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Tous droits réservés © Théologiques, 2019 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 9 jan. 2023 13:18 Théologiques Revue interdisciplinaire d’études religieuses Histoire des religions Comparaison et complexité Fabrizio Vecoli Volume 27, numéro 1, 2019 Les études religieuses à l’Université de Montréal URI : https://id.erudit.org/iderudit/1066571ar DOI : https://doi.org/10.7202/1066571ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Institut d’études religieuses de l’Université de Montréal ISSN 1188-7109 (imprimé) 1492-1413 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Vecoli, F. (2019). Histoire des religions : comparaison et complexité. Théologiques, 27(1), 85–108. https://doi.org/10.7202/1066571ar Résumé de l'article Cet article dresse un portrait de certaines difficultés rencontrées aujourd’hui par l’histoire des religions comme discipline académique. On se concentre notamment sur la question de la comparaison, où les problèmes théoriques semblent atteindre un niveau critique. Se situant au croisement entre l’histoire au sens propre et les sciences sociales de type plus synchronique, l’histoire des religions se trouve à devoir gérer plusieurs contradictions théoriques. La proposition avancée dans ce texte consiste à se tourner du côté des théories de la complexité, dont l’impact dans les sciences humaines est grandissant : celles-ci permettraient, en effet, d’adopter une nouvelle épistémologie capable de surmonter certaines dichotomies sans tomber dans l’irrationalisme. © Revue Théologiques 2019. Tout droit réservé. Théologiques 27/1 (2019) p. 85-108 Histoire des religions Comparaison et complexité Fabrizio Vecoli* Histoire du christianisme Université de Montréal (Canada) 1. La question Poser la question du caractère comparable de la religion en tant qu’histo- rien des religions équivaut à s’interroger sur le statut de la discipline et, de toute évidence, sur les éléments — parlera- t-on encore d’universaux ? — susceptibles de fonder l’opération de comparaison. Pour le dire avec les termes de la linguistique de John L. Austin, sur le plan locutoire notre question est une interrogation réelle qui n’a rien de rhétorique, car la réponse ne va pas de soi et ne peut être donnée que dans les limites d’une perspective définie, dans notre cas historienne. Sur le plan illocutoire, la question se propose d’alimenter une réflexion plus générale — encore qu’embryonnaire, à ce stade — sur la possibilité d’étudier un objet conceptuel tel que la religion en modérant l’exclusivisme théorique qui finit toujours par compartimenter la recherche selon des modèles spé- cifiques, habituellement incompatibles entre eux. Il convient sans doute de mentionner à ce propos l’image des cercles magiques s’excluant récipro- quement, proposés par Bourdieu quand il parle de l’inconciliabilité des * Fabrizio Vecoli est professeur agrégé en sciences religieuses auprès de l’Institut d’études religieuses de l’Université de Montréal. Il est historien de formation et s’intéresse particulièrement au monachisme chrétien primitif ainsi qu’aux questions théoriques soulevées par l’étude du phénomène religieux. Parmi ses publications récentes : (2018) « Différencier l’indifférencié. Culture et religion. Une réflexion appliquée au cas du monachisme primitif », dans Studies in Religion/Sciences Religieuses, novembre, DOI : <doi.org/10.1177/0008429818778881> ; et (2018) « La dimension ésotérique de la religion à l’ère d’Internet », dans Historia Religionum, 10, p. 127-137. 86 fabrizio vecoli théories entre elles1. Enfin, pour tout dire, l’effet espéré de ces quelques propos se situe dans leur impact perlocutoire : il s’agit de susciter une atti- tude d’ouverture à la dissonance des modèles, ainsi qu’un intérêt plus constructif face à la variété contradictoire des positions. On indiquera dans les théories de la complexité une voie de sortie possible à l’impasse repré- sentée par la dichotomie entre approches opposées : positivisme et hermé- neutique, idiographie et nomothétisme, réductionnisme et holisme2, structuralisme et interactionnisme, jusque dans la querelle plus spécifique entre fonctionnalisme et intentionnalisme (à propos de la question de la Solution finale de la question juive). On voudra éviter la liquidation quelque peu hâtive et radicale des thèses opposées au nom d’une cohérence tout artificielle et simpliste, par exemple quand il s’agit des thèses d’un passé « colonial » positiviste transitant par l’abattoir d’une déconstruction radicale postmoderne qui, dans ses excès, tend à parfois à l’iconoclastie. Il est alors évident qu’une prise de conscience du caractère complexe et conditionné, voire politique, des catégories conceptuelles que l’on utilise dans notre travail ne devrait pas — c’est là la position qui est exprimée en ces quelques pages — aboutir au rejet pur et simple de celles- ci, et ce, qu’il 1. « “[…] chaque langage dessine un cercle magique autour du peuple auquel il appar- tient, un cercle dont on ne peut sortir qu’en bondissant dans un autre”. Cette théorie du langage comme mode de connaissance que Cassirer a étendue à toutes les “formes symboliques” et, en particulier, aux symboles du rite et du mythe, c’est- à-dire à la religion conçue comme langage, s’applique aussi aux théories et, en particulier, aux théories de la religion, comme instruments de construction des faits scientifiques : tout se passe en effet comme si l’exclusion des questions et des principes qui rendent possibles les autres constructions des faits religieux faisait partie des conditions de possibilité implicites de chacune des grandes théories de la religion » (Bourdieu 1971, 295). 2. « But that synthesis points to a greater synthesis — to a bringing together of modes of understanding reality which began to separate in the seventeenth century […], the separation of the ‘hard’ sciences with their Newtonian programme and the ‘human’ sciences with their recognition of agency […]. We are also quite deliberately employing the term synthesis in its Hegelian sense, that is a process of understanding based on the unity of opposites, of thesis which we might think of as the Newtonian programme and its derivatives, and antithesis which we can see as the programme of the human sciences. To unify is not to deny. […] So we see complexity as providing a framing for the unifying of a whole set of opposites in scientific practice, of quan- titative and qualitative research, of analysis and holism as modes of understanding, and of relativism and hard realism as epistemological positions » (Byrne et Callaghan 2014, 253-255). histoire des religions 87 s’agisse de la « religion », du « rituel »3 ou d’autres taxons similaires (voir, par exemple : Cantwell Smith 1963, Asad 1993, McCutcheon 1997, Fitzgerald 2000). D’autre part, le décloisonnement des approches théo- riques n’est pas — il faut le dire — chose simple, car la logique contrai- gnante de chaque modèle constitue un obstacle sérieux au dialogue avec les autres. Si l’on suit le principe aristotélicien de non- contradiction, les incompatibilités logiques surgissent aussitôt : comment maintenir une conception de la religion comme rencontre avec un Sacré bien réel et en même temps la réduire à un sous- produit des mécanismes cognitifs sub- conscients enfouis dans l’intellect humain ? Et si elle est le produit d’une dynamique psychologique individuelle, comment alors l’expliquer comme une création essentiellement collective ? Est- elle la manifestation d’une structure profonde et intemporelle de l’esprit humain ou l’aboutissement d’un processus de stratification historique ? Trouve- t-elle sa causalité pro- fonde dans le diachronique ou dans le synchronique ? Et ainsi de suite. Face à cette discordance irrévocable est- il encore possible d’aborder le phénomène avec des catégories raisonnablement partagées sans pour autant escamoter l’irréconciliabilité des approches par le biais d’un iré- nisme épistémologique naïf et ambigu ? C’est la question sous- jacente à celle de la religion comme objet historique comparable. Par ailleurs, les effets du tournant linguistique sur l’histoire comme discipline (Delacroix 2010) nous obligent aussi à préciser de quelle manière nous utilisons les mots propres à notre champ disciplinaire. Le mot « reli- gion », par exemple (à ce sujet, on ne saurait trop insister sur l’utilité de Gisel et Tétaz 2002, p. 13-14). Faute de pouvoir traiter en ce lieu de la question ardue de la définition des concepts, on se limitera à dire que nous utilisons ceux- ci comme instruments heuristiques toujours provisoires et pourtant significatifs. Pour travailler à ce niveau d’abstraction il est utile de prendre exemple des gerris, ces insectes extraordinaires qui peuvent marcher sur l’eau en s’y maintenant légers au point d’être soutenus par la tension superficielle de celle- ci. Les concepts, en tant que mots, participent du « jeu du langage » — selon l’expression de Wittgenstein — et ne peuvent donc être soustraits à ce jeu sans produire de graves paradoxes, et dispa- raître ainsi sous la surface de l’eau. Un mot n’est soutenu que par la tension superficielle du langage dans lequel il est inséré, un concept ne peut flotter 3. « […] implicit or explicitly, many practice theories suggest the value of jettisoning the category of ritual as a necessary first step in opening up the particular logic and strategy of cultural practices » (Bell 1997, p. 83). 88 fabrizio uploads/Philosophie/ histoire-des-religions.pdf
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- Publié le Sep 05, 2021
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