là (cf. la notion d'élu). Il ne s'agit pas d'un devoir-être non plus, mais de l'être qui se construit à travers la plus grande distance. On peut comprendre alors e cynisme de ces deux feuilles à signer (1), sur un topo de trente pages que l'on ne m'aura même pas fait lire, dans le style sybillin : « j'ai la liberté de retirer mon consentement à tout moment, sans encourir aucune responsabilité, etc. », ben non. Manquerait plus que ça ! Qui est-ce qui paie ces expériences avec le bidouillage de mes globules ? entre autres. Sanofi (2) ne paie rien, mais encaisse avec la bénédiction du Comité d'éthique ! et le sentiment d'im-puissance complice d'équipes médica- les. L'impuissance a tellement envahi les esprits que le cynisme de ces labos, plus personne ne le remarque. Sauf les malades qui souvent le savent intimement mais préfèrent encore ça - c'est-à-dire qu'on leur donne l'impression de pouvoir faire quelque chose pour eux - encore une fois. C'est une illusion dont je n'ai pas besoin. Et vous, les infirmières, marchez là-dedans : donner de l'espoir à tout prix et à n'importe quel prix. Peuchère ! on ne pourrait vous en blâmer; mais de la sorte, vous êtes complices d'un corps médical aussi raide que la justice ! et d'un jaloux ! et vous voulez combler l'inhumanité de la médecine par un dévouement sans limite ; mais vous n'épongerez jamais l'écart de uploads/Philosophie/ ndrea.pdf

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