ALIEN-SANS- ALIÉNATION PROGRAMME POUR UNE PHILO-FICTION L'affect de la SF D'où

ALIEN-SANS- ALIÉNATION PROGRAMME POUR UNE PHILO-FICTION L'affect de la SF D'où savons-nous, de quel savoir a priori, que tel texte, et peut-être celui-ci. est de la SF et non de la philosophie, de la science, de la technologie? On définira ici la SF par une manière de penser plutôt que seulement par des objets ou des genres, par un affect et un sujet plutôt que seulement par une pensée, enfin par une expérience du réel plutôt que seulement par un sujet. Quel est par exemple le sujet spécifique de la SF, qu’esx-ce qui le distingue du sujet philosophique? Tant que la théorie de la SF n'aura pas élucidé l’affect invariant et minimal de celle-ci. elle restera l’objet d’appropriations philosophiques qui I*idéalisent et l’empiricisent à la fois. Double réduction, platonisantc ou par l’au-delà, matérialiste ou par l'cn- deça. Sans verser dans le fétichisme des essences toutes faites comme sont parfois les essences «phénoménologiques», il est nécessaire d’identifier les conditions invariantes, les a priori peut-être, probablement non concep­ tuels ou non philosophiques, qui « rendent possible » la SF. Contre le réductionnisme scientifique, technologique ou littéraire qui démembre son identité, on fera valoir le lieu où cette identité s'exprime et se manifeste : dans un affect a priori. Affect non sentimental, mais de la pensée, sans être philosophique, presque un affect théorique, évidemment en rapport à celui de l’étrangeté ou du fantastique mais sans les scories psychologiques ni le tissu philosophique dans lesquels souvent on le dissout ou le mélange. Cet affect est celui de Valien-sanx-aliinarion. Ainsi plutôt que d’accumuler les déterminations thématiques, stylistiques, psychologiques, politiques, etc. qui n’ont jamais par elles-mêmes un sens de SF et ne peuvent de toute 146 FRANÇOIS LARUELLE façon le produire à partir de leur bric-à-brac, il faut élaborer une « logique » interne et une spécificité. La SF est une machine à explorer la solitude de l'altérité-temps et de l'altérité-espace qui sont les dimensions d’alien- sans-aliénation. C’est cette hypothèse que nous esquisserons dans ses requisits principaux. De la SF à la philo-fiction Auparavant, nous proposons une autre hypothèse très générale sur les rapports de la philosophie et de la SF à travers quelques-uns des rapports de la technologie (ou de la science) et de la pensée. Elle est destinée à servir de cadre à cet essai. Le but lointain est de dégager une matrice transposable à la philosophie ellc-mcme. de créer les conditions théoriques et pratiques d'une philo-fiction qui puisse donner son sens plein au concept de « fiction spéculative » ; de donner ce que nous appelons ailleurs la théorie unifiée de la philosophie et de la SF. Plutôt que d'introduire la SF à la philosophie, comment introduire la SFdans la philosophie et la philosophie à celle-ci? Voilà le problème dont quelques conditions sont esquissées ici et de manière purement indicative. Ce projet n'a rien de provocant, si ce n’est pour une philosophie rationaliste et/ou institutionnalisée. L’élément de la philosophie a toujours été plus proche de l'imagination transcendantale que de la Raison, qui n'est pas le moteur du philosopher mais une norme ou un idéal historique. 1. Toute pensée qui prend en général une technologie pour objet, commence nécessairement dans les confusions (« unitaires >») entre la finalité spécifique de la machine et la projection d'un usage universel que la pensée pourrait en faire, entre la mutation que représente cet objet dans l'ordre technologique (y compris le stock de « pensée ». science et logique qui y est investi), et une mutation correspondante possible dans l'ordre de la pensée, ou de l'éthique, etc. Confusion entre ce que peut une machine, même dans l'ordre de la pensée, et ce que la pensée existante peut ou pourrait faire en s'appropriant cette machine; entre la pensée investie dans un objet technique, voire la finalité de celui-ci, et l'usage que la pensée déjà capitalisée peut en extraire sous la forme d'une « plus-value » de fiction. Toute pensée se divise ainsi en deux dimensions se co-appartenant unitai- remenl. une pensée-savoir ou connaissance, et une pensée-pensée qui use de ce savoir pour poursuivre scs propres fins. C'est la thèse d'une détermi­ nation bi-univoque. d’une convertibilité de l'ordre technique et de l'ordre 148 FRANÇOIS LARUELLE soi » non substantiel et non ontologique, c’est l’Un tel qu’il n’est plus trouvable dans la philosophie, mais seulement « en-Un ». Il explique qu’il y ait une autonomie relative des pratiques irréductibles à la philosophie, quoique philosophables par un côté d'elles-mêmes, en particulier de la pratique technologique et parce biais de la SF. 6. Si la théorie existante de la SF, aux multiples formes et espèces mais à dominante philosophique, est sa théorie unitaire (la SF intérieure et extérieure à la philosophie), on appellera théorie unifiée de la S F la détermination, à part égale, hors de ces rapports amphibologiques, de la philosophie et de la SF comme ordre relativement autonome. Elle revien­ dra à soumettre le mixte de la théorie unitaire aux conditions radicales du Réel qui déterminera une autonomie de la SF même si relative encore par un côté d’elle-même à la philosophie. Cette détermination du rapport de la SF à la philosophie par le Réel et non plus par celle-ci, on l’appellera détermination-en-demière-instance. 7. Bien entendu cette autonomie relative de la SF par rapport à sa mise- sous-tutelle philosophique ou unitaire, cette théorie unifiée, est la même chose que la philo-fiction en son concept pleinement déployé, non comme simple fictionnement philosophique mais comme identité-en-demière- instancede la philosophie et de la SF. La théorie unifiée de la SF rapporte celle-ci à son identité dite de-demière-instance, elle dégage l’identité-de- dernière-instance de la SF. Autrement dit ce n’est plus la S F par elle- même (une méta-SF), ou une fiction spéculative philosophique sur la SF, mais une fiction « non »-spéculative sur la SF. En abrégé, une non-SF ou une philo-fiction. Esquisses de critères On relèvera cinq dimensions de la SF et qui sont comme des critères d’Alien-sans-aliénation. 1. Une solitude « élémentale », symbolisée sans doute par l’espace et le temps, mais dans laquelle l’homme n'est pas seulement, dont il est plutôt pris, comme tissé de la substance du vide. 2. Un temps et un espace comme élément intuitif universel dont la solitude est co-extensive et qui sont eux-mêmes vides de temps et d'espace vécus, un temps-sans-temporalité, un espace-sans-spatialité, strictement identiques à cette solitude quasiment sensible que l’on peut « toucher du doigt ». Espace et temps ne subsistent que comme élément de leur propre perte ou absence, évidés à l’infini, réduits à une « pellicule de profondeur ». AUENS ANS-AUÊNATJON. PROGRAMME POUR UNE PHILO-FICTION 149 3. Temps et espace sont comme une intuition-sans-intuitivité, ou bien au contraire comme une intuitivité universelle sans-objet-d’intuition. L'espace est moins vide qu'il n'y a un vide-« espace ». un vide-» temps », etc. Univers-sans-monde, où il y a parfois des retours possibles vers le Monde mais qui n’entament ni ne comblent le vide-élément. 4. l-c sujet de la SF (pas celui des récits), un « homme » voisin de l’humanoïde ou en cours de devenir-technologique à force de solitude, d'espace eide temps. Un homme-sans-humanité. en réalité une humanité- sans-homme. une manière d’être «déshumanisée» que le retour aux apparences animales ne fait que symboliser plutôt qu’épuiser. Ce sujet n'est donc qu'apparemment définissable comme proche ou éloigné de l'homme vécu et reconnu comme tel. selon une échelle de dérive animale ou technologique. C’est l’identité (d') Allen, identité que l’on dira sans- aliénation. 5. Des variations combinatoires sur un nombre fini de scénarios (images, récits, techniques, etc.), mais dont la pauvreté ou la rareté est compensée, comme dans les gnoses. par un intense bricolage d’entités mi- techniques mi-psychologiques destinées à « meubler » le vide-espace et temps; bricolage qui trouve son matériau dans les débris, résidus et ruines futurs du Monde. Dans ce vide-temps, la technologie futuriste est déjà un débris du futur. De la solitude comme •bruit de fond » L’affect principal du protagoniste et du consommateur de SF. c’est la solitude universelle, non empirique, non mondaine, c'est la solitude comme... « bruit de fond ». Ce n’est pas un thème, c’est un vécu éléments!, à peine subjectif, plutôt un trait transcendantal du réel. Cette solitude fait corps avec une certaine expérience infinie et pure du temps et de l’espace. Ce n’est pas un événement du Monde ou une propriété des entités, ni une simple relation ou une forme de leur réception et manifestation. C’est une matière (de) solitude immanente et sans horizon. La SF n’explore pas le temps et l'espace, mais plutôt leur perte, qu'eux-mêmes symbolisent tels des symboles formalisés d’une manière non-intuitive, mais nullement étrangers à toute intuitivité par l'élément sur lesquels ils sont prélevés. Cette solitude n’est pas comblée par les fourmilières d'humanoïdes qui s’y trouvent sans la peupler et en vivent sans la consommer. Cette non- consistance pourrait tout dissoudre du Monde mais peut aussi tout en conserver en l'affectant d’un indice d’étrangeté. Il ne peut s’agir d'un vécu 150 FRANÇOIS lARLElJJ de vide, mais d'un vide vécu tel quel, d'une solitude qui n'a pas uploads/Philosophie/ francoise-laruelle-alien-sans-alienation-programme-pour-une-philo-fiction 2 .pdf

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