PHILOSOPHIE 10 À l’heure des questions sur la prise en charge du malade dans sa
PHILOSOPHIE 10 À l’heure des questions sur la prise en charge du malade dans sa globalité et de sa place dans le processus thérapeutique, il convient d’élargir le champ de définitions du normal et du pathologique. En 1943, alors qu’il est engagé dans la Résistance, Georges Canguilhem soutient une thèse de médecine intitulée Essai sur quelques problèmes concernant le normal et le pathologique où il se réfère essentiellement aux œuvres d’Auguste Comte(1) et de Claude Ber nard(2) pour savoir si « l’état pathologique n’est qu’une modification quantitative de l’état normal ». D’emblée, il réfute la thèse du philosophe et du médecin sur la santé et la maladie, et défend la théorie selon laquelle le pathologique ne peut se définir de manière objective. En effet, il n’est pas possible de comprendre la maladie outre la représentation qu’en fait le malade puisqu’elle est définie par la conscience du malade et non par celle du médecin. La maladie est donc perçue au travers du vécu du malade comme qualitative et l’observation du médecin confirme cette différence qualitative de l’état du patient. Toute modification de la santé est donc à la fois quantitative et qualitative. Cependant, pour Canguilhem, il n’existe pas d’opposition marquée entre le normal et le pathologique dans la mesure où l’état normal ne peut être considéré seulement par rapport à un milieu donné et que le pathologique est en lui-même « normal ». Il obéit à sa propre normativité : être malade, c’est encore « vivre », ce qui suppose agir encore selon des normes. La mala die est « un effort de la nature en l’homme pour obtenir un nouvel équilibre », Georges Canguilhem – Le Normal et le Pathologique Pour Canguilhem, le terme « normal » n’a aucun sens proprement abso- lu ou essentiel : « Ni le vivant, ni le milieu ne peuvent être dits normaux si on les considère séparément, mais seulement dans leur relation. » En reconnaissant qu’il y a deux procédures possibles pour définir la norme, Canguilhem nous convie à réfléchir sur le jugement de valeur porté par la société sur ce qui est étiqueté « pathologique ». DR 11 Georges Canguilhem – Le Normal et le Pathologique Sous la haute direction de madame Martine Méheut, présidente de l’Association euro- péenne des enseignants une « autre allure de la vie » qui impose à l’homme de vivre une « autre vie, même au sens biologique de ce mot » et à l’organisme de modifier ses allures précédentes. Le pathologique est une variation de l’état physiologique. Or la physiologie est, non pas « la science des lois ou des constantes de la vie nor- male », mais « la science des fonctions et des allures stabilisées de la vie ». En cas de douleur chronique, le malade doit parvenir à retrouver une normalité dans l’expérience de sa douleur et établir de nouvelles règles de vie. Canguil hem considère d’autre part qu’un retour à la norme antérieure d’un état pa thologique, à savoir la guérison, est « la reconquête d’un état de stabilité des normes physiologiques ». Or, « aucune guérison n’est un retour à l’innocence physiologique car il y a irréversibilité de la normativité biologique ». Ainsi, « guérir, c’est se donner de nouvelles normes de vie, parfois supérieures aux anciennes », mais jamais identiques. L’anomalie, quant à elle, est un fait bio logique insolite sans rapport avec une anormalité. C’est un terme descriptif et non normatif. C’est seulement si le sujet se considère dévalorisé à cause d’elle que l’anomalie devient pathologique. Le concept de normal est produit selon deux types de procédures : soit à partir des méthodes statistiques qui définissent une norme, sa moyenne et ses écarts-types ; soit en fonction d’évaluations (sociale et morale) qui englo bent la déontologie ou la politique. En insistant sur la deuxième acception, Canguilhem a repensé la déontologie médicale. Il a montré que « le médecin doit tenir compte de la dimension individuelle et subjective de la maladie, de la conscience et de la sensation du malade » afin que la personne soit reconnue dans sa propre expérience pathologique ainsi que dans ses trois dimensions constitutives : l’organique, le sensible et l’intelligent. En accordant plus de valeur au ressenti, Canguilhem prône une « écoute différente du malade » et une compréhension plus approfondie de la maladie. 1. Philosophe français (1798-1857) auteur du Cours de philosophie positive. 2. Médecin français (1813-1878), « père » de la médecine expérimentale. Bibliographie - Le Normal et le Pathologique, Georges Canguilhem, PUF. - Actualité de Georges Canguilhem : Le Normal et le Pathologique, collection Les empêcheurs de penser en rond, 1998. Sergent Cassandre Gruyer Rédactrice au CESA uploads/Philosophie/ georges-canguilhem-le-normal-et-la-pathologique.pdf
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- Publié le Jul 18, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
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