Franck NEVEU Professeur de Linguistique française à l'Université de Paris-Sorbo

Franck NEVEU Professeur de Linguistique française à l'Université de Paris-Sorbonne (UFR Langue française) Directeur de l'Institut de Linguistique Française (CNRS, FR 2393) Franck NEVEU Grammaire du verbe en français : morphologie, syntaxe, sémantique Indications bibliographiques générales - Denis CREISSELS, 1995, Éléments de syntaxe générale, Paris, PUF. - Catherine FUCHS, 1996, Les Ambiguïtés du français, Gap-Paris, Ophrys. - Laurent GOSSELIN, 1996, Sémantique de la temporalité en français, Louvain-la-Neuve, Duculot. - Danielle LEEMAN, 2002, Grammaire du verbe français, Paris, Nathan. - Pierre LE GOFFIC, 1993, Grammaire de la phrase française, Paris, Hachette. - Jacques LEROT, 1993, Précis de linguistique générale, Paris, Éditions de Minuit. - Robert MARTIN, 2002, Comprendre la linguistique, Paris, PUF. - Jacques MOESCHLER & Antoine AUCHLIN, 1997, Introduction à la linguistique contemporaine, Paris, Armand Colin. - Philippe MONNERET, 1999, Exercices de linguistique, Paris, PUF. - Claude MULLER, 2002, Les Bases de la syntaxe, Bordeaux, Presses Univer- sitaires de Bordeaux. - Nicole LE QUERLER, 1996, Typologie des modalités, Caen, Presses Universitaires de Caen. - Franck NEVEU, 2000, Lexique des notions linguistiques, Paris, Nathan, « 128 ». - Franck NEVEU, 2004, Dictionnaire des sciences du langage, Paris, A. Colin. - Olivier SOUTET, 1989, La Syntaxe du français, Paris, PUF, « Que sais-je ? ». - Olivier SOUTET, 1995, Linguistique, Paris, PUF. - Touratier C., 1996, Le Système verbal français, Paris, Armand Colin. - Marc WILMET, 1997, Grammaire critique du français, Paris, Louvain-la- Neuve, Hachette-Duculot. 1. Rappels sur le mécanisme organisateur des parties du discours 1.1. La notion de prédicativité La notion de prédicativité a été principalement développée en psychomécanique du langage par Gustave Guillaume, qui la définit comme la faculté qu’a un mot de dire quelque chose de quelque chose. La notion traduit une intuition remontant à l’Antiquité, selon laquelle il existe des types de mots qui disposent d’une capacité prédicative supérieure à d’autres. Cette intuition a été matérialisée assez tôt dans l’histoire des grammaires par les oppositions entre mots « principaux » et mots « accessoires », mots « pleins » et mots « vides », mots « lexicaux » et mots « grammaticaux », etc. Guillaume fonde son opposition entre parties de langue prédicatives et non prédicatives en s’appuyant sur la nature du signifié matériel du mot, c’est-à-dire sur la notion qu’il véhicule. Il distingue ainsi, selon la nature de leur idéogénèse, deux espèces de mots : (i) ceux dont la matière notionnelle ressortit à l’événement relaté par la phrase, et dont l’idéogénèse est fournie par la conceptualisation des données de l’expérience humaine (le substantif, l’adjectif, l’adverbe, le verbe : parties de langue prédicatives) ; (ii) ceux dont la matière notionnelle ressortit au mécanisme de l’événement qu’est la phrase elle-même, et dont l’idéogénèse est obtenue par la transcendance des données de l’expérience humaine, ne saisissant, de manière réflexive, que l’acte de langage actualisé par cette expérience (le pronom, l’article, la préposition, la conjonction : parties de langue non prédicatives). Comme le précise justement Gérard Moignet, commentant le modèle théorique de Guillaume : La frontière n’est pas tracée de façon absolue entre les deux séries de parties de langue. Il existe notamment des mécanismes linguistiques par lesquels des parties de langue prédicatives peuvent être portées à des états qu’on pourrait dire sublimés d’elles-mêmes, ce qui les fait fonctionner comme des mots grammaticaux. Le cas le plus manifeste est celui de l’auxiliarisation : prédicatif dans Je pense, donc je suis, le verbe être ne l’est plus quand il devient auxiliaire de l’aspect : je suis arrivé, où de la voix passive : je suis puni. Inversement, des parties de langue non prédicatives pourront parfois être prédicativées ; avec la préposition pour, on peut faire un substantif : le pour et le contre. G. Moignet, Systématique de la langue française, Klincksieck, 1981. 2 1.2. Critères de définition et de classification des parties du discours 1.2.1. Critère sémantique C’est le critère le plus fréquemment exploité, notamment dans la grammaire traditionnelle. C’est pour ainsi dire le critère exclusif de la grammaire générale de Port- Royal (1660), laquelle distingue un ensemble formé de types de mots qui signifient une idée (noms, articles, pronoms, participes, prépositions, adverbes) et un ensemble formé de mots qui signifient une opération de l’esprit (verbes, conjonctions, interjections). C’est également le critère sémantique qui préside à la distinction entre parties de langue prédicatives et non prédicatives chez Guillaume et à la distinction entre les mots pleins et les mots vides chez Tesnière. 1.2.2. Critère morphologique Ce critère sert à décrire chaque partie du discours par des propriétés morphologiques spécifiques. C’est ce critère qui permet par exemple d’opposer (en synchronie) des catégories variables et des catégories invariables, de distinguer (en synchronie) des parties formant des ensembles finis de mots et des parties dont la liste reste ouverte, c’est-à-dire dont on peut augmenter à l’infini le nombre de constituants. Certains procédés, comme la conversion, autorisent de telles créations par transfert catégoriel (par exemple, un adjectif peut être adverbialisé), mais les morphèmes grammaticaux comme les articles ou les pronoms personnels ne se prêtent pas à ce type de mobilité. Le critère morphologique permet aussi de dégager certains traits spécifiques, notamment les désinences verbales, qui varient en temps, mode personne et nombre, ou la variation flexionnelle en genre et nombre des noms, adjectifs et déterminants. 1.2.3. Critère fonctionnel Le critère fonctionnel définit les parties du discours par les relations que ces parties entretiennent dans la construction de la phrase. Ainsi par exemple c’est par la fonction syntaxique et la distribution que l’on distingue les adverbes des prépositions. La notion d’incidence, au cœur de la classification des parties de langue chez Guillaume, s’inscrit dans le critère fonctionnel. La notion d’incidence, à partir du latin scolastique incidere, « tomber sur, survenir », du latin classique cadere, « tomber », a été principalement développée par Gustave Guillaume, dans le cadre de la théorie de la 3 psychomécanique du langage, où elle est employée dans deux domaines distincts. Dans l’étude du temps verbal, l’incidence, en opposition à la décadence, définit un des moments successifs qui caractérisent le mouvement d’échéance de l’événement au temps d’univers : celui du procès en accomplissement où l’événement est vu arrivant au temps. La décadence définit, inversement, le moment du procès accompli où l’événement est vu arrivé au temps. La langue française rend compte de cette distinction dès le mode nominal par l’opposition qu’elle fait percevoir entre l’infinitif (ex. marcher : niveau d’incidence), le participe présent (ex. marchant : niveaux d’incidence et de décadence), et le participe passé (ex. marché : niveau de décadence). Mais les niveaux d’incidence et de décadence se retrouvent à chaque étape de la chronogénèse. La notion d’incidence est par ailleurs développée dans le cadre de l’étude des mécanismes syntaxiques qui régissent le fonctionnement dans la phrase des parties du discours. Pour Guillaume le mouvement d’incidence : […] a trait au mouvement, absolument général dans le langage, selon lequel, partout et toujours, il y a apport de signification et référence de l’apport à un support. G. Guillaume, Leçons de linguistique, 1948-1949, Série B, Psycho-systématique du langage– Principes, méthodes et applications I, Klincksieck, 1971. Cette relation entre les éléments apports et supports, désignée ici par le terme d’incidence, est ce qui règle l’assemblage des constituants syntaxiques. Par exemple, l’incidence du substantif est une incidence dite interne car l’apport et le support de signification ne sont pas dissociables. Ils sont tous deux compris dans la signification apportée. L’incidence de l’adjectif qualificatif est dite externe car le mot adjectival n’est pas en lui-même pourvu d’un support. Il le requiert, et cet appui syntaxique lui est fourni en discours par un constituant nominal de son environnement. Par exemple, dans Le foulard rouge est sur la chaise, l’incidence externe de l’adjectif rouge se manifeste par la dépendance syntaxique de l’épithète à l’égard du syntagme nominal Le foulard, qui lui fournit le support dont il a besoin. Si, pour Guillaume, le mécanisme d’incidence est fixé dès la langue, cela ne constitue pas pour autant un obstacle explicatif aux fréquents phénomènes de recatégorisation des unités en discours. Ainsi, bien que définie en langue par un régime d’incidence interne, une unité relevant de la catégorie substantive peut manifester en discours une incidence externe, mais au prix d’un provisoire transfert catégoriel, par exemple d’une adjectivation (ex. un remède miracle). 4 2. La notion de verbe : problèmes de définition 2.1. Critères morphologiques et sémantiques (i) Le verbe est identifié, du point de vue morphologique, par ses variations de forme et par les distinctions grammaticales que ces variations permettent d’identifier. (ii) En outre, le verbe assume un rôle central dans la structure de la phrase. Il convient toutefois de préciser que les caractéristiques morphologiques qui viennent d’être rappelées ne sauraient valoir pour les langues. C’est pourquoi du point de vue de la linguistique générale, la classe morphosyntaxique du verbe pose des problèmes d’identification. Comme le rappelle Denis Creissels (1995), en l’absence de constantes dans la structure morphologique des formes qui sont reconnues par les grammaires comme verbales, la seule façon absolument générale de justifier l’utilisation par les grammairiens de la notion de uploads/Philosophie/ grammaire-du-verbe-en-francais.pdf

  • 83
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager