Boole L'analyse mathématique de la logique Introduction Ceux* qui sont au coura

Boole L'analyse mathématique de la logique Introduction Ceux* qui sont au courant de l'état présent de la théorie de l'algèbre symbolique savent que la validité des démarches de l'analyse ne dépend pas de l'interprétation des symboles utilisés mais seulement des lois de leur combinaison. Tout système d'interprétation qui n'affecte pas la vérité des relations posées comme principes est également acceptable. C'est ainsi que le même procédé peut, selon tel schéma interprétatif, représenter la solution d'un problème portant sur les propriétés des nombres, selon un autre, celle d'un problème géométrique, selon un troisième, celle d'un problème de dynamique ou d'optique. Ce principe est évidemment d'une importance fondamentale, et l'on peut affirmer sans risque que les développe- ments récents de l'analyse pure ont été beaucoup favorisés par l'influence qu'il a exercée en orientant le courant de la recherche. Mais la pleine reconnaissance des conséquences de cette importante théorie a été, dans une certaine mesure, retardée par des circonstances accidentelles. En chaque forme connue de l'analyse, il s'est trouvé que les éléments à déterminer ont été conçus comme mesurables par rapport à une unité fixe. L'idée prédomi- nante était celle de grandeur ou, plus précisément, de proportion numérique. L'ex- pression de la grandeur ou d'opérations sur la grandeur a été l'objet exprès pour lequel les symboles de l'analyse ont été inventés et pour lequel leurs lois ont été recherchées. Ainsi les abstractions de l'analyse moderne non moins que les schémas ostensifs de la géométrie antique, ont renforcé l'idée que les mathé- matiques sont, aussi bien en leur essence que de fait, la science de la grandeur. La prise en considération de ce que nous avons déjà affirmé COmme le véritable principe de l'algèbre symbolique devrait, d'une manière ou d'une autre, nous amener à penser que cette conclusion n'est en rien nécessaire. Si toutes les inter- prétations existantes s'avèrent envelopper l'idée de grandeur, ce n'est que sur la base d'une induction que nous pouvons affirmer qu'il n'y a pas d'autre inter- prétation possible. Aussi bien peut-on douter que notre expérience soit assez vaste pour la légitimer. L'histoire de l'analyse pure est, on peut le dire, trop récente pour nous permettre de délimiter le domaine de ses applications. Nous serait-il possible de nous fier, avec un haut degré de probabilité, à cette inférence que * The MathemaHcal Analyru of Logie by George Boole, Cambridge, Mac Millan, 1847. Nousreptenons une pàrtie de l'intro4uctlon (p. 3wu) et le 1" dlàpitre in t"'~l!fo, TI14~~9tl4c Y. Micbaud. 28 Boole nous pourions encore, et avec raison, maintenir que la déftnition, à laquelle le principe déjà établi peut nous conduire, est suffisante. Nous pourrions avec rigueur établir le caractère déftnitif d'un véritable calcul en disant qu'il est une méthode reposant sur l'emploi de symboles dont les lois de combinaison sont connues dans leur généralité et dont les résultats admettent une interprétation consistante. Que l'on donne des formes existantes de l'analyse une interprétation quantitative n'est que le résultat des circonstances dans lesquelles elles furent établies et ne doit pas être érigé en condition universelle de l'analyse. C'est sur le fondement de ce principe général que je me propose d'établir le calcul logique et que je lui réclame une place parmi les formes reconnues de l'analyse mathéma- tique, sans égard au fait qu'en son objet comme en ses instruments il doive actuel- lement demeurer en dehors d'elle. Ce qui rend la logique possible, c'est l'existence en nos esprits de notions géné- rales, notre faculté de concevoir une classe et de désigner les individus qui en sont membres par un même nom. La théorie de la logique est ainsi intimement liée à celle du langage. Une entreprise qui réussirait à exprimer des propositions logiques par des symboles, dont les lois de combinaison seraient fondées sur les lois des opérations mentales qu'elles représentent, serait, du même coup, un pas vers un langage philosophique. Mais c'est là une vue que nous n'avons pas ici à pousser plus avant dans le détail. [Note en bas de page omise.] Supposons le concept d'une classe: nous sommes à même, à partir de n'importe quelle collec- tion concevable d'objets, de séparer mentalement ceux qui lui appartiennent et de les envisager à part de tout le reste. Nous pouvons concevoir li répétition d'un tel choix ou d'un acte similaire. Le groupe des individus qui reste ainsi soumis à notre considération peut, à son tour, être limité si nous distinguons mentale- ment ceux d'entre eux qui appartiennent à la fois à une autre classe reconnue et à la première classe considérée. Cette opération peut être répétée avec d'autres éléments de distinction jusqu'à ce que nous parvenions à un individu possédant tous les caractères distinctifs pris en considération, individu qui appartient en même temps à toutes les claSses que nous avons énumérées. C'est en fait une semblable méthode que nous employons dans le langage commun toutes les fois que nous accumulons les épithètes descriptives pour obtenir une déftnition précise. Or les différentes opérations que nous avons supposées réalisées dans ce cas sont justiciables de lois particulières. On peut déterminer des relations entre elles, que ce soit en ce qui concerne la répétition d'une opération, la succession d'opéra- tions différentes ou le fait que certaines ne soient jamais enfreintes. n est, par exemple, vrai que le résultat de deux opérations successives n'est pas affecté par l'ordre d'effectuation. On verra aussi en lieu propre deux autres lois. A certains peut-être ces lois paraîtront si évidentes qu'on les doit ranger parmi les vérités nécessaires - et si peu importantes qu'elles ne méritent pas une mention particu- lière. De fait, elles trouvent peut-être leur première mention en cet Essai. On peut toutefois assurer, sans risque d'erreur, que si elles étaient autres qu'elles ne sont, le mécanisme entier du raisonnement, que dis-je, les.1ois et la constitution même de l'esprit humain en serait radicalement modiftées. il pourrait certes y avoir une logique; ce ne serait plus celle que nous possédons. Telles sont les lois élémentaires, sur l'existence et sur la possibilité d'expression symbolique exacte desquelles est fondée la méthode de l'Essai qui suit. Et nous présumons que l'on estimera très parfaitement atteint l'objet qu'il se propose. Toute proposition logique, catégorique ou hypothétique, peut être exprimée exactement et rigoureusement, on le montrera. Non seulement on en peut déduire L'analyse mathématique de la logique 29 les lois de la conversion et du syllogisme mais aussi la résolution des systèmes de propositions les plus complexes, l'expression de la valeur de n'importe quel élément séparé dans les termes des éléments restants, avec toutes les relations connexes· qui sont impliquées. Chaque opération représentera une déduction, chaque conséquence mathématique une inférence logique. La généralité de cette méthode nous permettra même d'exprimer des opérations arbitraires de l'esprit et conduira ainsi à la démonstration en logique de théorèmes généraux analogues à beaucoup d'égards à ceux des mathématiques habituelles. Une grande part du plaisir que nous trouvons dans l'application de l'analyse à l'interprétation de la nature extérieure nait des idées qu'elle nous permet de concevoir sur l'universalité du règne de la loi. Les formules générales auxquelles nous sommes conduits semblent lui conférer une présence visible et la multiplicité des cas particuliers auxquels elles s'appliquent démontre l'étendue de son domaine. Même la symétrie de leur expression analytique peut, sans interprétation chimérique, être jugée indicative de son harmonie et de son unité. Pour le présent, je ne m'aventure pas à dire jusqu'à quel point les mêmes sources de plaisir sont dévoilées dans l'Essai qui suit. La mesure de ce domaine peut être laissée à l'estimation de ceux qui trouveront le sujet digne de leur étude. Mais je puis m'avancer jusqu'à dire que de telles occasions de satisfaction intellectuelle ne manquent pas ici. Les lois que nous avons à examiner sont celles d'une des plus importantes de nos facultés intellectuelles. Les mathématiques qu'il nous faut construire sont celles de l'esprit humain. La forme et le caractère de cette méthode, quant à eux, en dehors de toute préoccupation d'interprétation ne sont pas sans mériter l'attention. Il y a même, en ses théorèmes généraux, un remarquable exemple de cette sorte d'excel- lence qu'est l'absence d'exceptions. Bien plus, on peut l'observer là où, dans les cas correspondants des mathémati~ues habituelles, ce n'est en rien apparent. Ceux qui, en petit nombre, pensent qu il y a dans l'analyse de quoi la rendre digne d'intérêt en elle-même, peuvent trouver intéressant de l'étuâier sous une forme où toute équation peut être résolue et toute solution interprétée. On ne diminuera pas non plus l'intérêt de cette étude à réfléchir au fait que chaque particularité qui se présente dans le calcul représente un trait correspondant dans la même constitution de l'esprit lui-même. Il serait prématuré de parler de la valeur que cette méthode peut avoir comme instrument de recherche dans la science. Je pense ici à la théorie du raisonnement et au principe d'une vraie classification des formes et des cas de la logique considérée comme une science. [Note en bas de page omise.] Le propos de ces recherches était primitivement restreint à l'expression de la logique traditionnelle et uploads/Philosophie/ george-boole-l-x27-analyse-mathematique-de-la-logique.pdf

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