C eux qui ont assisté aux séminaires de Lacan ont été mar‑ qués par une certain

C eux qui ont assisté aux séminaires de Lacan ont été mar‑ qués par une certaine époque du séminaire. J’ai été plus particulièrement marqué par les derniers, à partir de Encore. Lacan prenaient une forme de plus en plus énigmatique dans la mesure où il passait de plus en plus de temps à dessiner des nœuds dans en silence. Il était assez évident qu’il y mettait le plus grand sérieux mais il n’y avait pas beaucoup d’élèves pour le suivre à cette époque et on se retrouve aujourd’hui avec ce soleil. J’ai essayé de montrer dans mon livre que Lacan ne s’est pas intéressé à la topologie comme ça sur le tard et que c’est quelque chose qui se prépare et qui était déjà présent dès les tout premiers séminaires et on va essayer ce soir de voir en quoi la topologie per‑ met d’avancer sur la question du temps, question qui importait à Lacan puisqu’un de ses derniers séminaires s’appelle « la topologie et le temps ». Combien de temps avons‑nous ? Jusqu’à 21 heures ? Nous avons largement le temps ! Donc le temps, il est important de savoir quel est le terme. C’est une question éminemment clinique, c’est une question qui se pose souvent dans les entretiens préliminaires souvent on pose cette ques‑ tion : « combien de temps ça va durer ? » 207 Séminaire de psychanalyse 2008 - 2009 aefl La topologie et le temps La topologie et le temps Marc Darmon Comment expliquer le retour du refoulé ? Si paradoxal que ce soit nous dit Lacan il n’y a qu’une façon de le faire, ça ne vient pas du passé, mais de l’avenir. Voilà une façon d’expliciter cette structure : le refoulement c’est toujours un refoulement secondaire. Comment expliquer le retour du refoulé, hé bien, ça ne vient pas du passé, ça vient du futur. Alors, il l’illustre dans le séminaire I, d’une histoire qu’il a été cherché chez le créateur de la cyberné- tique, Norbert Wiener, où il s’agit de deux personnages pour lesquels le temps se déroule de façon inverse chez l’un et chez l’autre. Un personnage, le deuxième, envoie un message au premier. L’exemple, c’est un carré qu’il efface. Que reçoit le 1er personnage dont le temps fonctionne à l’envers du 2e. Qu’est-ce qu’il reçoit ? Le 2e envoie l’image d’un carré qu’il efface au tableau. D’abord il voit rien, ensuite des traces et peu à peu le carré apparaît. Cet exemple sert à Lacan à illustrer ce qu’il a amené du retour du refoulé comme venant de l’avenir. Dans l’analyse, ce à quoi nous avons à faire, c’est à une trace dont on va découvrir peu à peu le sens dans une sorte de réalisation symbolique. Vous voyez au moment où le carré apparaît, il n’est plus inconscient, il aura été. Donc, c’est en cela que Lacan dit de l’inconscient ; son mode, c’est le futur antérieur. Au début on aura la trace, par exemple le symptôme et la découverte du sens de ce symptôme se fait, dans la ligne du futur. Si bien qu’on pourra dire de l’inconscient à propos de ce symptôme, il aura été. Qu’est‑ce que vous répondez ?… Il faut bien répondre quelque chose !… Bon alors, en général, pas toujours, quand il s’agit d’adolescent je me garde de répondre ça, en général, je dis : « il faut du temps ». Quand je dis « il faut du temps », c’est pas forcément ce qu‘on peut entendre, je me réfère à une phrase de Lacan qui dans Radiophonie, c’est un texte très écrit, Lacan jouait éminemment sur le « cristal de la langue » et à propos de ce « faut du temps », il a des phrases telles que : « Mon épreuve ne touche à l’être qu’à le faire naître de la faille que pro‑ duit l’étant de se dire. » plus loin, « à l’étant il faut le temps de se faire à l’ê‑ tre » c’est‑à‑dire il joue sur ce cristal de la langue pour réfracter le signifiant qui divise le sujet. Plus loin, il dit « ce qu’il faudra de ce qu’il faut de temps, c’est la faille dont se dit l’être », « faudra ce qu’il faut de temps ». Donc ici, avec ce « faudra », il fait allusion à l’étymologie com‑ mune des verbes falloir et faillir qui est fallere, tomber. Lacan fait appel à l’étymologie, mais faussement, c’est‑à‑dire, il rappelait toujours que ce qui l’intéressait, c’est le cristal de la langue. Quand l’étymologie y conduit, pourquoi pas. Il y a donc ces 2 verbes qui ont la même éty‑ mologie, le verbe falloir et le verbe faillir, qui est le verbe fallere, c’est‑ à‑dire, tomber. Alors ce « faudra ce qu’il faut de temps » c’est‑à‑dire, ce qui va tomber dans ce qu’il faudra de temps, à mon avis ici le temps est envisagé comme objet a c’est‑à‑dire comme objet chu, c’est une des dimensions de l’objet a, le temps. Vous avez étudié le temps logique, à l’occasion de cette série de conférences, Le temps logique et l’assertion de certitude anticipée, dans ce texte Lacan insiste sur la hâte. La hâte est une des dimensions tempo‑ relles de l’objet a. On pourrait dire que l’objet a a au moins 2 dimen‑ sions temporelles : cette fonction de la hâte, vous vous souvenez de cette histoire des prisonniers, dans ce texte sur le temps logique avec différents moments, différentes scansions et cette fonction de la hâte, il faut se précipiter logiquement, cette précipitation, cette hâte est déterminée par le système logique du problème. L’autre dimension temporelle de l’objet a, c’est l’attente. C’est‑à‑dire cette dimension de l’attente, dimension temporelle de l’objet a, c’est une dimension que Lacan évoque dans son séminaire sur l’angoisse, quand le sujet a affai‑ re à l’autre et à la question de son désir. C’est cette dimension propre à l’angoisse et à l’attente. Je suis parti de cette question que pose souvent l’analysant au début : « combien de temps ça va durer » et j’évoquerai maintenant, un texte de Lacan où il est question du temps « fonction et champ de la paro‑ le et du langage » où Lacan parle de la question du temps comme une des dimensions essentielles de la réalité dans la cure. Il évoque deux choses qui font point de jonction entre le Réel et le Symbolique : il parle du non agir de l’analyste qui est un élément de la réalité, le non agir, mais ce non agir a des limites parce que parfois, l’analyste répond, lorsqu’intervient une vraie parole. Il a cette jolie expression de « l’analyste vient doubler le lai de son antienne ». Le lai c’est un poème, terme moyenâgeux pour évoquer un poème et l’antienne, c’est le refrain qui vient scander le psaume. Lacan évoque ce lai de l’analy‑ sant et cette scansion, l’antienne de l’analyste qui vient souligner une parole vraie pour permettre son inscription. 208 Séminaire de psychanalyse 2008 - 2009 aefl Marc Darmon C’est donc l’autre point de jonction entre le Symbolique et le Réel qui fait intervenir le temps. On a rencontré le temps logique, le temps qui fait scansion. L’autre fonction du temps c’est la durée totale de l’a‑ nalyse. Cette question pose le problème de la fin de l’analyse. Quels sont les signes de la fin ? Lacan dit que la durée totale de l’analyse ne peut être anticipée par le sujet que comme indéfinie. Il y a, dit‑il, deux raisons à cela : d’une part parce qu’on ne peut pas préjuger du temps pour comprendre. Le temps pour comprendre c’est un des éléments du temps logique. Lacan parle de ce temps pour comprendre, dans ce texte, comme une donnée, un facteur psychologique, quelque chose qui serait aux confins de notre champ, qui nous échapperait en quelque sorte. Je reviendrai la dessus car Lacan est revenu sur cette proposition du temps pour comprendre qui serait un facteur psychologique. J’essaierai de l’aborder d’un point de vue topologique. Il y a une autre raison pour laquelle le sujet ne peut anticiper cette durée totale de l’analyse que comme indéfinie, c’est que de fixer un terme d’amblée serait une projection spatialisante où se il trouve‑ rait d’ors et déjà aliéné à lui même du moment que l’échéance de sa vérité peut être prévue. Quoi qu’il puisse advenir dans l’intervalle, c’est que la vérité est déjà là. C’est‑à‑dire que nous rétablissons pour le sujet son mirage originel en tant qu’il place en nous, dit‑il, sa vérité et qu’en le sanctionnant de notre autorité nous installons son analyse dans une aberration qui serait impossible à corriger dans ses résultats. Quels présupposés au niveau du temps, une telle conception impliquerait ? Si la vérité est déjà là, on peut dire que ça s’appuierait sur une conception tout à fait déterministe ou qui semble aller de soit, si on considère que chaque événement a une cause antérieure, alors, à tout événement futur, il y uploads/Philosophie/ ignacio-matte-blanco-thinking-feeling-and-bein.pdf

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