15e École d’Été de Didactique des Mathématiques Clermont-Ferrand, 16-23 août 20
15e École d’Été de Didactique des Mathématiques Clermont-Ferrand, 16-23 août 2009 http://www.ardm.eu/book/export/html/676 La notion d’ingénierie didactique, un concept à refonder Questionnement et éléments de réponse à partir de la TAD Yves Chevallard UMR ADEF http://yves.chevallard.free.fr/ La notion d’ingénierie didactique a été introduite en didactique des mathématiques dans un contexte historique où le didacticien analysait et « l’ingénieur didacticien » organisait ce qui leur apparaissait (parfois de façon limite) comme des conditions possiblement modifiables par l’enseignant (qui était donc supposé pouvoir reprendre à son compte, in fine, les propositions et les produits de l’ingénierie didactique), et cela sans s’arrêter sur les contraintes de tous niveaux, d’apparence non modifiables, sous lesquelles lesdits produits pourraient être amenés à fonctionner. On s’efforcera de montrer que cette prudente cécité « stoïcienne » est en fait intenable tant dans le paradigme scolaire aujourd’hui en voie de dépassement que dans le paradigme épistémologique et didactique qui se dessine autour de l’idée de PER. Des études de cas illustreront ce questionnement ainsi que les éléments de réponse émergents dans diverses configurations où du didactique tente de vivre. 1. Une tension bipolaire, un flottement praxéologique Beaucoup a été écrit sur la question de l’ingénierie didactique depuis le début des années quatre-vingt. Une bibliographie minimale du sujet, aujourd’hui, comporterait au moins, outre bien sûr les travaux de Guy Brousseau réunis dans sa Théorie des situations didactiques (1998), l’article de Michèle Artigue paru dans RDM en 1990 (et repris dans Brun, 1996), l’article de Régine Douady paru dans Repères IREM en 1994, une nouvelle étude due à Michèle Artigue parue en 2002 dans Les dossiers des sciences de l’éducation, sans oublier les travaux, anciens ou récents mais tous précieux, dus à divers auteurs (par exemple Perrin- Glorian, 1992, ou Robert, 2003). Je ne m’attarderai pas davantage sur cet aspect des choses, 2 car cela aura été fait, je suppose, plus à loisir dans d’autres cadres que ce cours, au sein même de cette 15e école d’été de didactique des mathématiques. Je voudrais, ici, partir d’un texte de Guy Brousseau assez récent – il est daté du 26 avril 2008 –, intitulé Premières notes sur l’observation des pratiques de classes. Présenté par ailleurs 1 comme un fragment de texte non publié (mais heureusement disponible en ligne), on y lit ceci : 5. L’ingénierie didactique L’ingénierie didactique consiste à déterminer des dispositifs d’enseignement communicables et reproductibles. Elle évoque l’existence d’une description, d’une étude et de justifications aussi précises et consistantes que possibles des conditions d’utilisation de ce dispositif. Il existe une ingénierie didactique très active, qui est le fruit d’une expertise respectable, mais elle s’abstient le plus souvent de fournir des analyses précises et les justifications qui pourraient éclairer les utilisateurs. L’ingénierie didactique proprement dite accompagne les dispositifs produits d’un ensemble d’études et d’analyses qui donnent les caractéristiques du produit en référence avec les connaissances scientifiques théoriques et expérimentales du moment. Ces études peuvent ne pas être communiquées aux enseignants, mais elles sont indispensables pour l’analyse des observations des activités d’enseignement effectivement réalisées. Dans le cadre des recherches scientifiques, l’ingénierie à visée phénoménotechnique a pour objet de concilier les obligations normales de tout enseignement à des élèves avec la reproduction et l’étude de phénomènes didactiques bien déterminés. (Ce genre de recherche ne peut être entrepris que dans des organisations spécifiques complexes et précises). En particulier elle est indispensable pour étudier systématiquement et expérimentalement des modèles théoriques de dispositifs d’apprentissage et d’enseignement (les situations). On pourrait distinguer ici, d’emblée, une ingénierie didactique de recherche d’une ingénierie didactique de développement. On saisit en tout cas l’existence d’une tension entre deux pôles, que je désignerai, provisoirement, comme l’ingénierie didactique pour l’usage et l’ingénierie didactique pour la connaissance, tension bipolaire qui existerait donc, à suivre Guy Brousseau, à l’intérieur même de ce qu’il nomme « l’ingénierie à visée phénoménotechnique ». Si l’on supprime la visée de connaissance, on tombe sur l’ingénierie didactique à visée « pratique », qui n’a parfois d’ingénierie que le nom, et pas même l’intention. 1 Voir http://visa.inrp.fr/visa/presentation/Seminaires/Journees_inaugurales/programme_et_resumes.pdf. 3 Lorsqu’on passe en revue – je suppose que plusieurs ici l’ont fait – les résultats affichés par Google en réponse à la requête "ingénierie didactique" (il y avait, le 24 juillet 2009, 6290 réponses annoncées mais seulement 447 affichées), on voit deux orientations se dessiner : d’un côté, une orientation de recherche en didactique (des mathématiques, de l’EPS, du français, de la physique, etc.) où l’on parle volontiers de la méthodologie de l’ingénierie didactique ; de l’autre, une orientation de développement, qui semble relativement étrangère – tout en en dérivant – à la tradition établie en didactique des mathématiques. De la première, qui nous est familière, je donne d’abord un exemple apparemment mineur, que j’emprunte à Pascale Blouin (1999), dont le mérite est de suggérer que, en matière de recherche, la « méthode » de l’ingénierie didactique n’équivaut pas aux techniques d’investigation plus anciennement popularisées : La nécessité des expérimentations didactiques Comme nous l’avons déjà mentionné plus haut, les résultats sur la construction de la structure multiplicative de la fraction que nous avons obtenus lors de la première étude et que semble appuyer notre seconde étude, remettent en question l’hypothèse que les situations d’enseignement devraient favoriser une construction indépendante des structures additives et multiplicatives des fractions. Cette dernière hypothèse, que nos résultats questionnent fortement, est toutefois conforme aux conclusions pouvant être tirées d’études cognitives et didactiques de type évaluation de connaissances, c’est-à-dire, davantage de l’ordre de l’état de connaissances à un moment déterminé en fonction d’un nombre restreint de situations que de la transformation de connaissances. Ce type de recherches ne permet qu’une vision partielle du processus de construction n’ayant pas placé les élèves dans ce type de situation. En cela, les résultats obtenus dans la seconde étude montrent bien que la possibilité que nous avons eue de recourir à un modèle de construction des connaissances des fractions en situations didactiques est nécessaire pour apprécier ces conduites. Ils montrent également la pertinence de réaliser, dans les études intéressées par la construction d’un objet d’enseignement, des expérimentations didactiques s’appuyant sur la méthodologie de l’ingénierie didactique. (p. 211) J’emprunte mon second exemple à un travail présenté comme relevant de l’« inter-didactique des mathématiques et de la physique », signé de Didier Malafosse, Alain Lerouge et Jean- Michel Dusseau (2000) : 4 Pour aller au-delà de ce constat et tester la pertinence de notre modèle associant la notion d’espace de réalité à celles de cadre et de registre, nous avons monté une séquence d’électricité en classe de troisième d’un collège classé en ZEP. La méthodologie retenue a été celle de l’ingénierie didactique que Artigue définit comme « un schéma expérimental basé sur des réalisations didactiques en classe, c’est-à-dire sur la conception, la réalisation et l’analyse de séquences d’enseignement. » (Artigue, 1988 [sic], pp. 285-286). Je n’entrerai pas plus avant, ici, dans l’examen de ce que ces auteurs ont fait au juste, dans leur recherche, en matière d’ingénierie didactique. Ce que je soulignerai simplement, parce que ce sera en un sens au cœur de mon propos, c’est le fait absolument général du flottement praxéologique associé à toute transposition institutionnelle, phénomène lié notamment à ce fait que les acteurs des systèmes de recherche et des systèmes didactiques avec lesquels ils interagissent sont eux-mêmes porteurs de contraintes, fruit de leurs assujettissements (parfois anciens) à diverses institutions, ou soumis à des contraintes actuelles qui s’imposent à eux. C’est ainsi que des didacticiens de l’EPS, Jean-Paul Sauvegrain, Marie-France Carnus et André Terrisse (2002) écrivent : Un regard critique porté sur l’utilisation de la méthode expérimentale de type « recherche en laboratoire » pour l’étude des faits éducatifs nous a conduit à opter pour une méthodologie d’ingénierie didactique, en référence à Artigue (1988). L’utilisation d’une méthode expérimentale au sens strict ne peut pas prendre en compte le contexte dans lequel se déroulent les apprentissages (la situation de classe avec ses aléas), alors que les interactions entre environnement et sujet étudié apparaissent déterminantes dans la réalité de l’enseignement. Cette nécessité de prise en compte des interactions avec le milieu didactique a été déjà soulevée avant nous dans les recherches en didactique de l’EPS (Amade Escot, Marsenach, 1995 ; Loquet, 1996 ; Camus, 2001). Ces auteurs évoquent alors « des difficultés dues à la spécificité des décisions de lutte » pour procéder à des « adaptations de la méthodologie d’ingénierie didactique en combat » : Une première adaptation concerne la « commande » passée à l’enseignant de la classe que nous avons observée. Classiquement, dans les ingénieries en mathématiques, l’enseignant propose aux élèves un contenu bien délimité, les phases didactiques sont définies au préalable, et les réponses attendues (y compris les « erreurs » prévisibles) sont décrites avant que la leçon n’ait lieu. Une notion mathématique est abordée, des situations de recherche, de mise en 5 commun, d’institutionnalisation, sont clairement organisées, repérables dans le déroulement des séquences (Brousseau, 1998). Pour notre recherche, il ne nous a pas été possible d’être aussi précis (car, nous l’avons dit, le milieu, ouvert, interagit fortement), ce qui nous a conduit uploads/Philosophie/cours-de-yc-a-l-ee-2009.pdf
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- Publié le Aoû 02, 2022
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