Liberte Politique 1 / 13 Gaston Fessard : une conscience combattante Article ré
Liberte Politique 1 / 13 Gaston Fessard : une conscience combattante Article rédigé par , le La Fondation de service politique 24 septembre 2008 La vérité politique est une grande dame subtile et pleine de détours qui n'accorde ses faveurs qu'au prix d'une cour longue et assidue. Gaston Fessard Le père jésuite Gaston Fessard (1897-1978) compte parmi les grands penseurs catholiques de ce siècle. Son œuvre s'est sans cesse confrontée à l'actualité historique : la question de la guerre, le nazisme, le communisme, le progressisme chrétien ont nourri sa réflexion qui n'a cessé de poursuivre un dialogue fécond avec les grands maîtres contemporains . La publication du Journal de la conscience française douze ans après le recueil sur les écrits clandestins de l'Occupation constitue un événement . Le père Fessard n'avait publié après la guerre qu'une partie de cette étude pour que son ouvrage ne serve pas indûment d'argument politique contre les évêques. Après la déclaration de repentance des évêques de France du 30 septembre 1997, le père Sales nous livre ici la réflexion la plus complète du père Fessard sur Vichy et probablement l'interprétation la plus authentiquement chrétienne qui ait jamais été entreprise sur la France des années noires. Cette synthèse d'une philosophie dialectique et de la théologie morale traditionnelle n'a cessé de dérouter des familles de pensée politiquement opposées mais qui utilisaient souvent une rhétorique commune. Il est important de rappeler que presque toute l'œuvre du père Fessard répond le plus souvent à des sollicitations extérieures, et, aux circonstances de l'actualité, elle naît véritablement d'un dialogue avec des personnes concrètes, d'un affrontement charitable dont l'enjeu est la vérité. Le Journal de la conscience française n'est pas un texte post eventum. Il est bien plutôt la récapitulation d'une pensée en acte dont nous pouvons vérifier les jalons avant comme pendant la guerre. Fessard s'explique très clairement sur la nature originale de ce travail. Il ne s'agit ni d'un livre d'histoire à proprement parler, bien que l'historien de cette période y trouve un immense profit en le lisant puisque le jésuite tente de suivre pas à pas le parcours de chacun comme un enquêteur qui revient sur les lieux de l'événement, ni d'un travail autobiographique, mais plutôt de l'auscultation progressive et chronologique de la conscience d'une personne morale qui est la France et dont nous sommes chacun les membres souverains à la recherche des principes de philosophie politique susceptibles d'éclairer ce cheminement. De quel droit parler au nom de la conscience française ? En vertu du " souci de la sauvegarde de l'existence nationale, l'anxieuse aspiration vers l'affranchissement. Voilà l'assise solide de l'unité véritable de la conscience française. Unité négative, en creux, bien sûr. Mais qui, justement, rendait en chacun de nous beaucoup plus réelle et beaucoup plus effetficace qu'elle ne l'était auparavant et qu'elle ne l'est maintenant, la présence de l'idéal national qui est le principe de notre unité " (jcf p. 28-29) . C'est donc à chacun qu'il revient pour sa part de reffetaire le chemin de la conscience nationale depuis les jours de la défaite jusqu'à la Libération. Pour vérifier l'authenticité vécue de cet " examen de conscience nationale ", il faut se rappeler le parcours intellectuel et spirituel du père Fessard avant 1940 et pendant l'Occupation . D'un examen de conscience à l'autre C'est un an avant que n'éclate la Première Guerre mondiale que Gaston Fessard entre au noviciat de la compagnie de Jésus où il aura pour ami le père de Lubac. Il va connaître l'épreuve terrible du Chemin-des-Dames. Lecteur de l'Action (1893) , il s'imprègne de la méthode d'immanence du philosophe Maurice Blondel pour la mettre en pratique mais sans faire abstraction de l'histoire. C'est en 1926 qu'il découvre en Allemagne la Phénoménologie de l'esprit de Hegel et dans le même temps qu'il ébauche la dialectique du Juif et du Païen dans une étude sur saint Paul publiée quarante ans plus tard . Entre 1935 et 1939, il fréquente le séminaire de Kojève consacré à Hegel où il se lie d'amitié avec Raymond Aron. Liberte Politique 2 / 13 C'est dans le contexte troublé de l'année 1936 qu'est publié Pax nostra, Examen de conscience internationale considérée encore aujourd'hui comme son œuvre maîtresse . Le spectre de la guerre apparaît à nouveau. Le conflit italo-éthiopien qui divise les catholiques est le premier coup de force d'un régime totalitaire européen sur un théâtre extérieur mais aussi l'occasion d'un premier examen de conscience de l'héritage colonial . Il importe de souligner que cette œuvre maîtresse du père Fessard est d'essence christocentrique. Le Christ est " notre Paix, Lui qui de deux réalités (le Juif et le Païen) n'a fait qu'une (Éph. 2,14) ". C'est ce fondement qui va structurer toute sa pensée philosophique et qui permet de rendre compte de sa cohérence . C'est au cœur du mystère d'Israël à travers la dialectique du Juif et du Païen que Fessard va trouver la clé de compréhension des conflits contemporains. Dans le peuple d'Israël sont contenus de façon unique ces deux extrêmes : particularisme et universalisme. " D'un côté l'individu subordonné à la destinée de la race à un point extrême, parce que celle ci est Élue de Dieu. De l'autre, ce peuple en vertu même de cette élection prétend à une domination universelle, ce qui le fait détester de tous les autres " (PN p. 40) . Dans l'expérience d'Israël, nationalisme et prosélytisme trouvent leur solution dans le Christ. En termes pauliniens, le Christ a détruit par la Croix l'opposition Juif-Païen. Il s'en suit que l'amour disjoint de la patrie et de la paix conduit à un nationalisme contre la nation et à un pacifisme contre la paix dont l'histoire devait donner un exemple éloquent. La dialectique du Païen et du Juif est pour Fessard la source de compréhension des idéologies. C'est en effet à cette dialectique que Fessard rattache " le nationalisme païen d'aujourd'hui [...] tendant à reffetaire le péché du judaïsme d'avant le Christ ", tandis qu'il voit " l'internationalisme rationaliste comme la persévérance et l'endurcissement dans le péché commis du juif rejeté " (PN p. 222-223). Pour Fessard en effet, le nazi est le païen idolâtre par son culte du sang et de la race mais il est aussi le juif charnel par son appartenance au peuple de maîtres élu par la Nature tandis que le communiste est le païen par son matérialisme et le juif rejeté par son appartenance au peuple des prolétaires esclaves. Mais " en moi s'opposent toujours un païen qu'anime la convoitise et un juif qui se retranche derrière une loi confiant en sa justice, et cette antinomie a toujours le même sens : permettre au chrétien de naître, fondant en lui-même les deux dans un seul homme nouveau " (PN p. 42-43). Mais pacifisme et nationalisme ne sont que des idoles issues du rationalisme libéral qui les a enfantées. Sans le Christ qui est le moi de l'humanité et le Moi de Dieu, " Notre Paix ", le rationalisme se trouve dans l'impossibilité d'unir la famille et la patrie : " Il revendique une fraternité au détriment des patries et de la paternité ". Ou à l'inverse, il nie la fraternité au nom de la race (PN p. 342-343). De plus, il forge ce que Raymond Aron devait appeler plus tard des " religions séculières " de remplacement . Face au mythe de la patrie humaine chère au pacifiste, Fessard prône le mythe (vrai) de la chrétienté dans la mesure où cette chrétienté a connu au moins une première réalisation historique ce qui me garantit " que d'autres sont possibles " (PN p. 328). En rappelant que la source du droit est " la puissance créatrice au service de l'ordre à établir ", Fessard soulignait que ni la force ni la justice ne suffisent à fonder une véritable communauté humaine. La pensée juridique se montre impuissante en elle-même à garantir le lien entre personne et personnalité morale, sans cet Ipse du Christ auquel je dois m'identifier. Dès lors peut s'éclairer la signification de l'examen de conscience que Fessard entend appliquer à la personne comme à la dimension internationale. C'est enfin dans Pax nostra que Fessard rappelle que " membre du souverain ", l'homme moderne l'est toujours à quelque degré, " non seulement dans une démocratie mais sous tous les régimes " (PN p. 72). En pratiquant la vigilance évangélique face à la double illusion de la force et du droit, en s'entraînant à identifier la révolution sous les apparences d'un régime établi, le Bien commun à établir au-delà de la force impuissante à elle seule à fonder le droit, Fessard avait compris cette symétrie inversée de Versailles à Hitler qui devait marquer les deux décennies de l'entre-deux guerres : les alliés pratiquant le rapport du fort au faible au nom d'un juridisme pharisaïque tandis que l'Allemagne hitlérienne faisait sentir à nouveau sa force sous prétexte de droits. D'une main tendue à l'autre La première expérience d'une politique de collaboration lui est offerte par le retournement tactique du Parti communiste. uploads/Philosophie/ gaston-fessard-une-conscience-combattante.pdf
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