Il ne sera pas superflu de rappeler les intentions modestes de cette Initiation

Il ne sera pas superflu de rappeler les intentions modestes de cette Initiation. Elle voudrait avant tout rendre service à ceux qui débutent dans l'étude de saint Thomas et la lecture de ses textes. On ne devra donc pas s'attendre à trouver ici un traité développé de métaphysique thomiste, encore que l'ensemble des questions les plus importantes aient été envisagées. Les options que nous n'avons pu éviter de prendre pour la disposition de la matière et dans l'interprétation des doctrines s'éclaireront progressivement, nous l'espérons, à mesure que l'on avancera dans l'exposé, et nous ne croyons pas utile de` es justifier une première fois. En fin de volume, nous avons cru bon de présenter un vocabulaire succint de la langue technique de saint Thomas. Seuls s'y rencontrent les mots les plus communs, définis selon leurs acceptions les Plus usuelles, Un certain nombre de ces mots appartiennent au vocabulaire universel et courant, mais, chez saint Thomas, ils reçoivent, pour une part, un sens bien déterminé et précis qu'il convenait de faire connaître. Ce vocabulaire correspond aux quatre parties prévues de notre Initiation,, c'est-à-dire à la Logique, à la Philosophie de la nature, à la Psychologie et à la MétaphYsique. Que ceux qui nous ont prêté leur concours pour la mise au point de ce volume, notamment les RR. PP. Guérard des Lauriers et Hubert, trouvent ici l'expression de notre plus fraternelle gratitude. INTRODUCTION § I. NOTION GÉNÉRALE DE LA MÉTAPHYSIQUE Dans la langue philosophique universelle le terme de méta. physique désigne la partie supérieure de la philosophie, c'est-à-dire celle_qui. entend donner les raisons dernières et les principes ultimes des choses ; il remonte à Andronicus de Rhodes (Ter S. av. f.-C.) qui, en éditant lesécrits d'Aristote, prit l'initiative de classer sous le titre de Meta ,ta Phusika (après les Physiques) une collection de quatorze livres dont le contenu paraissait faire logiquement suite à celui des livres de physique. Aristote lui-même n'avait parlé, pour désigner cet ensemble, que de Philosophie première ou de Théologie. L'objet propre de la métaphysique sera, nous le verrons en péripatétisme, l'être comme tel et ses propriétés. Mais cette définition que retiendra saint Thomas ne ressort pas de façon immédiate de la lecture de l'ouvrage dont il vient d'être question. Un premier inventaire y découvre, en effet, comme trois conceptions successives de cette science et les liens organiques qui les relient entre elles ne se révèlent pas tout de suite. Saint Thomas, qui, avait pris pleinement cons. cience de cette ambiguïté, présente de cette, manière, au Procemium de son commentaire sur' la Métaphysique, cette triple conception : ro Par opposition aux autres sciences, qui ne remontent qu'à des causes ou à des principes plus immédiats, la méta- ' physique apparaît tout d'abord comme la science des premières causés et des premiers principes. Cette définition se rattache manifestement à la conception générale de la science, connaissance par les causes, qui est un des tout premiers axiomes du péripatétisme. La dénomination de « Philosophie première » PHILOSOPHIE DE S. THOMAS : MÉTAPHYSIQUE se rapporte à cet aspect de la métaphysique qui domine dans le livre A. 20 La métaphysique s'affirme ensuite comme la science de l'être en tant' qu'être ,et des attributs de l'être, en tant qu'être. Vue sous ce jour, elle se présente comme ayant l'objet le plus universel de tous, les autres sciences ne considérant qu'un domaine particulier de l'être. Cette conception prend corps au livre P du recueil d'Aristote et paraît s'impaSer dans la. suite. C'est à elle que répond proprement le vocable de « Métaphysique », 3° Enfin la métaphysique peut être définie comme la science de ce qui est immobile et séparé, à la différence de la physique et de la mathématique qui considèrent toujours leur objet sous un certain conditionnement de la matière, De ce point de vue, la plus' éminente des substances séparées étant Dieu, la métaphysique peut revendiquer l'appellation de ((Théologie ». Cet• aspect prévaut dans l'ouvrage à partir du livre E, Ce prologue de saint Thomas est trop important pour ne pas être lu de près. La métaphysique, à qui il revient de régenter toutes les autres sciences, ne peut avoir évidemment pour objet que les plus intelligibles et ne peut être que la plus intellectuelle des sciences. Or -mus pouvons considérer le plus intelligible à trois points de vue différents « En premier lieu, selon l'ordre de la connaissance. En effet, les choses à partir desquelles l'intellect acquiert la certitude, semblent être les plus intelligibles. Ainsi, comme la certitude de la science tenant à l'intelligence est acquise à partir des causes, la connaissance des, causes paraît bien être la plus intellectuelle, et en conséquence la science qui considère les premières causés est, semble-t-il, au maximum régulatrice des autres. « En deuxième lieu, du point de vue de la comparaison de l'intelligence et du sens ; car, le sens ayant pour objet les particuliers, l'intelligence paraît différer de lui en ce qu'elle embrasse les universels, La science la plus intellectuelle est donc celle qui concerne les principes les plus universels, lesquels sont l'être et ce qui est consécutif à l'être comme l'un et le multiple, la puissance et l'acte. Or de telles notions ne doivent pas demeurer complète_ ment indéterminées... ni être étudiées dans une science particulière... Elles doivent donc être traitées dans une INTRODUCTION science unique et commune qui, étant la plus intellectuelle, sera régulatrice des autres, ' « En troisième lieu du point, de vue, même de la connaissance intellectuelle. Une chose ayant vertu intellective du fait qu'elle se trouve dépourvue de matière, il est nécessaire que soit le plus intelligible ce, qui est le plus séparé de la matière... Or sont le plus séparées de la matière les choses qui n'abstraient pas seulement de telle manière déterminée... mais totalement de la matière sensible : et cela non seulement selon la raison, comme les objets mathémathiques, mais du point de vue de l'être, comme Dieu et les esprits. La science qui traite de ces choses paraît en conséquence être la plus intellectuelle et jouir vis-à-vis des autres du droit de principauté et de régence. » Science des premières causes et des premiers principes, c'est-à-dire sagesse, science de l'être en tant qu'être, science de ce qui est absolument séparé de la matière, telle se révèle successivement à nous la métaphysique. Nous allons reprendre chacune de ces conceptions afin d'en mieux saisir la portée. Dans cette étude,' nous aùrons le souci de marquer le rattachement de chaque doctrine au mouvement général de la pensée grecque. Ainsi, l'élaboration aristotélicienne nous apparaîtra, en même temps qu'une oeuvre de spéculation vigoureuse, comme l'aboutissement et la synthèse de la réflexion sur les principes des trois siècles qui l'ont précédée. § II. LA MÉTAPHYSIQUE COMME SAGESSE i. Notion générale de la sagesse. . Au Ch. 2 du livre A de sa Métaphysique, Aristote recense les conceptions les plus couramment admises concernant la sagesse philosophique : la science la plus universelle, la plus ardue, la plus propre à être enseignée etc... pour finalement' ' s'arrêter à ce qui lui semble caractériser de la façon la plus formelle dette science : la métaphysique est la science des premières causes et des premiers principes. Il y a chez l'homme un penchant inné à savoir, c'est-à-dire à connaître par les causes, et ce désir ne peut être satisfait que lorsqu'on a atteint, la cause ultime, celle après laquelle il n'y, a plus à chercher et qui donc se suffit par elle-même. Science des suprêmes explications ou des premières causes, telle nous paraît donc être la métaphysique qui, sous ce jour, mérite proprement le titre de sagesse. 12 PHILOSOPHIE DE S. THOMAS : MÉTAPHYSIQUE 2. Les diverses espècês de sagesse. a) La notion de sagesse n'est-pas plus la propriété, exclusive-du péripatétisme que du. christianisme. Toute pensée philosophique digne de ce nom entend bien être une sagesse. Mais il est évident que les diverses sagesses philosophiques diffèrent profondément suivant la fin poursuivie et les moyens mis en oeuvre. Chez les Grecs le terme de sagesse (Sophia), se rencontre d'abord nanti d'une signification aux résonances utilitaires. Il est synonyme d'habileté ou d'excellence dans un art quelconque. Polyclète est un sage parce qu'il est un sculpteur particulièrement adroit. La Sophia correspond aussi à une certaine maîtrise dans la conduite de la vie. C'est en. ce sens plus élevé que Socrate parlera de sagesse : est sage celui qui, se connaissant bien soi-même, est ainsi capable de se diriger, avec discernement. Platon recueillera l'héritage moral de Socrate ; pour lui la Sophia est l'art de se gouverner soi-même ' et de gouverner la cité suivant les normes de la justice et de•la prudence. Mais, chez le philosophe des Idées, d'autres perspectives se sont ouvertes : l'âme, par sa partie supérieure, le Nous, est en communication avec le monde des vraies réalités, les formes intelligibles, au sommet desquelles rayonne la forme—supérieure du bien ; la Sophia est donc aussi Theoria et, à son terme, contemplation •de Dieu. Les plus grands parmi les disciples de Platon, Aristote et uploads/Philosophie/ garde-il-met-a-physique.pdf

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